Emploi des seniors (3) : questionner l’accès à la retraite, chronique par Serge Guérin

Mais la question de l’emploi des seniors, concerne aussi une autre révolution intellectuelle : celle des temps sociaux. On ne peut plus penser le social avec une vision ternaire marquée par des séquences hermétiques : temps scolaire, temps de travail, temps de retraite.





Déjà, il apparaît impossible de fonder toute une vie professionnelle sur des connaissances et un diplôme obtenu à 17 ou 25 ans. L’allongement de la vie professionnelle et l’accélération des innovations technologiques et sociales rendent rapidement caduques une formation, un savoir.

Allons plus loin. Si le corps social commence à comprendre la nécessité de se former tout au long de la vie, si après la grande réforme de la formation professionnelle de 1971, il devient, enfin, possible de changer le cours de son cursus professionnel et personnel par le levier de la formation, pourquoi ne pas penser le triptyque formation/emploi/retraite comme un continuum ?

Chacun doit pouvoir choisir son temps social et ses priorités en fonction de son cycle personnel de vie et de ses contraintes économiques. Pourquoi la retraite serait-elle uniforme et imposée à tous au même moment et dans les mêmes conditions ? C’est d’ailleurs faire peu de cas de deux éléments complexes : la pénibilité du travail (difficile à normer) qui influe sur la vie professionnelle et le désir de retraite, et le différentiel d’espérance de vie entre les catégories sociales (qui est facilement objectivable).

Dans un monde qui demande de plus en de capacité de réaction et d’adaptation, ce que les Danois nomment la flexicurité est une approche qui peut apparaître adaptée. La flexicurité repose sur quatre axes (contrat de travail, formation, politiques de l’emploi et protection sociale) qui répondent aussi aux effets du vieillissement de la population.

L’enjeu est bien de renouveler le lien entre emploi et revenu. Plutôt que conserver un système ou le temps de retraite succède, pratiquement toujours du jour au lendemain, à la période d’activité, il serait plus efficace de supprimer la barrière d’âge et de faire confiance à chacun pour organiser sa vie et procéder à ses propres arbitrages entre temps d’activité et temps personnel.

A partir d’un certain âge (par exemple 55 ans) ou d’un temps minimal d’activité professionnelle (comptabilisée par exemple en fonction de sa pénibilité et de son utilité sociale), la personne pourrait faire valoir ses droits à la retraite, poursuivre sa carrière dans les mêmes conditions, réduire son temps d’activité ou s’inscrire dans un autre registre de contractualisation professionnelle.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon
Emploi des seniors (3) : questionner l’accès à la retraite, chronique par Serge Guérin

Article publié le 17/11/2008 à 09:52 | Lu 4512 fois