Chéri de Stefen Frears : l’amour n’a pas d’âge… (film)

Chéri, le dernier long-métrage du réalisateur britannique Stefen Frears, avec dans le rôle principal Michelle Pfeiffer, sort dans les salles le 8 avril 2009. Un film tiré d’après le fameux roman de Colette, dans laquelle une femme quinquagénaire vit une histoire d’amour avec un homme deux fois plus jeune qu’elle.


Chéri de Stefen Frears : l’amour n’a pas d’âge… (film)
Dans le Paris du début du XXème siècle, Léa de Lonval finit une carrière heureuse de courtisane aisée en s’autorisant une liaison avec le fils d’une ancienne consoeur et rivale, le jeune Fred Peloux, surnommé Chéri.

Six ans passent au cours desquels Chéri a beaucoup appris de la belle Léa, aussi Madame Peloux décrète-t-elle qu’il est grand temps de songer à l’avenir de son fils et au sien propre... Il faut absolument marier Chéri à la jeune Edmée, fille unique de la riche Marie-Laure.

Alors que le moment fatidique approche, Léa et Chéri tentent de se résoudre à cette séparation imminente tout en s’apercevant qu’ils sont beaucoup plus attachés l’un à l’autre qu’ils ne voulaient bien l’admettre.

Chéri de Stefen Frears : l’amour n’a pas d’âge… (film)
Christopher Hampton, scénariste oscarisé des Liaisons Dangereuses, écrivait un scénario sur Colette (1873–1954) quand il s’est lancé dans l’adaptation de son roman le plus connu, Chéri. Ecrit en 1920, c’est l’histoire d’un amour impossible entre Léa de Lonval, une des courtisanes les plus courues de l’époque, et Chéri, le fils d’une ancienne rivale.

« Colette a toujours figuré parmi mes auteurs préférés et j’avais très envie de raconter sa vie. Son premier mari, Willy, était plus âgé qu’elle et fut son Pygmalion. Après une douzaine d’années de mariage, elle quitte le domicile conjugal et se lance dans le music-hall où elle apparaît dans des pantomimes orientales suggestives », raconte Hampton. « L’oeuvre de Colette a toujours séduit le public par son ton chaleureux et très personnel. Colette est fascinante, comme femme et comme auteur. Et ce fut un vrai plaisir de lire ses autres romans ».

Mais c’est la part de romance dans Chéri qui a attiré Hampton. « C’est l’histoire de deux personnages qui ignorent totalement qu’ils sont amoureux l’un de l’autre », dit-il. « Léa croit éduquer ce jeune homme avant de le confier à une autre lorsqu’il sera plus mûr, et Chéri pense qu’il a le beau rôle au bras de cette très belle femme avant de passer à l’étape suivante. Ils savent que leur relation aura un terme. Mais le moment venu, chacun s’aperçoit que l’autre va lui manquer terriblement. Léa agit en héroïne et laisse Chéri partir, mais elle doit prendre sur elle-même tant le chagrin est grand. On imagine que Chéri ne s’en remettra pas vraiment non plus ».

Le milieu demi-mondain des années 1900 dans lequel les personnages évoluent intéressait beaucoup Christopher Hampton. « C’est un univers fascinant que ce demi-monde, qui a connu son heure de gloire à la fin du XIXe siècle, mais qui commençait déjà à décliner en 1906 », raconte Hampton. « C’était une tranche de la société, ces courtisanes, qui avait amassé des richesses spectaculaires. Même si elles devaient être solitaires car mises au ban du reste de la société, leurs vies étaient confortables. Elles étaient cultivées et ne ressemblaient à aucune femme de leur époque. Il y avait quelque chose de très moderne chez elles et, finalement, elles étaient émancipées avant l’heure ».

Alors que l’adaptation du français vers l’anglais offrait une certaine liberté de choix à Hampton dans les dialogues, la narration qui n’est pas conventionnelle lui a posé un autre défi créatif, plus difficile à relever. « Colette est une impressionniste, il y a peu d’explosions de dialogue ou de langage imagé », explique-t-il. « Elle peut consacrer vingt pages à une seule scène, mais trois mois peuvent s’écouler en un paragraphe. Au départ, je me suis retrouvé avec un premier jet qui était plus long que le roman lui-même ! J’ai dû élaguer sans pitié ».

