Cancer du poumon : l'immunothérapie, une véritable révolution (partie 1)

Les thérapies ciblées sont apparues il y a dix ans, ouvrant une première brèche dans le mur auquel se heurtait de nombreux patients en situation d’impasse thérapeutique. En moins de cinq ans, l’immunothérapie a bouleversé le traitement du cancer du poumon avec des perspectives prometteuses. Le point avec le Pr Jacques Cadranel, responsable du Centre Expert en Oncologie Thoracique à l’Hôpital Tenon.





Avant d’aller plus loin, rappelons que la chimiothérapie conventionnelle et les thérapies ciblées cherchent à détruire, de façon directe, les cellules tumorales. De son côté, l’immunothérapie agit tout autrement : en effet, elle aide le système immunitaire à reconnaître et à se débarrasser des cellules cancéreuses.
 
« A chaque instant, nous développons tous des cellules anormales, cancéreuses ou précancéreuses. Certains individus en développeront plus facilement que d’autres, en raison soit d’une susceptibilité familiale, soit d’une exposition à des carcinogènes à l’exemple des rayons ultraviolets pour le mélanome, ou de la fumée du tabac pour le cancer du poumon » indique le Pr Jacques Cadranel.
 
Pour autant, nous ne développons pas tous un cancer. Heureusement, notre système immunitaire y veille. Il est capable de repérer et d’éliminer tout ce qui est « différent » de l’organisme (non soi), qu’il s’agisse de germes ou de cellules cancéreuses. 
 
Pour éviter son emballement permanent, le système immunitaire se préserve en organisant des « points de contrôle de l’immunité », où certaines cellules vont exprimer des sortes de « panneaux stop ou drapeaux blancs.
 
« Pour passer inaperçues du système immunitaire et lui échapper, les cellules cancéreuses se couvrent d’une cape d’invisibilité. L’un des moyens d’acquérir ce pouvoir d’invisibilité consiste à se recouvrir de protéines PD-L11, ces fameux panneaux stop » précise le professeur.
 
Les cellules cancéreuses ainsi recouvertes sont identifiées comme « pacifiques » par les cellules immunitaires, qui possèdent en surface un récepteur dédié à cette reconnaissance (PD-12). A force de monter sans cesse à la charge contre les cellules cancéreuses puis d’être arrêtées parce que ces dernières expriment PD-L1, les cellules immunitaires finissent peu à peu par s’épuiser, d’autant qu’elles continuent par ailleurs à lutter contre les germes.
 
Deux médicaments disponibles
C’est ainsi qu’a été développé le nivolumab, qui se fixe de façon spécifique sur le récepteur PD-1 et le bloque. Cet anticorps antiPD-1 est actuellement indiqué en 2ème ligne de traitement, c’est-à-dire après échec d’une chimiothérapie conventionnelle, dans le cancer du poumon métastatique étendu, quel que soit son type histologique.
 
Le pembrolizumab est également un anticorps antiPD-1. Il a obtenu en 2017 une AMM dans le cancer du poumon métastatique étendu quel que soit son type histologique, pour les patients dans la tumeur exprime fortement (≥ 50%) PD-L1 en 1ère ligne de traitement cette fois, mais aussi en 2ème ligne dès lors qu’elles expriment PD-L1 (<1%).
 
Le nivolumab et le pembrolizumab sont également indiqués dans d’autres types de cancer, à commencer par le mélanome. « Cette efficacité trans-organes constitue une première révolution en oncologie » précise le professeur. Le couple PD-L1 - PD-1 étant retrouvé dans des tumeurs de différents organes, une même molécule d’immunothérapie peut en effet se montrer efficace dans différents cancers.
 
« L’immunothérapie semble mieux fonctionner dans ceux apparus après l’exposition à un carcinogène, probablement parce qu’alors les cellules cancéreuses, très instables sur le plan génétique, sont beaucoup plus hétérogènes, et donc reconnues plus facilement par le système immunitaire. Il a moins de difficultés à repérer un éléphant dans un magasin de porcelaine, qu’une souris ! ». 

Article publié le 24/01/2018 à 01:00 | Lu 1579 fois