De la vulnérabilité psychosociale des ainés face à la Covid-19

Chez les personnes âgées, le risque de forme grave du Covid-19 et de décès fait l’objet d’inquiétudes légitimes. Mais il ne doit pas éclipser le risque psychosocial spécifiquement rencontré par cette population dans le contexte de l’épidémie et des mesures barrières qu’elle impose. L’étude PA-Covid vise à en dresser un bilan précis.





Les personnes âgées sont plus souvent isolées socialement, avec un impact direct sur leur bien-être et leur espérance de vie. Et de ce point de vue, l’expérience récente du confinement a pu représenter une épreuve supplémentaire pour ce groupe de la population.
 
Les conséquences de la Covid-19 sur les personnes âgées ne se limiteront donc pas à celles directement causées par une éventuelle infection par le nouveau coronavirus. Pour en savoir plus sur les autres effets, et notamment pour bien les identifier, l’équipe d’Hélène Amieva* a mené en urgence une étude dédiée.
 
Ces chercheurs suivent de longue date plusieurs cohortes de personnes âgées en population générale (dont les cohortes Paquid, Trois cités et AMI) afin d’étudier les facteurs psychosociaux qui déterminent les trajectoires de vieillissement.
 
« Dès que la perspective du confinement s’est dessinée, nous nous sommes inquiétés de savoir quel en serait l’impact parmi ces personnes, dont beaucoup ont plus de 85 ans », explique la chercheuse. Nous avons pu mettre rapidement sur pied une étude qui a été conduite durant ce confinement.
 
« Onze étudiants, ingénieurs et chercheurs en psychologie se sont ainsi relayés et ont réussi la prouesse de conduire une enquête téléphonique auprès d’un millier de personnes âgées appartenant à l’une de ces cohortes. Les entretiens comportaient des questions sur les conditions dans lesquelles les répondants étaient confinés (logement, environnement social, aide...) et la façon dont ils vivaient la situation.
 
L’enquête visait aussi à identifier et caractériser les personnes qui avaient reçu un diagnostic de Covid-19. Toutes seront contactées à nouveau avant l’été. L’équipe disposera in fine d’une matière très riche de témoignages.
 
Extrême disparité des vécus
"Il est trop tôt pour une analyse quantitative mais, qualitativement, nous pouvons d’ores et déjà faire plusieurs remarques : la première concerne l’extrême disparité dans le vécu des personnes. Certaines ont affiché une vulnérabilité et une souffrance extrêmes et préoccupantes, qui nous incitent à les suivre de façon rapprochée. D’autres, en revanche, ont affiché une sérénité et une résilience, exprimant plus volontiers une inquiétude pour les plus jeunes que pour eux-mêmes."
 
L’exploitation des données permettra de disposer d’une photographie en temps réel de leur vécu du confinement, sur le plan psychosocial mais aussi sur le plan médical : des questions spécifiques permettront d’évaluer le recours aux soins – ou le refus de recours aux soins – durant et après cette période.
 
"Lorsqu’ils intègrent nos cohortes, les participants désignent une personne contact, explique Hélène Amieva. Nous pourrons ainsi réaliser le suivi des personnes que nous n’aurions pas réussi à joindre directement. Nous croiserons aussi nos effectifs avec les registres de décès. Nous aurons ainsi une estimation du nombre de sujets décédés durant la période de l’épidémie et les moyens d’identifier des facteurs de risque associés à ces populations."
 
Des éléments d’informations qui constitueront autant de leçons à tirer pour mieux protéger les personnes âgées lors de crises sanitaires futures…
 
*unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux, Institut de santé publique épidémiologie et développement (ISPED), équipe Psychoépidemiologie du vieillissement et des maladies chroniques (SEPIA)
 
Source

Article publié le 15/06/2020 à 01:00 | Lu 3519 fois