Ernest ou comment l’oublier : conte initiatique sur le passage du temps (théâtre)

Pour sa nouvelle création (qui se termine aujourd’hui à Paris au TEP), Ahmed Madani tord le cou aux ravages du temps. Il sort du placard, « l’extraordinaire et inoubliable trapéziste, Miss Saltarella et la merveilleuse funambule Mademoiselle Lévitos ». Eternelles gamines malicieuses, ces vieilles dames fantasques s’activent pour un ultime tour de piste. Leur joute clownesque est un pied de nez touchant et poétique à la grande faucheuse. Cette pièce, qui quitte Paris, sera jouée prochainement à Genève et à Sartrouville.


Yvonne et Marie-Louise vivent dans le souvenir de leurs années passées au cirque Ernesto et de leur amour commun pour son beau directeur.

Chaque jour, elles préparent la soupe pour célébrer son retour. C’est sûr, ce soir, Ernest reviendra et désignera l’élue de son coeur ! Il l’emmènera avec lui en abandonnant l’autre à jamais…

Cette perspective déchaîne les passions, les règlements de comptes. Les mauvais coups côtoient la tendresse. Elles se chamaillent sans cesse comme un vieux couple et se disputent la vedette à grands coups de défis acrobatiques les plus insensés. Il est loin le temps où elles grimpaient aux arbres, faisaient les quatre cents coups, ne tenaient pas en place et développaient une énergie phénoménale. Aujourd’hui, il leur faut une grande force pour affronter le poids des années et le rituel d’un quotidien qui n’offre plus de surprise. Elles passent leurs journées à lutter contre la poussière et rêvent en attendant l’homme de leur vie.

Derrière la routine apparente se cache la tempête. Les conflits et les peurs du passé hantent le présent et agissent sournoisement pour foudroyer la sérénité du foyer. « Nos anciens ont une capacité extraordinaire, celle de retrouver le chemin qui mène à l’enfance. » Et c’est par ce chemin qu’Ahmed Madani, qui se définit comme « auteur en scène », tisse le lien avec la jeunesse. « Le cirque, explique-t-il, est le lieu privilégié pour narguer la mort, pour se mesurer à elle en même temps que pour mesurer ses propres limites. Ici, vieillir ce n’est pas mourir un peu, c’est s’acharner à refuser l’usure du temps. »

Ces vieilles femmes fantasques sont interprétées par Stéphanie Gagneux et Camille Figuéréo, deux actrices qui ont travaillé plusieurs années avec Omar Porras. Plus concrètement, cette pièce s’annonce comme « un conte initiatique sur le thème du passage ; passage entre le temps où nous agissons et celui où la sagesse de la passivité devient une autre forme d’action ». Et l’auteur de s’interroger : « comment supporter de vieillir dans un monde qui pousse de plus en plus loin les limites de la vie et de la jeunesse, qui prépare les enfants à vivre un quatrième et un bientôt un cinquième âge, à dépendre de plus en plus de la société et à perdre progressivement le sens de la filiation ? »

Après son Médecin malgré lui « ultra créolé », Ahmed Madani s’adresse maintenant au jeune public dans un poème d’amour à composer entre les générations. Le texte ludique et cocasse parle de l’usure du temps avec allégresse. Un petit cirque facétieux au décor en chausse-trappe qui oscille entre rêve et réalité.

Ce soir à 19h30 au Théâtre de l’Est parisien

Prochainement :
Théâtre Am Stram Gram de Genève du 3 au 7 avril 09
Centre Dramatique Nationale de Sartrouville du 12 au 16 mai 09
Ernest ou comment l’oublier : conte initiatique sur le passage du temps (théâtre)

Publié le 31/03/2009 à 09:17 | Lu 5635 fois