Artistic Théâtre : du Vaclav Havel dans un théâtre d'appartement parisien

Le théâtre d’appartement n’est pas monnaie courante, surtout à Paris où un directeur de salle se doit d’assurer une jauge suffisante pour rentrer dans ses frais. C’est pourtant ce que nous propose courageusement Anne Marie Lazarini dans son théâtre de la rue Richard Lenoir, plus précisément dans ses sous-sols.


Après avoir descendu un escalier en fer, nous arrivons dans une cave où nous sommes accueillis théâtralement par un couple parlant haut et soigneusement costumé.
 
Au fond de la salle, un bureau séparé du reste de la pièce par des vitres, est occupé par deux personnages. Il s’agit du directeur de la brasserie, qui convoque un magasinier nouvellement engagé. C’est l’Audience.
 
Et de fait, les propos doucereux du chef et son apparente bonhommie, ponctués des multiples verres de bière qu’il ingurgite et impose à son employé, ne nous laissent aucune illusion : tel un chat jouant avec une souris, on comprend bien vite qu’il prépare un coup et qu’il ne lâchera pas sa proie.
 
Encore sous le choc de l’estocade finale, nous retrouvons nos deux guides qui nous invitent à les suivre pour leur Vernissage dans la pièce d’à côté. Lesquels se lancent sans pudeur dans un étalage complaisant de leurs réussites en tous genres, financière, familiale et sexuelle, critiquant à l’occasion le mode de vie trop simple de leur ami qui n’est autre que l’employé de tout à l’heure et qui les a rejoints.
 
Ici aussi, on sent bien que tout n’est qu’artifice. Une fois le voile tombé la vérité mise à nue sera pathétique.
 
Vaclav Havel est surtout connu par les fonctions présidentielles qu’il a occupées dans son pays. Mais avant cela, c’était un écrivain, bien vite dissident et par là-même emprisonné plusieurs fois. Et, de fait, le théâtre qu’il nous livre ici est à la fois politique et philosophique.
 
Politique par sa manière de mettre en scène les travers du régime auquel son personnage n’adhère pas, sans jamais le critiquer ouvertement mais en se plaçant en retrait, comportement philosophique s’il en est. Réflexions, à demi-mots donc, sur le pouvoir et ses excès, sur le bonheur aussi qui donnent à ces deux pièces écrites il y a quarante ans déjà des résonances très contemporaines.
 
Les quatre acteurs prennent à l’évidence un grand plaisir à nous les restituer. Cédric Colas, qu’on retrouve dans les deux salles, est Ferdinand Vanek, un peu le double de l’auteur. Magistrale composition de Stéphane Fiévet, chef de bureau faussement bonhomme. Frédérique Lazarini et Marc Schapira sont Véra et Michaël, nos deux snobs empêtrés dans leur conformisme. Les derniers compliments seront pour Frédérique Lazarini et sa mise en scène d’appartement, qui donne au théâtre une dimension rarement atteinte dans une salle traditionnelle.

Artistic Théâtre
45 bis rue Richard Lenoir
75011 Paris

Du mardi au vendredi 19h samedi 20h30 dimanche 15h jusqu’au 17 mars

Publié le 14/03/2018 à 01:00 | Lu 1910 fois