Cancer et nutrition : le point avec l’Inserm

Des travaux ont mis en évidence, avec des degrés de certitude variables, le rôle de certains aliments ou comportements individuels (diversité de l'alimentation, activité physique) dans l'initiation ou le développement de certains cancers. Dans ce contexte, l’Inserm vient de publier un récapitulatif –accessible au grand public- de nos connaissances en la matière, tout en précisant toutefois, qu’aucun aliment ne peut à lui seul s'opposer au développement d'un cancer. En outre, le développement du cancer fait intervenir un très grand nombre de facteurs dont certains sont indépendants de l'alimentation. Dont acte.


Pour réduire le risque de cancer, les organisations de santé française et internationale recommandent une alimentation équilibrée et diversifiée, un apport calorique adapté aux dépenses énergétiques et une activité physique régulière. Selon un rapport international de 2009*, environ un tiers des cancers pourraient être évités en suivant ces règles.

Des relations convaincantes de cause à effet pour plusieurs facteurs nutritionnels

Aliments ou comportements alimentaires à risque*… Au moins cinq facteurs sont incriminés de façon convaincante dans la survenue de cancers.

Les boissons alcoolisées

Elles augmentent le risque de survenue de plusieurs cancers dès une consommation moyenne d'un verre par jour ; cancer de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage, du côlon- rectum (chez l'homme) et du sein. Elles semblent également augmenter le risque de cancers du foie et du côlon-rectum (chez la femme). Selon la localisation de la tumeur, l'augmentation de risque varie de 9% (cancer du côlon-rectum) à 168% (cancers de la bouche, du pharynx et du larynx) par verre consommé par jour. L'effet dépend de la quantité totale d'alcool ingérée et non du type de boisson. En France, près de 14% des individus âgés de 12 à 75 ans, notamment des hommes, boivent quotidiennement de l'alcool et on estime que la part des cancers attribuables à cette consommation s'élève à 10,8% chez l'homme et 4,5% chez la femme. L'alcool est ainsi la deuxième cause évitable de mortalité par cancer, après le tabac.

Surpoids et obésité

Le surpoids et l'obésité augmentent le risque de cancer de l'oesophage, du pancréas, du côlon, du rectum, de l'endomètre, du rein et du sein en post-ménopause. Ainsi il a été démontré qu'une augmentation de cinq points de l'indice de masse corporel (IMC), accroissait le risque de cancer du sein de 8% et jusqu'à 55% pour le cancer de l'oesophage. En France, pour l'année 2000, le surpoids et l'obésité auraient été responsables d'environ 2.300 décès par cancer. En 2007, le surpoids concernait 31 à 32% de la population adulte et l'obésité 12 à 17%.

Excès de viande rouge ou de charcuterie

En France, un quart de la population consomme au moins 500 grammes de viande rouge par semaine et plus d'un quart de la population au moins 50 grammes de charcuterie par jour. La consommation excessive de viande rouge et de charcuterie augmente le risque de cancer du côlon et du rectum. Pour le cancer colorectal, cette augmentation est estimée à 29% pour 100 grammes de viande rouge par jour et 21% pour 50 grammes de charcuterie par jour.

Sel et aliments salés

Un excès de sel et d'aliments salés augmente probablement le risque de cancer de l'estomac. La proportion des forts consommateurs (apports totaux en sel supérieurs à 12 grammes par jour) représente près d'un quart des hommes et 5% des femmes en France.

Compléments alimentaires à base de bêta carotène

En France, environ 27% des adultes, majoritairement des femmes, prennent des compléments alimentaires et notamment des antioxydants. Sur les 218 compléments alimentaires antioxydants recensés, 16% contiennent du beta-carotène. Selon une publication issue de la cohorte française E3N, à dose élevée (20 à 30 milligrammes par jour), ce type de complément alimentaire augmente le risque de cancer du poumon chez les femmes exposées en parallèle à des facteurs de risque comme le tabac ou l'amiante mais le réduit chez les autres.

Aliments ou comportements alimentaires bénéfiques*… A l'inverse, plusieurs facteurs diminuent le risque de certains cancers.

Activité physique

Pratiquée régulièrement, l'activité physique diminue le risque de cancer du côlon (- 18 à 29% selon le type d'exercice ou son intensité) et probablement de cancer du sein (après la ménopause) et de l'endomètre. En outre, elle limite le risque de surpoids et l'obésité, eux-mêmes facteurs de risque de plusieurs cancers. En France, 21 à 37% des adultes pratiquent moins de 30 minutes d'activité physique par jour. Environ 2200 décès par cancers pourraient être imputables à l'inactivité en 2000.

Fruits et légumes

Une consommation régulière de légumes et de fruits diminue le risque de cancer de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage, de l'estomac et du poumon (pour les fruits seulement). Leur effet protecteur serait associé à leur teneur en divers nutriments et constituants tels que les fibres, capables d'agir sur des mécanismes potentiellement protecteurs contre le cancer. Une alimentation riche en fibres (céréales complètes, fruits, légumes, légumineuses) semble par exemple associée à un moindre risque de cancer colorectal. En France, 57% des adultes consomment insuffisamment de fruits et légumes (moins de 5 portions par jour) et 35% sont de petits consommateurs (moins de 3,5 portions par jour).

Allaitement

L'allaitement diminue le risque de cancer du sein chez la mère notamment parce qu'il prolonge la période d'aménorrhée et réduit l'exposition aux hormones sexuelles (estrogènes, androgènes) au cours de la vie. Ces hormones sont des facteurs de risque connus du cancer du sein. En France, 60% des mères allaitaient leur enfant à la sortie de la maternité de façon exclusive en 2010, un taux en constante augmentation depuis quinze ans selon la dernière enquête nationale périnatalité 2010.

