Bien vieillir en France (partie 1)

Suite à la journée « Bien vieillir en France », présidée par Nora Berra, ancienne ministre et députée européenne, et Gérard Bapt, député de Haute-Garonne, qui a eu lieu le 19 juin dernier, voici une présentation détaillée des points forts qui ont rythmé cette journée qui abordait les thèmes suivants : concilier longévité et bonne santé, vieillir serein dans un logement adapté, financer la dépendance pour demain et trouver toute sa place dans la société.


La population française vieillit. Selon la dernière étude du Conseil Economique, Social et Environnemental sur la dépendance des personnes âgées, les projections démographiques font état d’une augmentation de 25% des personnes âgées de plus de 75 ans d’ici quinze ans.
 
Leur nombre passerait de 5,5 millions en 2010 à 6,6 millions en 2025. C’est dans ce contexte qu’a eu lieu, le 19 juin, à la Maison de la Chimie, une conférence-débat ouverte à la presse sur le thème du « Bien vieillir en France ».
 
Co-présidée par Nora Berra ancien ministre et actuelle député Européen et Gérard Bapt, député de Haute-Garonne et membre du Haut Conseil du financement de la protection sociale, cette conférence a eu pour objectif d’apporter une réflexion à l’élaboration du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, promis par le gouvernement avant la fin de l’année. Pour présenter ses premières pistes de réflexion, Michèle Delaunay, Ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l'Autonomie a clôturé les travaux.
 
La Conférence Débat « Bien Vieillir en France » a commencé par deux discours introductifs de Nora Berra, de Gérard Bapt.
 
En tant que Maire, ce dernier a souligné que la question du vieillissement est une priorité au niveau du développement local. Il cite l’exemple de sa ville qui a conçu des logements sociaux, avec des annexes où sont partagés repas et activités.
 
Gérard Bapt a également rappelé l’importance de la prévention face à l’augmentation de l’espérance de vie pour une qualité de vie acceptable. Il faut donc se préoccuper de l’environnement et de la santé tout au long de la vie.

Nora Berra, pour sa part, s’est exprimée sur un thème au centre de ces préoccupations ministérielles : face aux enjeux du vieillissement, les pouvoirs publics ont permis de véritables progrès dans le domaine médicosocial, qui « n’a plus rien à voir avec celui d’il y a vingt ans. ». Tout le système économique est concerné par le vieillissement : comment augmenter les dépenses pour la dépendance sans alourdir la charge sur les actifs ?
 
Pour Nora Berra, il est nécessaire d’inscrire la question du vieillissement dans une politique globale et transversale pour permettre une avancée en âge en bonne santé. En effet, le vieillissement n’est pas synonyme de dépendance. Il faut changer de regard sur la vieillesse, et lui donner un rôle pivot et positif dans notre société, en tirant parti du potentiel de ces changements démographiques importants (pour différents domaines : la santé, l’habitat, le numérique…).
 
Première table ronde : concilier longévité et bonne santé

Jean Pierre Aquino, président du Comité « Avancée en Age », gériatre, a remis un rapport à Jean-Marc Ayrault sur cette question. Pour lui, la politique de la vieillesse est une démarche technique, au-delà des clivages politiques. Il rappelle qu’il existe une perte d’autonomie évitable, qu’il faut prévenir.
 
Quatre lieux sont importants pour les démarches de prévention : le travail, où il faut améliorer la santé, préparer le départ à la retraite ; le domicile, où il faut très vite repérer les signes de fragilité et les facteurs prédictifs de perte d’autonomie ; l’hôpital, où 20 à 30% sortent guéris mais plus dépendant qu’auparavant ; l’EHPAD, où il faut éviter que la perte d’autonomie ne s’aggrave.
 
