Démences : et si leur nombre diminuait ?

Alors qu’il existe une véritable inquiétude sur le risque d’explosion du nombre de cas de démence chez les personnes âgées dans les prochaines décennies compte-tenu du vieillissement de la population, de nouvelles données basées sur les résultats de l’étude de Framingham, suggère que le taux d’apparition des nouveaux cas de démence semble diminuer. Explications.


L’OMS estime à 47,5 millions le nombre de personnes dans le monde atteintes de démences (Alzheimer et maladies apparentées) et les prévisions pour les futures décennies sont de 75,6 millions en 2030 et à 135,5 millions en 2050. En France, environ, 900.000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer et on estime que 225.000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Bref, des chiffres qui ont de quoi inquiéter…
 
L’étude de Framingham, initiée en 1947, est la plus ancienne étude épidémiologique dans le monde à l’origine de grandes découvertes sur les facteurs de risque cardiovasculaires en particulier. C’est à partir de 1975 que les participants ont été surveillés en continu pour diagnostiquer l’apparition d’une détérioration cognitive ou d’une démence. Grâce à un recueil rigoureux et standardisé des données, les chercheurs ont pu diagnostiquer la maladie d’Alzheimer et d’autres démences en utilisant les mêmes critères au cours des trente dernières années.
 
Les chercheurs ont observé pendant près de quarante ans le taux d’apparition des nouveaux cas de démence à tout âge donné et ont tenté d’expliquer pourquoi il avait diminué dans le temps en prenant en compte des facteurs de risque comme les années d’étude, le tabagisme, et les maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie.
 
En examinant quatre périodes distinctes (1970-1979, 1980-1989, 1990-1999, 2000-2009), les chercheurs ont découvert un déclin progressif de l’incidence de la démence à tout âge, avec une réduction moyenne de 20% tous les dix ans depuis le début de la période d’observation. Au cours de la même période, la part des démences attribuable aux maladies cardiovasculaires a diminué, ce qui illustre l’importance d’un traitement efficace des AVC et des mesures de prévention maladies cardiaques. Il est intéressant de noter que le déclin de l’incidence de la démence a été observé uniquement chez des personnes ayant un niveau d’études secondaires et au-delà.
 
« Actuellement, il n’y a pas de traitement efficace pour prévenir ou guérir la démence ; cependant, notre étude permet d’espérer que certains cas de démence seraient évitables –ou du moins retardés– grâce à une prévention primaire (pour empêcher le début du processus de la maladie) ou secondaire (pour empêcher de progresser vers une démence clairement clinique) » explique le docteur Sudha Seshadri, professeur de neurologie à la Faculté de Médecine de l’Université de Boston et investigateur principal de l’étude FHS. Et de préciser : « Une prévention efficace pourrait réduire au moins en partie l’explosion du nombre de personnes affectées par la maladie dans quelques dizaines d’années ».
 
Malgré ces limitations, « la prévention primaire et secondaire et une meilleure prise en charge des maladies cardiovasculaires/AVC et de leurs facteurs de risque pourraient ouvrir de nouvelles perspectives à la fois dans leur rôle dans l’étiologie des démences et pour revoir à la baisse les projections actuelles quant au poids de la démence dans les prochaines décennies » ajoute Carole Dufouil, directeur de recherche à Bordeaux (France). En revanche, les auteurs préviennent que cela ne signifie pas que le nombre total de personnes atteintes de démence diminuera dans un avenir proche. En effet, puisque les baby-boomers vieillissent et que les personnes vivent plus longtemps, le poids de la démence continuera à augmenter.
 
Cette étude a été menée en collaboration entre des chercheurs français de l’Unité Inserm 1219/Ecole de Santé publique de Bordeaux et des chercheurs de la faculté de Médecine de l’Université de Boston. Ces résultats devraient encourager les organismes financeurs et la communauté scientifique à mettre en œuvre de nouvelles études pour comprendre davantage les facteurs démographiques, environnementaux et ceux liés au style de vie qui pourraient être à l’origine de cette diminution. Ces travaux ont été  publiés dans le New England Journal of Medicine.

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Publié le 25/02/2016 à 01:00 | Lu 1817 fois