Du Produit intérieur brut au Produit intérieur doux : une nouvelle façon de mesurer l’impact positif des seniors, chronique de Serge Guérin

L’ADN de la société moderne est placé sous le signe de la recherche de la performance et de la productivité. Pas de place pour les faibles, les fragiles, les différents. Le maillon faible met en risque l’ensemble du groupe. Le vieux, le malade ou l’handicapé est de fait, montré du doigt. Mais le senior également, au sens où on lui reprochera une productivité plus faible (ce qui n’est relevé par aucune étude sérieuse !) ou encore, d’être un profiteur du système.


Or, la notion de civilisation est tournée vers l’amélioration de la condition faite aux plus faibles. La démocratie se définit par l’attention et l’assistance portée aux plus fragiles (enfants, personnes âgées, handicapés, exclus du monde scolaire ou du travail…).

De la façon la plus basique qui soit, on notera que la protection sociale s’est développée pour permettre aux plus faibles de conserver une dignité et de bénéficier de la solidarité de tous. Il y a donc comme une contradiction entre les valeurs de l’entreprise et celles de la société dans son ensemble.

Cette dichotomie pouvait fonctionner en période de consensus idéologique où la concurrence toujours plus libre apparaissait comme le meilleur moyen de favoriser la création de richesses et de répondre aux attentes des consommateurs. Dans cette optique, le plus fort est légitimé pour devenir le plus riche.

Mais la survenue de la crise associée à la révolution démographique du vieillissement contribue à faire prendre conscience de l’intérêt à développer des valeurs qui soient à l’opposé de celles de la performance à tout prix, de la rapidité, du vite fait mal fait…

Le senior, en ce qu’il a du temps, peut aussi coproduire une société moins stressée. Le senior, en ce qu’il est expérimenté, peut contribuer à remplacer la valeur vitesse par la valeur d’utilité sociale, de contribution au mieux vivre de ses proches (de la garde d’enfants à l’aide au bricolage en passant par le militantisme associatif ou autre). Par exemple, dans l’habitat collectif, les plus âgés sont à la fois des temporisateurs, des vecteurs de liens sociaux et des passerelles entre plusieurs mondes.

Les seniors peuvent contribuer à faire émerger une nouvelle norme pour mesurer la performance d’une société. J’inscrits cette approche dans la filiation de l’association « Carrefour du savoir » (Québec) qui prône la notion de PID (Produit Intérieur Doux) en réaction à la notion habituelle de PIB (Produit Intérieur Brut). Au sens où le calcul de la croissance ne peut faire économie d’intégrer des notions aussi essentielles que celle d’utilité sociale, d’amélioration du confort, de la vie quotidienne, de l’échange social…

A chaque fois que les retraités, ces actifs informels, viennent en aide à un autre, à chaque fois qu’ils contribuent à la vie associative ou de voisinage, à chaque fois qu’ils donnent du temps et de la compétence, ils produisent de la richesse sociale au profit de la collectivité.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Du Produit intérieur brut au Produit intérieur doux : une nouvelle façon de mesurer l’impact positif des seniors, chronique de Serge Guérin

Publié le 22/06/2009 à 09:34 | Lu 1666 fois