Jean Pierre Aquino cite plusieurs pistes pour prévenir la perte d’autonomie : éduquer, créer une « culture préventive », informer, former les professionnels, effectuer des bilans de prévention, mieux structurer la recherche, et surtout coordonner les différents acteurs, avec une approche pluridisciplinaire. En conclusion, il  insiste sur l’idée que la dépendance n’est pas une fatalité, et que nous sommes aujourd’hui dans une dynamique de progrès dans ce domaine.
 
Elodie Hemery, chargée du secteur vieillesse et handicap à la fédération hospitalière de France (FHF) rejoint Jean Pierre Aquino sur la notion de prévention, et insiste sur la notion de parcours de vie, et d’approche globale de la personne. Les hôpitaux doivent éviter que l’hospitalisation soit synonyme de perte d’autonomie fatale pour la personne, en accompagnant notamment sa sortie de l’hôpital.
 
Gilles Echardour, délégué territorial de Paris à l’Agence Régionale de Santé Ile de France (ARS), a expliqué que l’ARS a dû organiser un schéma de prévention, mêlant à la fois des éléments préventifs et curatifs. Mais pour lui, la prévention ne s’arrête pas au domaine de la santé. L’ARS a ainsi un pouvoir d’interpellation d’autres acteurs, pour faire prendre conscience que des améliorations dans d’autres domaines (urbanisme, habitat…) peuvent conduire à une amélioration générale de la santé des séniors, même si cela ne relève pas des actions de santé classique.
 
Les projets pilotes P.A.E.R.P.A (parcours des personnes âgées à risque de perte d’autonomie) permettent des améliorations qui peuvent sembler mineures, mais qui permet une prise de conscience du rôle de chaque acteur et une meilleure collaboration entre eux.
 
Galatée Cosset-Desplanques, représentante de la Fédération des réseaux de santé gérontologique d’Ile de France et du réseau de santé AGEK ANONIX. Pour elle, les réseaux de santé ne sont pas « une potion magique » pour résoudre le problème de la dépendance, mais constituent un outil innovant. Ils permettent d’intervenir au domicile de la personne, de repérer le plus tôt possible les fragilités avec des professionnel ergothérapeutes, infirmiers, médecins… et d’instituer une relation de confiance avec le patient.
 
Sophie Schmitt, fondatrice et associée de Séniosphère (société de conseil auprès des entreprises sur les attentes des séniors) nous a apporté les conclusions de son étude : comment les séniors eux-mêmes définissent-ils le bien vieillir ? Les résultats de 2013 montrent que les séniors associent cette notion de « bien vieillir » à la bonne santé et à la bonne santé psychologique (« être bien dans sa tête »). Trois piliers se dégagent quant aux facteurs de maintien en bonne santé : la socialisation, l’alimentation, et l’activité. Les baby-boomers ont une perception différente du bien vieillir, et associent le bien vieillir à la notion de plaisir.

Deuxième table ronde : vieillir serein dans un logement adapté

Le Député Philippe Vitel a introduit la table ronde en revenant sur les propositions de Luc Broussy en matière de logement : alors que la France ne dispose que de 6% de logements adaptés selon l’enquête SHARE, loin derrière les Pays-Bas (16%).
 
Il rappelle ainsi que Luc Broussy appelle à «créer un véritable écosystème favorable à un séjour sûr et serein chez soi le plus longtemps possible » en faisant du maintien à domicile une véritable priorité nationale. Mais il faut aussi développer l’offre de logements intermédiaires, pour permettre de prévenir l’isolement et la perte d’autonomie des personnes âgées, sans les placer dans les EHPAD qui sont surtout dédiées à la grande dépendance.
 
Ces solutions intermédiaires doivent s’inscrire au coeur de plateforme de quartiers où peuvent se développer des solidarités de proximité. Pour le député Vitel, « le maintien à domicile ne doit absolument pas se réduire à une domotique robotisé », mais le lien social doit être valorisé.
 
