Diabète : éducation et accompagnement, par l’Association française des diabétiques

Tout le monde le reconnaît. Chacune sa manière, l’une sous l’autorité médicale, l’autre à travers l’expérience de pairs, éducation thérapeutique et accompagnement font partie du parcours de soin. Différentes, elles partagent deux points communs : Tout d’abord, de concourir au bienêtre
du patient. Ensuite, et ce n’est pas un mince détail, de devoir être financée.


Théoriquement, il ne peut y a voir confusion. D’un côté, il y a l’éducation thérapeutique. « Elle a trois objectifs », explique le docteur Claude Sachon du service diabétologie de la Pitié-Salpêtrière à Paris. « Tout d’abord, elle est thérapeutique et donc doit obligatoirement être menée par des thérapeutes maîtrisant le traitement de la maladie concernée et capable de modifier ou d’ajuster celui-ci, lorsqu’il ne convient pas. Ensuite, elle a des objectifs pédagogiques. Le thérapeute doit s’assurer qu’il apporte au patient les connaissances nécessaires sur la maladie, ses complications, ses enjeux et ses traitements possibles. Enfin, elle a des objectifs psychosociaux. On ne s’adresse pas à un individu en général mais à une personne unique. Il faut savoir qui elle est, quelle est sa conduite, quelles sont ses préoccupations, ses projets de vie... afin que le traitement s’intègre à ce projet ».

À côté de l’éducation thérapeutique proposée au patient par « les médecins prescripteurs », prise en charge par des professionnels de santé, le plus souvent dans un cadre hospitalier, se trouve l’accompagnement suivi librement par qui le souhaite, pratiqué bénévolement par des pairs spécialement formés, effectué en réunion de groupe où chacun peut prendre la parole, voire, à la demande, en face à face.

« L’accompagnement intervient en complémentarité de l’éducation thérapeutique afin d’aider les patients qui sont dans l’embarras parce qu’ils ne savent pas trop comment gérer leur vie avec leur diabète au quotidien », précise Maurice Virlogeux, Patient Expert* de l’AFD à Clermont-Ferrand. « Ça n’a rien à voir avec le médical. Les gens parlent de leur problème. Les personnes diabétiques ont moins de pudeur entre elles que vis-à-vis d’un médecin. Elles ont moins peur d’avoir la sensation de dire une bêtise ou de paraître ridicule. On les écoute. On leur fait partager notre expérience sans jugement, avec empathie et confidentialité. On leur propose des conférences et des ateliers. L’alimentation, la nutrition en pratique sont les sujets les plus abordés. L’activité physique vient ensuite ».

Les « malades biens portants »

« En principe, les patients se disent ravis d’avoir été écoutés et pris en charge » affirme la docteur Sachon. « D’après les témoignages spontanés que nous recevons, l’accompagnement permet de trouver un mieux-être, de la confiance en soi », confirme Maurice Virlogeux. « À mon avis, avec les deux, on est mieux armé », conclut Daniel Jossier. « Les deux sont indispensables. On ne peut pas se passer de la médecine. L’accompagnement n’est bénéfique que s’il vient en complémentarité d’une bonne éducation et vice versa, tout dépend des personnes ».

Daniel, 66 ans, est bien placé pour en juger. Il a suivi une éducation thérapeutique peu après que son diabète de type 2 lui soit soudainement « tombé sur la tête » en 1995. « Je ne connaissais pas le diabète. J’ai été hospitalisé au CHU de Clermont-Ferrand. L’équipe m’a expliqué les tenants et les aboutissants de la maladie, le traitement, l’attention qu’il fallait porter aux plaies qu’on pouvait avoir aux pieds... On pouvait poser des questions. Moi, je voulais savoir si je pouvais continuer à travailler ».

Ce cadre posé, Daniel a pu commencer à gérer son diabète au mieux, poussant jusqu’à se rendre dans un Centre de référence en diabétologie, pour parfaire sa connaissance de la maladie. Puis, l’an dernier, lorsque l’AFD a mis en place son programme d’accompagnement, il a saisi l’occasion. « J’y participe systématiquement. Dans ces réunions, on est directement avec des « malades bien portants ». Des personnes qui font très attention et qui nous font part de leur expérience. Par exemple, que quelqu’un peut avoir le diabète depuis 60 ans. On le voit. On lui parle. Il est en pleine forme. C’est réconfortant. Ça nous enlève des clichés ».

De la parole aux actes

À la Pitié-Salpêtrière, le docteur Sachon hospitalise six patients en éducation thérapeutique chaque semaine, tandis qu’une quinzaine sont reçus en hôpital de jour pour bilan. À l’AF de Clermont-Ferrand, l’an dernier, plus de soixante personnes ont participé au moins une fois à une réunion de groupe. Les besoins et les attentes d’éducation thérapeutique et d’accompagnement sont grands. Et ils sont d’autant plus importants que, malheureusement, le nombre de personnes diabétiques va croissant. Et ils sont d’autant plus immenses que l’éducation thérapeutique et l’accompagnement ne concernent pas seulement le diabète mais toutes les affections de longue durée.

Coup de chance, la récente loi HPST les a reconnus, en consacrant son article 84 à l’éducation thérapeutique qu’il « inscrit dans le parcours de soins du patient », en précisant : « Les actions d’accompagnement font partie de l’éducation thérapeutique. Elles ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie. Elles sont conformes à un cahier des charges national dont les modalités d’élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé ».

Très bien. Parfait. C’est la loi. Vive la loi ! Il suffi rait de pas grand-chose et notre béatitude serait totale. Une paille. Trois fois rien. Que cette loi soit financée. Car allez savoir pourquoi, probablement la faute à pas de chance, le législateur a totalement oublié de préciser avec quel fonds seront payés l’éducation thérapeutique et l’accompagnement. Il faut croire que ce léger détail n’a pas grande importance et qu’il se réglera tout seul. En tout cas, le ministère n’a toujours pas répondu à la lettre ouverte adressée voici plus de quatre mois à Madame Roselyne Bachelot par le CISS (Collectif Interassociatif Sur la Santé) et la SFSP (Société Française de Santé Publique), appelant à la création d’un fond abondé par les industriels, l’état et l’assurance maladie.

Dans l’immédiat, le financement de l’éducation thérapeutique se fait toujours avec de « l’ancien » : Les dotations MIGAC** (Hôpitaux) et les FIQCS*** (réseaux en ambulatoire), représentant entre 60 à 80 millions d’euros de dotations et de fonds, réservés aux professionnels de santé et gérés dans la plus grande opacité. Dans le contexte actuel, il n’est pas mystère que les nouvelles Agences Régionales de Santé vont vouloir mettre de l’ordre et serrer les vis. Que va-t-il rester pour financer l’éducation thérapeutique ? Restera-t-il au moins quelque chose pour l’accompagnement ? Il ne faut malheureusement pas être grand clerc pour deviner les réponses à ces questions.

* Le Patient Expert AFD est un « expert profane » accompagnant qui, après une formation, est capable de témoigner, d’informer, d’écouter d’autres patients.
** Enveloppes de Missions d’intérêt Général et d’Aide à la Contractualisation
*** Fonds d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins

Publié le 25/03/2010 à 12:33 | Lu 5879 fois