Cancer et nutrition : le point avec l’Inserm
Recommandations internationales

A partir des relations entre nutrition et cancer jugées convaincantes ou probables, le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) et l'INCa en France ont émis des recommandations directement applicables par la population générale et valables également pour les personnes ayant déjà eu un cancer.

- Limiter autant que possible l'alcool en termes de quantité et de fréquence de consommation, quel que soit le type de boisson (vin, bière, spiritueux...).
- Maintenir un poids normal (IMC entre 18,5 et 25 kg/m2) grâce à l'exercice physique et une alimentation équilibrée.
- Limiter la consommation de viandes rouges à moins de 500 g par semaine et alterner avec des viandes blanches, du poisson, des oeufs et des légumineuses. Limiter autant que possible la charcuterie.
- Limiter les apports en sel en réduisant la consommation d'aliments transformés salés (charcuteries, fromages...) et l'ajout de sel pendant la cuisson et dans l'assiette.
- Ne pas consommer de compléments alimentaires à base de beta-carotène.
- Pratiquer au moins 30 minutes d'activité physique modérée par jour (marche rapide) ou 20 minutes d'activité physique intense comme le jogging trois fois par semaine.
- Consommer chaque jour au moins 5 fruits et légumes variés quelle que soit la forme (crus, cuits, frais, en conserve ou surgelés) pour atteindre au minimum 400 g par jour ainsi que des aliments riches en fibres (céréales, légumes secs).

Des liens entre cancer et nutrition qui restent à clarifier

De nouvelles connaissances pourraient conduire à renforcer, modifier ou adapter les recommandations actuelles. Ainsi les approches épidémiologiques étudient, chez l'Homme, la corrélation entre la nutrition et le risque de cancer. Les études reposent sur l'observation de populations et de leurs expositions aux facteurs alimentaires, ou sur une intervention nutritionnelle.

Ces études de population tiennent compte des degrés d'exposition (seuils de risque, combinaisons d'aliments). C'est le cas notamment des études de cohortes EPIC, E3N ou encore Nutrinet.

La cohorte EPIC implique dix pays européens dont la France. Elle compte plus de 500 000 adultes recrutés entre 1993 et 1999 et est destinée à mieux comprendre les relations entre l'alimentation et la survenue des cancers. Certains résultats, concordants avec d'autres études, ont apporté des éclairages importants sur le rôle néfaste de l'alcool, des viandes rouges ou encore des acides gras trans et à l'inverse le bénéfice des fibres alimentaires, du régime méditerranéen ou encore de la vitamine D par rapport à différents cancers.

La cohorte E3N (Etude Epidémiologique auprès de femmes de la Mutuelle générale de l'Education Nationale), est la composante française d'EPIC. Elle comprend quelque 100 000 femmes volontaires françaises suivies depuis 1990. Des informations concernant leur mode de vie (alimentation, prise de traitements hormonaux, etc.) et la survenue de cancers, notamment du sein et colorectal, sont recueillis par auto-questionnaires tous les 2 ans. De nombreux articles issus de cette cohorte ont ainsi démontré que les traitements hormonaux substitutifs (THS) et la consommation d'acide gras trans augmentent le risque de cancer du sein tandis que l'activité physique le diminue. Plus récemment, d'autres publications ont contribué à préciser les conditions dans lesquelles la vitamine D pourrait jouer un rôle protecteur vis-à-vis du cancer du sein.

Enfin, la cohorte Nutrinet, constituée sur Internet et composée actuellement de 200.000 adultes « nutrinautes » (500 000 espérés), a été lancée en 2009. Elle est destinée à évaluer les déterminants de comportements alimentaires et l'impact de ceux-ci sur la santé et notamment la survenue de cancers. Le suivi sera au minimum de cinq ans.

Les chercheurs tentent en parallèle d'identifier, sur des modèles cellulaires humains ou animaux in vitro, les différentes étapes de la transformation d'une cellule normale en cellule tumorale.

Les études menées sur des modèles animaux in vivo apportent, à l'échelle d'un organisme entier, des éléments sur les mécanismes induisant la cancérogenèse pour certains aliments ou catégories d'aliments.

Plusieurs approches sont donc utilisées pour étudier les liens entre facteurs nutritionnels et cancers. C'est seulement en combinant l'ensemble des résultats obtenus par les différentes études réalisées que l'on est ainsi en mesure d'aboutir à un consensus international permettant d'établir des recommandations nutritionnelles pour le public.

La nutrition pendant un cancer

L'alimentation pendant le traitement d'un cancer présente un impact sur le patient, sa maladie et sa guérison. Les traitements anticancéreux peuvent entraîner des nausées, vomissements, inflammation, altération du goût et de l'odorat ou encore une anorexie avec un risque de dénutrition. La prévalence de celle-ci est de l'ordre de 40% mais augmente avec l'âge pour atteindre 60 à 90% dans le cas des cancers des voies aérodigestives (bouche, gorge, oesophage, estomac, côlon). Elle conduit à la dégradation de l'état général et peut gêner ou empêcher le traitement. Dans certains cas, la maladie peut à l'inverse favoriser une prise de poids excessive. Les principaux objectifs pendant un traitement sont de stabiliser le poids et le statut nutritionnel et de maintenir l'activité physique, voire de l'augmenter.

Publié le 29/03/2012 à 08:00 | Lu 3688 fois