Bilanmemoire : interview de Gautier Gracieux, neuropsychologue, pour des tests cognitifs en ligne

Gautier Gracieux est un neuropsychologue avec plus de dix en d’expérience dans les services de gériatrie au sein desquels il menait des évaluations cognitives chez des personnes âgées dans le cadre du diagnostic d’Alzheimer. Il propose aujourd’hui, un service baptisé www.bilanmemoire.fr qui permet des consultations en vidéo-conférence avec des ainés sans qu’ils aient à quitter leur domicile.





Pouvez-vous nous décrire le fonctionnement  de www.bilanmemoire.fr ?
Avec ce nouveau service, je propose des vidéo-consultations à des personnes âgées qui se plaignent de leur mémoire. Cette démarche n’entre pas dans le cadre de la recherche diagnostique, réservée au médecin de la consultation mémoire. Toutefois, mon expérience dans l’évaluation de la mémoire des ainés me permet de disposer des outils nécessaires pour objectiver les éventuelles difficultés des patients.
 
Une personne de plus de 60 ans qui a l’impression que sa mémoire a changée, mais qui ne présente pas de trouble majeur ni de baisse d’autonomie se montre souvent réticente à l’idée d’entreprendre des investigations poussées en consultation mémoire. Conscient des bénéfices d’une prise en charge précoce, je regrette ce phénomène et nourrit l’objectif de repérer ces patients à risque afin de les rediriger vers ces consultations spécialisées.
 
Concrètement, une personne souhaitant bénéficier d’une évaluation doit avoir un ordinateur avec une webcam et une connexion internet et se rendre sur le site www.bilanmemoire.fr, puis prendre un rendez-vous le jour et l’heure de son choix.
 
Après avoir réglé cette consultation, il recevra un lien par e-mail qu’il devra activer le jour de la consultation à l’heure prévue. Ce lien permet l’ouverture d’une fenêtre vidéo sur son ordinateur. Dès lors, le patient me verra en direct sur son écran (et vice-versa de mon côté).
 
Après un entretien d’une quinzaine de minutes, auquel un proche de la personne peut également participer, je propose des tests neuropsychologiques au patient pendant une vingtaine de minutes.
 
Suite à cette évaluation, je transmets mes impressions au patient quant à sa santé cognitive et un éventuel risque de processus neurodégénératif. Il recevra par la suite mon compte rendu par email, comportant ses scores aux tests.
 
Mais bilanmémoire. Fr, ce n’est pas seulement des évaluations… En effet, je propose également des entretiens de soutien et d’accompagnement pour les aidants. Ces personnes peuvent effectivement se retrouver considérablement fragilisés par la maladie de leur proche. Il existe pourtant de nombreuses astuces et ajustement à connaitre afin de se protéger soi-même et aider son proche plus efficacement.
 
La vidéoconsultation n’empêche en rien une approche éthique, respectueuse et humaine du patient et de son environnement. Par ailleurs, la communication vidéo que je propose est sécurisée, ce qui est primordial afin de s’assurer du respect de la confidentialité des patients.
 
Pour finir, sur la section blog de mon site, je diffuse régulièrement des informations concrète pour aider les personnes malades ainsi que leurs proches à faire face à la maladie et son évolution.

Quels sont ses avantages en ces temps de confinement ?
Dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, les autorités de santé encouragent vivement le recours à la téléconsultation. Alors qu’avant la pandémie, les consultations de télémédecine ne représentaient qu’1% du total des consultations médicales effectuées en France, ce chiffre s’élève aujourd’hui à près de 15%.
 
La semaine du 23 mars, il y a eu 50 fois plus de téléconsultations en France qu’avant le confinement. Nous assistons donc à un réel changement des habitudes dans le domaine de la santé, dont les seniors ne sont pas exclus. D’autant plus que bon nombre d’entre eux présentent des difficultés de mobilité ou une réduction de l’autonomie, qui sont des freins à l’accès au soin.
 
Le principe même de la téléconsultation permet de respecter le confinement et limiter les risques de contagion inhérents au déplacement dans un cabinet médical ou un hôpital. Ce procédé permet également un accès facile et rapide aux professionnels de santé, y compris dans les déserts médicaux.
 
Aussi, nous savons que les personnes à risque de développer des troubles cognitifs vont se montrer vulnérables à la survenue de certains évènements importants, nous l’observons lors de cette période de pandémie et de confinement.
 
La majoration de l’isolement de certaines personnes âgées, et le bouleversement de leurs habitudes peut ainsi participer à l’émergence de troubles des fonctions cognitives. Ces personnes et leurs proches sont en droit d’obtenir des réponses claires et rapides à leurs interrogations.

Comment les ainés réagissent face ces nouvelles technos qui pour certains, peuvent être quelque peu, « impressionnante ».
Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes n’ont pas attendu le COVID-19 pour se lancer dans des projets de télémédecine. De plus en plus de structures s’équipent, ce qui permet de réduire considérablement le taux d’hospitalisation.
 
Aujourd’hui, ce sont les téléconsultations suite à des plaies et à des troubles du comportement qui sont le plus demandées dans les EHPAD. Qu’on se le dise, la télémédecine entre peu à peu dans les mœurs, chez les patients et les professionnels de santé.
 
Nous devons relativiser l’idée selon laquelle nos ainés se retrouveraient perdus face aux nouvelles technologies. Nombre d’entre eux se passionnent pour l’informatique : ils communiquent par e-mail, créent le leurs propres albums photos, consultent leur compte Facebook et discutent avec leurs petits-enfants par Skype… Pour eux, l’utilisation d’un outil de vidéo-consultation ne pose aucun problème d’accessibilité et s’avère même ludique.
 
Pour les autres, qui sont moins familiers avec les ordinateurs, c’est un proche qui va se charger des démarches en amont (prise du rendez-vous sur le site et lancement du lien à l’heure de la consultation). Lorsque l’échange démarre, les personnes comprennent rapidement le fonctionnement de la vidéoconférence, y compris ceux qui présentent des troubles cognitifs.
 
Chez ces patients, j’observe même un phénomène de gain de crédibilité, en effet, les personnes de plus de 80 ans ont tendance à accorder davantage de confiance aux informations entendues à la télévision, et le fait d’échanger avec un spécialiste par le biais d’un écran les place dans ces conditions. Cet effet a été confirmé par des recherches en anthropologie.
 
Par ailleurs, la personne qui consulte apprécie le confort de se trouver dans un environnement connu et sécurisant, ainsi que la présence de son proche. Cet élément n’est pas à prendre à la légère quand on connait les effets du stress sur les performances cognitives. Ainsi, l’impact éventuel d’un phénomène d’angoisse liée à la passation des tests est mieux contrôlé dans le cadre d’une consultation à domicile.

Article publié le 27/04/2020 à 09:40 | Lu 2884 fois