Bill Kenwright, grand imprésario du théâtre britannique, avait une option sur les droits et contacta Hampton pour cette adaptation de longue haleine à l’écran. « Christopher Hampton, c’était mon premier choix pour adapter le roman » confie Kenwright. « Son scénario était merveilleux, mais c’était un vrai challenge pour le porter à l’écran car il s’agit d’un film en costumes avec une histoire simple, précise, tragique sur des personnages d’époque que le public moderne ne connaît pas ».

C’est fin 2007 que Stephen Frears rejoint le projet : « Le scénario de Christopher est merveilleux, Colette est une romancière de talent, et l’histoire est à la fois belle, totalement démodée et frivole, mais aussi mélancolique et tragique. Tout cela me permettait d’explorer une autre époque après The Queen. Chéri est une série d’impressions et le défi était de les réunir toutes en un film. J’aime à penser que c’est peut-être le film le plus extrême que j’aie jamais réalisé… Et puis, ces courtisanes avaient beaucoup de pouvoir et d’influence tout en vivant en cercle fermé, coupées du reste du monde. Comme Léa le raconte à Madame Peloux, elles ne peuvent se faire des amies qu’au sein de leur univers car nul autre ne saurait les comprendre. Et bien sûr, elles savent parfaitement ce qui les attend quand elles prendront de l’âge et se faneront ».

Chéri de Stefen Frears : l’amour n’a pas d’âge… (film)

Les choix des acteurs

Pour incarner Léa, il y avait peu d’actrices envisageables, d’une beauté naturelle et d’un charisme sensuel. Un nom s’est cependant imposé : celui d’une actrice qui a déjà travaillé avec Frears et Hampton, Michelle Pfeiffer, dont l’inoubliable composition dans Les Liaisons Dangereuses lui avait valu une nomination aux Oscars en 1989.

« Michelle Pfeiffer », raconte Frears, « a le don de bouleverser. Elle était bouleversante dans Les Liaisons Dangereuses -je l’ai su dès notre première rencontre- et elle l’est dans ce film. Elle est troublante, comme si une telle beauté revêtait une part de tragédie ».

Mais il n’y a pas que sa présence à l’écran et sa plastique qui la rendent idéale pour le rôle. Sa performance restitue exactement l’esprit du roman. Comme le raconte Bill Kenwright, le producteur : « Michelle a pris un risque en jouant ce rôle. Le personnage pouvait être interprété de plusieurs façons, mais la subtilité de Michelle est étonnante ».

Par ailleurs, l’idée de travailler à nouveau avec Stephen Frears plaisait beaucoup à Michelle Pfeiffer : « Franchement, je ferais n’importe quel film avec Stephen et quand j’ai lu le scénario et le roman, j’étais ravie d’avoir décroché le rôle ». « Ce que j’aime chez Colette, c’est que Léa n’est pas la version caricaturale d’une courtisane de l’époque », ajoute l’actrice. « Elle est intelligente, elle a un grand sens de l’humour et elle est aimable au sens propre. Elégante, elle a de la classe et c’est aussi quelqu’un de bon, ce qui est plus surprenant. Elle est aussi très satisfaite de la vie qu’elle mène. Les courtisanes de haute volée comme Léa étaient indépendantes et fortunées. C’étaient des femmes d’affaires intelligentes qui étaient liées à l’aristocratie. Mais quand ce jeune et beau garçon, Chéri, fait irruption dans sa vie, elle oublie ses habitudes et écoute son coeur pour la première fois. Je crois qu’elle regrette de n’avoir jamais connu l’amour et peut-être a-t-elle le sentiment que c’est sa dernière chance. On la voit aux prises avec la conscience du temps qui passe et quand la relation touche à sa fin, elle ne peut plus se mentir sur son âge ».

Trouver celui qui interpréterait Chéri représentait un autre défi. L’équipe recherchait un acteur qui pouvait à la fois être crédible en jeune garçon de 19 ans au début du film, et capable d’incarner un enfant gâté et égoïste sans se faire détester du public.

