Alimentation : lien confirmé entre cancer colorectal et exposition aux nitrites

Notre alimentation nous expose quotidiennement aux nitrites et aux nitrates. Au regard des connaissances actuelles de leurs effets sur la santé humaine, l’Anses préconise de réduire l’exposition de la population à ces substances par des mesures volontaristes en limitant l’exposition par voie alimentaire. Pour ce faire, l’Anses a identifié plusieurs leviers, en particulier la réduction de l’utilisation d’additifs nitrités dans les charcuteries, qui doit se faire de façon maîtrisée pour éviter l’augmentation de toxi-infections alimentaires.





Une pluralité de sources d’exposition
Les nitrates et les nitrites sont présents dans notre alimentation du fait :
- de la présence naturelle des nitrates dans les sols (cycle de l’azote), dont la concentration peut être renforcée par des activités agricoles, et dans les ressources en eaux ;
- de leur utilisation en tant qu’additifs alimentaires (E249, E250, E251, E252) pour leurs propriétés antimicrobiennes dans la charcuterie et les viandes transformées principalement ;
- de leur accumulation dans les végétaux.
 
Environ deux tiers de l’exposition alimentaire aux nitrates provient de la consommation de produits végétaux, en particulier de légumes feuilles comme les épinards ou la laitue et un quart est associé à l’eau de boisson. Moins de 4% de l’exposition alimentaire aux nitrates est due à leur utilisation en tant qu’additifs alimentaires dans la charcuterie.
 
Concernant les nitrites, plus de la moitié de l’exposition provient de la consommation de charcuterie du fait des additifs nitrités utilisés pour leur préparation.
 
Association entre cancer colorectal et exposition aux nitrites et nitrates
Les nitrites et les nitrates ingérés via les aliments et l’eau sont connus pour engendrer la formation de composés nitrosés, dont certains sont cancérogènes et génotoxiques pour l’être humain.
 
L’Anses a analysé les publications scientifiques en cancérologie parues depuis les travaux de référence de l’Efsa (2017) et du CIRC (2018). Elle confirme l’existence d’une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrites et/ou aux nitrates, qu’ils soient ingérés par la consommation de viande transformée, ou via la consommation d’eau de boisson.
 
Plus l’exposition à ces composés est élevée, plus le risque de cancer colorectal l’est également dans la population.
 
D’autres risques de cancers sont suspectés mais les données disponibles ne permettent pas, à ce jour, de conclure à l’existence d’un lien de causalité. L’Agence recommande de poursuivre les recherches dans ce domaine afin de confirmer ou d’infirmer ces relations.
 
Niveaux d’expositions, valeurs de référence et leviers d’action
En France, toutes sources d’exposition confondues, près de 99% de la population ne dépasse pas les doses journalières admissibles (DJA) établies par l’Efsa et jugées pertinentes à ce jour pour les nitrates d’une part et les nitrites d’autre part.
 
Pour prendre en compte les risques liés à la co-exposition, l’Anses a utilisé une démarche dite MOE (évaluation des marges d’exposition). Cette démarche conduit à des résultats analogues à l’analyse par les DJA pour une large majorité de la population.
 
Pour autant, l’Agence recommande de mener une réflexion pour établir une valeur toxicologique de référence globale incluant nitrates et nitrites compte-tenu de leur transformation en composés nitrosés.
 
Alors que les limites d’expositions sont majoritairement respectées, les expositions sont néanmoins associées à la formation de composés augmentant la probabilité de cancers. C’est pourquoi l’Agence considère que l’ajout intentionnel des nitrites et des nitrates dans l’alimentation doit se faire dans une approche « aussi bas que raisonnablement possible ». Des leviers existent pour la mettre en œuvre.
 
Réduire les additifs dans les charcuteries : à chaque type de produit sa solution
Dans les charcuteries, l’ajout de nitrates et de nitrites vise notamment à limiter le développement des bactéries à l’origine de maladies comme la salmonellose, la listeriose ou le botulisme.
 
Selon l’Agence, la réduction de leur utilisation aussi bas que raisonnablement possible peut être envisagée à la condition impérative de prendre des mesures pour maîtriser le risque de contamination par ces bactéries par d’autres moyens.
 
Ces mesures devront être adaptées à chaque catégorie de produits. Par exemple, pour le jambon cuit, la réduction des nitrites pourrait s’accompagner du raccourcissement de la date limite de consommation.
 
Pour le jambon sec, cela supposerait un contrôle strict du taux de sel et de la température au cours des étapes de salage, de repos et d’affinage du produit.
 
Les extraits végétaux apportent aussi des nitrates et nitrites
Certains fabricants utilisent des extraits végétaux ou des bouillons de légumes comme substituts aux additifs nitrités.

Cela ne constitue pas une réelle alternative dans la mesure où ils contiennent naturellement des nitrates qui, sous l’effet de bactéries, sont convertis en nitrites. Ces produits sans nitrites ajoutés ne permettent donc pas une diminution réelle de l’exposition du consommateur aux nitrites.
 
Maîtriser la teneur en nitrates dans l’eau et les sols
Au-delà de la présence naturelle des nitrates dans l’environnement, certaines activités humaines contribuent à renforcer leur concentration dans les ressources en eau ou les sols.
 
Pour réduire l’exposition aux nitrates par le biais de l’eau de boisson, mais aussi par la consommation de végétaux, l’Agence souligne l’importance de poursuivre l’optimisation de certaines pratiques, comme l’épandage de fertilisants et d’effluents d’élevage, en les ajustant au mieux aux besoins des cultures.
 
Cette réduction concerne en particulier les unités de distribution des eaux pour lesquelles des dépassements de la limite de qualité pour les nitrates ont été observés. Un avis spécifique sur ce sujet sera rendu prochainement par l’Agence.
 
Pour limiter leur exposition aux nitrates et nitrites, l’Anses rappelle également aux consommateurs de :
- limiter leur consommation de charcuterie à 150 grammes par semaine ;
- avoir une alimentation variée et équilibrée, avec au moins cinq portions de fruits et légumes par jour d’origine différente.
 
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Article publié le 05/08/2022 à 03:00 | Lu 3960 fois