Besoins des plus âgés : priorité à l’emploi ! Chronique par Serge Guérin

La question du personnel en charge des plus âgés va devenir de plus en plus complexe. Car il s’agit de professionnels des soins, mais aussi de l’accompagnement et du soutien. Dans ce contexte, certains métiers restent encore à inventer !


Dans les établissements qui accueillent les personnes âgées les plus dépendantes, l’objectif est de parvenir d’ici à trois ans, à un professionnel pour un résident. C’est la norme dans les grands pays d’Europe.

Évidemment, pour les lieux où les personnes sont beaucoup moins fragilisées, le taux d’encadrement n’a pas à être aussi important, mais il doit tout de même être augmenté. Aujourd’hui, il s’élève à seulement un professionnel pour trois personnes. Ce manque de personnel conduit parfois à des situations insupportables pour la personne âgée, comme le fait de lui servir son repas en même temps qu’elle est assise sur les toilettes….

Faute de temps, le professionnel risque de limiter son action à des gestes techniques et à rechercher l’efficacité au détriment du lien social. C’est ainsi que commence la maltraitance… Parfois, par manque de personnels, de temps ou d’implication, l’aidant ne prendra pas le temps de tenir la main de la personne, de lui parler à l’oreille ou simplement de se tenir près d’elle.

Inutile d’aller chercher un quelconque « gourou » pour instiller une méthode privilégiant la relation humaine et l’écoute entre la personne âgée et l’aidant professionnel. En revanche, le droit à prendre du temps, un nombre suffisant d’intervenants, un soutien psychologique aux personnes comme au personnel paraissent essentiel. Il faut aussi souligner que 70 % des cas de maltraitance de personnes âgées se produit au sein des familles…

Ce métier est probablement l’un des plus durs qui soit car les personnels font constamment face au déclin et à la mort. Personne ne peut être confronté à ces situations au quotidien sans s’interroger sur sa propre finitude. Celui qui travaille dans un établissement, qui soigne la détresse humaine, des cancers en phase terminale, des petits enfants qui souffrent le martyre, que sais-je encore, a la possibilité de se dire que cela ne vous arrivera pas. Il n’en va pas de même pour la personne qui intervient dans une maison de retraite. Il faut mesurer la prégnance morale de ces métiers. .../...
Besoins des plus âgés : priorité à l’emploi ! Chronique par Serge Guérin

Certes, la professionnalisation des métiers du grand âge a été renforcée, et la validation des acquis de l'expérience est ouverte depuis 2006 à un grand nombre d'entre eux. Mais cela ne doit pas permettre de créer une sorte de « diplomite » qui évite de former réellement les personnes. Notons aussi que l’augmentation des qualifications doit s’accompagner d’une amélioration des salaires… Or, cela fini aussi par peser sur le coût des services rendus.

Il manque en France environ 15.000 infirmiers (des femmes à 90 %). Par ailleurs, c’est une profession qui subit un turn-over record : en moyenne, la personne quitte son emploi au bout de huit ans alors que sa formation a duré trois ans. C’est un gâchis effroyable. Pourtant, ces professionnels sont essentiels, mais insuffisamment valorisés alors qu’ils sont le plus souvent au contact direct des personnes en souffrance. Ils demandent que leur diplôme soit validé au niveau Licence, ce qui paraît parfaitement légitime et sain. Encore une fois, la formation et plusieurs années d’expérience devraient permettre aux infirmières de suivre un cursus aménagé pour devenir médecin.

Mais les métiers des services à la personne ne concernent pas seulement la filière des soins, il existe aussi une série de fonctions autres, qui relèvent du social et de l’animation au sens large avec des formations afférentes.

Là aussi, il est parfois difficile de recruter des personnes motivées ou formées alors qu’il y a des potentiels énormes. Prenons deux exemples : on forme beaucoup de moniteurs de sports, qui ne trouvent pas toujours d’emplois dans les domaines du scolaire ou de la jeunesse ; en intervenant auprès de personnes âgées en demande d’activités sportives aménagées, ils pourraient avoir une autre reconnaissance.

De même, chaque année, l’Université forme des milliers d’étudiants en psychologie dont les débouchés sont loin d’êtres assurés. Or, là encore, il existe un grand besoin de soutien psychologique aux personnes âgées comme aux personnels. Des campagnes d’information sont à mener pour expliciter ces réalités aux étudiants.

Ce sont même les plus jeunes qu’il importe de toucher en travaillant sur les représentations des métiers de service en général, et de services à la personne, en particulier. Le regard négatif porté sur les services à la personne, les « petits boulots », expliquent largement le déficit d’emplois dont souffre la France dans ce domaine. Il contribue aussi à la faiblesse des rémunérations et, donc, à la difficulté de recruter certains profils. Ces déficits ont des effets sur la qualité du vivre ensemble et sur la vie quotidienne des personnes aidées, comme des professionnels de l’aide.

Des campagnes de promotion sont essentielles, car l’ensemble des études prospectives montrent qu’il faudra pourvoir 350.000 postes d’ici à 2015. Les besoins augmentent d’autant plus que le tiers des professionnels qui oeuvrent auprès des personnes âgées est appelé à prendre sa retraite dans les dix années à venir… Par ailleurs, dans ce secteur, le turn-over dépasse les 20 %, rendant la situation plus tendue encore et posant des problèmes d’organisation particulièrement délicats.

D’ailleurs au regard de ce déficit d’emplois dans le secteur du grand âge, le premier Salon des Métiers au Service du Grand Age pour favoriser la rencontre des jeunes ou de personnes plus âgées qui souhaitent se réorienter, s’est tenu à Paris les 10 et 11 avril prochain.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon

Publié le 14/04/2008 à 10:03 | Lu 4012 fois