Alzheimer : pour Françoise Laborde, « il ne faut pas s'interdire de rire de la maladie »

Journaliste, écrivaine et membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) depuis 2009, Françoise Laborde évoque dans une interview la maladie de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer.


Qu'est-ce que vous a poussé à écrire un ouvrage sur la maladie d'Alzheimer ?

Françoise Laborde : « Ma mère est décédée de cette maladie, il y a dix ans. A l'époque, on connaissait mal la maladie, les médecins ne s'avançaient pas trop. Du coup, tout le monde se mêlait des diagnostics, des thérapies. On ne savait pas ce qu'elle avait. Tout au long de la maladie, nous nous sommes posés énormément de questions, nous nous sommes souvent accrochés en famille, sur la manière de faire au mieux. J'ai été éberluée par notre réaction face à cette épreuve, j'avais l'impression de vivre dans une famille atypique qui était incapable de l'aider, de la soigner et j'ai fini par écrire le livre Pourquoi ma mère me rend folle. Beaucoup de familles se sont reconnues dans les situations que je décrivais : au fond, ce livre décrivait le quotidien de ceux qui vivent avec un malade et sont aussi désemparées ».

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la maladie d'Alzheimer ?

Françoise Laborde : « C'est vraiment une maladie épouvantable, car elle attaque à la fois le psychique de la personne malade mais aussi celui de la famille, et la famille au sens large, conjoint, parents, enfants... C'est une maladie qui se vit de façon collective. Je pense que c'est important de parler des dégâts dans les familles, il y a de nombreux moments où je me suis sentie incapable d'aider ma mère ».

En tant que famille, qu'est-ce qui est le plus difficile à vivre ?

Françoise Laborde : « Pour moi, la plus grande difficulté, c'est d'accepter la maladie, accepter de voir la personne qu'on a aimée en train de « disparaître ». Et puis, il faut aussi se dire qu'on ne peut pas tout faire tout seul, accepter d'être fatigué, et savoir être un peu « égoïste » pour se préserver. Il faut pouvoir s'appuyer sur les aides-soignants, tous ceux qui sont prêts à prendre le relais... et quand c'est possible, impliquer aussi les petits-enfants, car ils peuvent mettre plus de distance, ils ont plus de recul par rapport à la maladie de leurs grands-parents ».

Estimez-vous que la population soit assez sensibilisée ?

Françoise Laborde : « Les gens savent que c'est une maladie qui peut frapper tout le monde sans distinction, et chacun a une angoisse personnelle d'être un jour atteint, car malheureusement encore aujourd'hui nous sommes démunis vis-à-vis de cette démence. Ce qui compte, c'est donc que l'opinion publique comprenne qu'il faut consacrer des moyens à la mise en place de structures adaptées, mais surtout permettre aux gens, lorsque c'est encore possible, de rester à domicile. Car un malade qui perd ses repères et ses habitudes est encore plus désorienté ».

Quels conseils donneriez-vous aux familles ?

Françoise Laborde : « il est difficile de donner des conseils généraux, il y a tellement de formes diverses de la maladie, tellement de comportements différents chez les personnes malades. Je crois qu'il n'y a pas de « recette », chacun fait simplement ce qu'il peut. Personnellement c'est le fait d'en rire qui m'a aidée. Reconnaître le cocasse de certaines situations. Par exemple, ma mère était très « soupe au lait », si elle se levait de table en colère, la seconde d'après elle, avait oublié...genre « qu'est-ce que je disais déjà ? - Rien maman, tu t'es levée pour chercher le sel... - Ah oui, c'est vrai » et elle se rasseyait... Et lorsqu'elle tenait des propos étranges « j'attends ma mère », « qui es-tu ? », je ne la contrariais jamais. En fait, je crois que ce qui m'a sauvée c'est que j'aime la littérature de l'absurde : avec maman j'avais l'impression d'être dans une pièce d'Eugène Ionesco à la maison ! »

Publié le 28/02/2013 à 08:00 | Lu 985 fois