Cosmétiques "naturels" ou "hypoallergéniques" : sont-ils sans risque ? Par le Dr Goosens

Dans le cadre du 10ème Congrès francophone d’allergologie qui s’est tenu la semaine dernière à Paris sur le thème Allergies et Vie Moderne, le docteur Goosens de Leuven revient sur les cosmétiques « naturels » ou « hypoallergéniques » et s’interroge sur leur totale innocence…


La vogue du « naturel » et du « bio » a conduit à la multiplication de produits -cosmétiques aussi bien qu’alimentaires- vendus sous cette dénomination. Ces produits sont rarement identifiés comme sources d’intolérance par les consommateurs. Toutefois pour être naturels, ils n’en sont pas moins composés de molécules susceptibles de provoquer des réactions d’intolérance d’irritation ou allergiques.
 
S’agissant des cosmétiques, ces réactions s’expriment le plus souvent sous la forme de dermatoses de contact. Ces réactions allergiques sont de plus en plus souvent rapportées dans la littérature, parallèlement à l’augmentation de l’utilisation de ces produits, mais elles sont assez difficiles à appréhender, en raison de la complexité des préparations cosmétiques et de la nature exacte de l’allergène.
 
Un produit dit « naturel » est composé d’un mélange complexe de nombreux ingrédients, chacun pouvant se comporter comme un allergène éventuel. Il n'est donc pas simple de faire le tri parmi les composants, d’autant qu’un même produit peut contenir plusieurs allergènes différents. De plus, le pouvoir sensibilisant du produit peut varier en fonction de son état physique, selon son origine, ses conditions de culture, de conservation, de contamination ou de dégradation.
 
Ainsi, certains produits naturels, comme les terpènes (classes d'hydrocarbures produits par de nombreuses plantes) peuvent être transformés par oxydation à l’air ou par le soleil. C’est le cas, par exemple, du limonène et du linalool, contenus dans de nombreuses huiles essentielles, qui peuvent ainsi former des produits d’oxydation plus irritants et plus sensibilisants. Les ingrédients peuvent également être métabolisés par la peau et agir entant que Pro-Haptènes, par exemple l’alcool cinnamique contenu dans certains parfums.
 
Différents produits naturels peuvent encore contenir un allergène commun : le limonène par exemple entre dans la composition de plusieurs huiles essentielles lavande, écorce d’orange amère, huile de pin, de théier… Il existe des réactions croisées entre composants chimiquement apparentés présent dans un même ou dans différents produits naturels. Il existe également des associations entre les composants des parfums et le Baume du Pérou, la Colophane ou le Propolis, mais aussi avec les espèces végétales de la famille des Astéracées comme la Camomille ou l’Arnica, très utilisées. Toutes ces plantes contiennent des terpènes et des lactones sesquiterpèniques et peuvent aboutir à des réactions positives multiples chez des malades sensibilisés.
 
Ceci explique que la responsabilité de l’allergène responsable de la réaction soit difficile à établir. D’autant que l’étiquetage des produits naturels induit beaucoup de confusions, ne serait-ce que par la dénomination de la plante qui peut être identifiée par son nom latin dans l’International Nomenclature Cosmetics Ingredients (INCI). Enfin, il ne faut pas oublier les conservateurs, autorisés dans les produits écologiques, comme l'acide sorbique, l’alcool benzylique, l’acide déhydroacétique qui peuvent, quoique rarement, provoquer des réactions allergiques. La complexité de ces réactions cutanées aux ingrédients des produits dits « naturels », due à la diversité de leur composition, à leur manque de stabilité, à l’absence de standardisation des préparations, à leur possibilité de métabolisation et de dégradation, sont la source de nombreuses sensibilisations et rend difficile la délivrance d’une information claire et précise.

Publié le 27/04/2015 à 01:00 | Lu 1879 fois