Douleur chronique : un 4ème plan pour une amélioration de sa prise en charge… (partie 1)

A l’occasion d’un colloque organisé au Sénat, les associations de patients, le corps médical et le monde politique ont appelé à la mise en oeuvre d’un nouveau plan national consacré à la douleur chronique. En effet, au terme des trois plans précédents, la douleur chronique (qui ne cesse de croitre avec l’augmentation de la longévité) n’est toujours pas reconnue comme étant une maladie à part entière... La formation des soignants, le diagnostic, la prise en charge et l’orientation des patients, notamment les plus vulnérables, doivent être améliorés.


En France, la douleur constitue l’un des premiers motifs de consultation et l’une des priorités de santé pour 54% des Français. Une personne sur cinq souffre de douleurs chroniques modérées à intenses et 64% des personnes recevant un traitement rapportent être modérément soulagées sur le long terme...

De 1998 à 2010, trois plans nationaux de lutte contre la douleur se sont succédé en France, où la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité des soins reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental des personnes.

Pourtant ces efforts s’avèrent encore insuffisants. Et c’est pour cette raison que le Haut Conseil de la Santé Publique a émis en mai 2011 des recommandations pour un 4e plan douleur, parmi lesquelles : mieux impliquer la médecine de ville dans la prise en charge, mieux former et sensibiliser les professionnels de santé, informer davantage le public, prêter attention aux personnes vulnérables (enfants, handicapées et souffrant de maladies psychiatriques)…

Pourquoi un nouveau plan national ?

« Un nouveau plan ou un programme de lutte contre la douleur serait souhaitable et bienvenu », selon le Pr Alain Serrie du Service de Médecine de la Douleur et Médecine Palliative, CHU Lariboisière, qui évoque trois sujets selon lui prioritaires : « améliorer la prise en compte de la douleur chez le sujet âgé », « (lutter) contre la douleur iatrogène, autrement dit les gestes thérapeutiques qui engendrent de la douleur », et enfin « prendre en charge la douleur chez les personnes atteintes de pathologies mentales ».

Selon le Dr Michel Lantéri-Minet, président de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD), « l’amélioration de la prise en charge de la douleur ne peut se concevoir que s'il existe une volonté politique la supportant ».

Les trois plans précédents témoignent de cette volonté, néanmoins « beaucoup reste à faire et il est important de maintenir cet affichage politique au travers d'un nouveau programme gouvernemental qui aiderait à relever de nouveaux défis dans le domaine de la prévention de la douleur chronique, de la formation et du développement de la recherche. »

Pour les médecins spécialisés dans la prise en charge de la douleur, la demande des patients ne va pas cesser d’augmenter, en raison notamment de l’accroissement de la longévité. « A l’hôpital, les moyens et le personnel des centres douleurs demeurent insuffisants pour répondre à l’accroissement de la demande. Le centre de la douleur de l’hôpital où je travaille connaît une croissance d’environ 5% de son activité de consultations externes par an. De ce fait, il est devenu indispensable ces dernières années, d’optimiser les prises en charge localement, en améliorant notamment la coopération avec les associations de patients, les réseaux de soins et en développant l’éducation thérapeutique », témoigne le Dr Françoise Laroche du CHU Saint-Antoine à Paris.

Reconnaître le rôle des patients

Les patients atteints de douleur chronique concourent eux aussi depuis plusieurs années, par le biais d’associations, à l’information du public et à l’amélioration du soin. La douleur chronique se définit comme une douleur qui persiste plus de trois mois. Beaucoup de patients attendent pourtant des années avant un diagnostic, et finissent par accepter leur douleur comme une fatalité.

« Après des mois, parfois des années de douleur chronique, les personnes se coupent de leur entourage, famille, collègues... Ils en viennent à ne plus pouvoir assumer un travail », confie Martine Chauvin, pésidente et fondatrice de l’Association Francophone pour Vaincre les Douleurs (AFVD). « C’est lorsqu’on pense que la douleur est une fatalité que la chronicité s’installe, qu’elle entraîne la désinsertion et qu’elle coûte le plus cher », ajoute-t-elle. Son souhait est de voir le rôle des « patients experts » davantage reconnu et mis à profit par les médecins et les pouvoirs publics nationaux comme régionaux. Leur rôle consiste notamment à apporter de l’écoute, informer et orienter les patients et leur entourage.

