Complémentaires santé : des jeux plutôt que du soin, chronique de Serge Guérin

Nous avons assisté, voici quelques semaines, à une « bataille » homérique menée par l’ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin contre le projet gouvernemental d’augmentation de la taxation sur les parcs à thèmes... Face à la puissance des arguments de l’élu poitevin, le gouvernement a reculé prestement et supprimé cette mesure de son plan de rigueur destiné, rappelons-le, à réduire l’endettement du pays. Au-delà de l’anecdote un peu triste, cet épisode permet de tirer au moins trois leçons pour l’avenir...


La première est un regret : dommage qu’aucun gouvernement n’ait jamais songé à inventer une TVA sur le ridicule : il y aurait eu à cette occasion, de belles rentrées fiscales !

La deuxième est un constat : toute politique qui n’affiche pas une stratégie globale et qui n’apparaît pas comme juste et équitable ne peut que rencontrer la levée de bouclier des corporatismes et des intérêts particuliers. Le plan de rigueur présenté cumule le manque d’ambition et l’iniquité, puisque 90% de l’effort est porté par les salariés.

Il renforce surtout l’impression qu’il n’y a pas de solidarité collective, ni de répartition équitable des efforts demandés. Chacun se déclare inquiet de l’endettement et affirme la nécessité du sacrifice mais plutôt chez les autres. Le sens de l’intérêt général, le sentiment d’un destin collectif s’est largement abîmé sous l’influence d’une idéologie dite libérale, portant au pinacle l’individualisme et l’opposition entre les personnes.

A cela s’ajoute les effets destructeurs sur l’opinion publique de la dernière crise financière qui symbolise comme jamais l’impuissance du politique. Une défaite d’autant plus signifiante qu’il est portée au débit d’un président qui s’est fait élire sur une posture hyper volontariste.

La troisième leçon est une question : comment se fait-il que la mobilisation en faveur des parcs à thèmes ait pu être relayée avec autant d’efficacité par les médias et le politique, y compris au nom de la défense du pouvoir d’achat des plus modestes ? Et pourquoi le doublement de la taxe spéciale sur les conventions complémentaires d’assurance maladie solidaires et responsables, proposé dans le même plan gouvernemental est, lui, passé sans aucun problème ?

On parle là d’une ponction de 1,1Mds€ sur les cotisations qui sera supportée par les salariés et les retraités, car la hausse sera répercutée sur les cotisants. Rappelons que les complémentaires offrent un droit de suite permettant aux personnes licenciées de rester couvert un temps et aux retraités de continuer d’être protégés (mais sans l’aide de l’entreprise pour le cas des contrats collectifs et sachant que la hausse de la prime ne peut dépasser les 150%).

À l’origine, l’exonération de la taxe des complémentaires solidaires avait pour but de soutenir les contrats ne distinguant pas les assurés en fonction de leur état de santé. Les autres contrats étant taxés à hauteur de 9%. Par la suite les seuls contrats responsables, c’est-à-dire s’inscrivant dans une démarche de maîtrise des dépenses de santé, ont bénéficié de cette exonération. Puis la taxation est passée à 3,5% et maintenant 7…

La hausse de la taxation rend les contrats solidaires de moins en moins motivants, pour les entreprises comme pour les particuliers. Alors que la couverture de la sécurité sociale ne cesse de reculer, la hausse des tarifs des complémentaires va obliger les plus modestes à renoncer à cette couverture. Si 94% de la population est aujourd’hui couverte par une complémentaire santé, contre 69% en 1980 (Irdes, janvier 2011), le risque est grand de voir exploser le nombre des personnes, le plus souvent les plus modestes et les plus fragiles, qui ne pourront plus financer cette protection. Ils sont déjà quatre millions de personnes à être dans cette situation.

Avec le recul de la protection assumée par la sécurité sociale et la hausse des coûts de santé, ces complémentaires prennent une importance majeure dans le quotidien des personnes. Elles jouent un rôle croissant et essentiel pour garantir le droit à la santé de toutes et tous.

Que la taxation sur les complémentaires santé soit passée sans grandes oppositions et sans vacarme médiatique en dit long sur les priorités que se donne notre société : des jeux plutôt que du soin !

Serge Guérin, professeur à l’ESG Management School
Vient de publier « La nouvelle société des seniors », Michalon 2011

Publié le 26/09/2011 à 11:48 | Lu 1430 fois