Pour faciliter le choix du maintien à domicile ou du logement EHPAD ou EHPA, il faut proposer un dispositif de guichet unique comme point d’informations. Surtout, il faut permettre aux habitants d’avoir le sentiment « d’être ensemble » et non pas isolés.
 
Isabelle Rougier, directrice générale de l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH), a développé les différents enjeux de la problématique de l’habitat. Elle appelle à la création d’un accompagnement gratuit et d’un guichet unique d’information. Aujourd’hui, l’aménagement de l’habitat est moins couteux pour la collectivité, préféré par la population, et peut également être un facteur de prévention de la dépendance. Dans ce cadre, l’adaptation du logement est un enjeu majeur. Pour adapter les logements, les travaux d’adaptation doivent être globaux, et prendre en compte l’évolution de la santé de la personne.
 
L’ANAH travaille avec les collectivités locales et a construit un maillage d’acteurs divers (artisans, élus, médecins…) qui permettent de signaler si un logement n’est pas adapté pour son habitant âgé. Le financement de ses travaux est en général accessible (environ 5000 euros en moyenne), mais peut devenir très onéreux lorsque les travaux portent sur des adaptations importantes (comme l’énergie, le chauffage..). Les financements existent: l’ANAH (45 milliard d’euros de budget), l’APA, les caisses de retraite... Un travail de communication et d’information est nécessaire, pour promouvoir l’adaptation du logement.
 
Isabelle Rougier cite les dispositions du rapport Broussy comme le diagnostic habitat mobilité qui permet de sensibiliser les personnes âgées, et rappelle que le maintien à domicile doit s’inscrire au centre d’un réseau médicosocial et d’un programme local d’habitation.
 
Claudy Jarry, Président de la Fédération Nationale des Associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA) conteste « l’approche du corps abimé » qui a prévalue ces dernières années, et qui néglige la dimension psychologique et sociale du vieillissement. Il est pour lui nécessaire de créer une voie nouvelle pour créer de meilleures conditions de vie et d’accompagnement des personnes âgées : proposer des logements adaptés, accessibles et social, au coeur de quartier où il existe une mixité sociale et intergénérationnelle, des commerces de proximité, ainsi qu’un accès aux soins et à l’aide à domicile (ici se pose la difficile question de la démographie médicale et des inégalités territoriales). Il insiste surtout sur la nécessité de recréer du lien privé pour les personnes âgées, de leur redonner un rôle, en imaginant de nouvelles solidarités dans la famille et dans la cité. Selon lui, il faut repenser la personne âgée comme un « être social dans un environnement social ».
 
Jean-Philippe Alosi est délégué général du Syndicat National des Prestataires de Santé à Domicile (SYNALAM).
Le métier de prestataire à domicile représente un million de patients par jour, et 150 000 professionnels, dont 20% de professionnels de santé. Les prestataires fournissent des dispositifs de traitements de maladies chroniques ou d’aide à la compensation et de prévention de perte d’autonomie. Du fait de leur intervention à domicile, ils sont souvent les premiers observateurs des besoins des personnes âgées. Ils peuvent installer une relation de conseils avec le patient. Ils participent ainsi à la mise en oeuvre de l’aspiration à vivre chez soi, et à l’optimisation des finances de la famille : il est moins couteux d’installer des dispositifs plutôt que de subir des hospitalisations évitables ou d’avoir recours à l’EHPAD.
 
Pour financer les dispositifs des prestataires, il existe plusieurs systèmes : le remboursement par l’assurance maladie, l’APA, et une myriade de financeurs souvent difficiles à identifier pour les patients.

Pour Jean-Philippe Alosi, l’idée du guichet unique est peut être une « fausse bonne idée » car elle risque d’entrainer une diminution du nombre de financeurs. Enfin, il faut poursuivre la réflexion sur le label « Haute Qualité Autonomie » pour mieux identifier les différentes prestations.

Publié le 28/06/2013 à 10:21 | Lu 2322 fois






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