La douleur doit aussi être traitée comme une question de société à part entière, en raison notamment des inégalités et des situations d’exclusion qu’elle entraîne. « Les maladies génératrices de douleur chronique sont des causes majeures de dépendance et le seront de plus en plus avec l’accroissement de la longévité », indique Laurence Carton, vice-présidente de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR).

Par ailleurs les personnes souffrant de douleur chronique estiment ainsi, pour 62% d’entre elles, que cette douleur affecte directement leur situation professionnelle, au risque même de perdre leur emploi. Or, pratiquement les trois-quarts (73%) de ces personnes souhaitent prendre une part active dans la société. Encore faut-il être en mesure d’adapter l’environnement fonctionnel de ces personnes (transports, poste de travail…) et d’adapter le parcours professionnel des personnes douloureuses afin d’éviter l’aggravation et la chronicisation de leur mal. Encore faut-il être en mesure d’adapter leur environnement fonctionnel (transports, poste de travail…) et leur parcours professionnel afin d’éviter l’aggravation et la chronicisation de leur mal.

« Toute douleur doit être entendue »

Ces demandes, pour être entendues et traitées, nécessitent une prise de conscience politique et des actions pérennes. Le médecin et sénateur de la Côte-d’Or Alain Houpert, qui se dit lui aussi favorable à un 4e plan national de lutte contre la douleur, part du principe que « toute douleur exprimée doit être entendue et suivie d’un traitement adapté. Selon lui, la prise en charge de la douleur en France est encore celle d’une pratique fondée sur l’expérience, alors qu’elle doit reposer sur la formation et la coordination. »

Parmi les enjeux les plus urgents de la lutte contre la douleur apparaissent donc : la lutte contre les inégalités sociales liées à la douleur, la reconnaissance du rôle des patients, la formation des médecins et des autres professions de santé, la prise en compte de la douleur silencieuse chez les populations fragiles, mais aussi une meilleure organisation du parcours de soins, avec une implication plus forte des médecins généralistes dans la prévention, le diagnostic et la prise en charge.

La douleur chronique en chiffres

Extraits de Pain Proposal – rapport publié en octobre 2010 avec le soutien de Pfizer

Le rapport Pain Proposal est le fruit du travail d’un groupe d’experts pluridisciplinaires européens spécialisés dans la douleur chronique. Réalisé avec le soutien de Pfizer, très engagé dans le domaine de la douleur, ce rapport vise à mutualiser les connaissances, les expériences et les meilleures pratiques de chaque pays afin d’évaluer l’impact de la douleur chronique en Europe et d’émettre des recommandations pour l’avenir. Il comprend notamment les résultats d’une étude inédite menée de juillet à septembre 2010 auprès de 2019 patients souffrant de douleur chronique et 1472 médecins généralistes de 15 pays européens. Cette étude révèle que :

En Europe :

- Les douleurs chroniques touchent plus de 129 millions d’Européens adultes, soit près d’un adulte sur cinq ;
- Près de deux patients interrogés sur cinq disent que les gens doutent de l’existence de leur douleur ;
- Les patients qui souffrent de douleur chronique considèrent que celle-ci les a empêchés de travailler au moins un quart du temps passé au travail ;
- Près de quatre personnes interrogées sur dix considèrent que leur douleur n’est pas prise en charge de façon adaptée ;
- Pour environ un tiers des personnes atteintes de douleur chronique, le délai diagnostique est supérieur à un an.

En France :

- 62% des patients interrogés indiquent que leur situation professionnelle est directement affectée par la douleur chronique et, en moyenne, 24% des personnes concernées sont incapables de travailler en raison de celle-ci. Pourtant 73% souhaitent prendre une part active dans la société ;
- En France, environ un tiers des personnes atteintes de douleur chronique pensent qu’elle a un impact négatif sur la famille et les amis et 28% ressentent un isolement social ;
- Seulement 43% des médecins interrogés affirment connaître la conduite à tenir en présence d’un patient se plaignant de douleur après traitement et 77% d’entre eux souhaiteraient recevoir davantage de formation.

Publié le 20/07/2011 à 09:01 | Lu 6465 fois