Frears a fait passer des auditions à plusieurs acteurs américains, mais c’est un jeune Britannique, Rupert Friend, qui l’a convaincu pour incarner le jeune homme à la fois viril et sensible, arrogant mais vulnérable. Un jeune garçon qui, en devenant peu à peu un homme, s’aperçoit combien sa maîtresse, bien plus âgée que lui, a pris de l’importance à ses yeux.

« Chéri a 19 ans quand l’histoire débute », raconte Rupert Friend. « C’est un jeune homme insouciant, gâté, tranquille, mais aussi inexpérimenté et sa mère sait qu’il doit acquérir les qualités nécessaires à son évolution : le raffinement, l’art de la conversation, le respect des convenances. Léa, qui a beaucoup d’années d’expérience, peut lui enseigner tout cela. Mais la relation change au bout de six ans quand Léa apprend qu’un mariage a été arrangé entre Chéri et Edmée ».

Trouver le ton juste du personnage n’a pas été aisé pour Rupert Friend : « Il y a une part insaisissable chez Chéri. Il est très passif. C’est là que réside la plus grande difficulté : quand on est à la recherche du moteur d’un personnage qui n’en a pas, il est beaucoup plus compliqué de se l’approprier ».

Rupert Friend reprenait souvent le roman de Colette : « Quelle romancière ! Elle sait transmettre tout un univers en une seule phrase. Un détail souligné par elle et on saisit le personnage et la scène ». S’il était intimidé face à Michelle Pfeiffer et Kathy Bates, Rupert Friend n’en a rien montré. « Rupert est très jeune mais aussi très vif », raconte Michelle Pfeiffer. « Il a été un véritable gentleman tout au long du tournage, surtout lors des scènes les plus difficiles, et s’il avait le trac, il l’a très bien caché ».

« Travailler avec Stephen Frears est une leçon et un plaisir », confie Rupert Friend. « Comme Colette, il a un esprit incroyable, assez pince-sans-rire. Tous deux recherchent tout le temps l’angle ironique. Colette dépeint un monde caustique où tout le monde s’apprécie énormément mais où l’on aime les joutes d’esprit et où tout peut basculer en un instant. Stephen est comme cela aussi ». Kathy Bates interprète le rôle de la mère de Chéri, la plus vraie que nature Madame Peloux, aigrie par l’âge, mais toujours drôle grâce aux vacheries qu’elle lance.

Les courtisanes :

Surnommées les « grandes horizontales », les courtisanes étaient très en vogue dans le Paris de la fin du XIXe siècle. Célèbres à travers le monde pour leur beauté, leur esprit, leur conversation et leur savoir-faire, ces demi-mondaines étaient au centre de la vie sociale et politique de Paris, divertissant les hommes les plus puissants des arts, de la noblesse et de l’État tout en restant isolées de la société dans leur monde clos.

Elles influaient sur la mode et leur train de vie ostentatoire soulignait l’opulence de leurs amants, très courues qu’elles étaient par les riches aristocrates européens qui se disputaient leurs faveurs. Faveurs qui, bien sûr, n’étaient pas bradées. Les courtisanes les plus renommées amassaient d’énormes fortunes, grâce à de sages investissements et de judicieux achats de propriétés et de biens. Elles ne pouvaient monnayer que leur personnalité et leur beauté et les plus perspicaces d’entre elles savaient que leur prestige ne survivrait pas à leurs charmes.

Parmi les courtisanes les plus en vue de l’époque, il y eut Apollonie Sabatier, qui accueillit dans son salon des intellectuels tels que Baudelaire et Flaubert, Marie Duplessis qui fut immortalisée par Alexandre Dumas fils dans sa pièce La Dame aux camélias, Esther Pauline Lachmann qui fut connue sous le nom de La Païva et épousa le comte Henckel von Donnersmarck, et Cora Pearl, une Anglaise de naissance qui compta parmi ses amants le prince Napoléon, cousin de Napoléon II.

Publié le 07/04/2009 à 18:27 | Lu 8159 fois