Aimer encore, aimer à tout âge : chronique de Serge Guérin

A l’invitation de la Fnadepa des Côtes d’Armor qui avait pris le risque de choisir pour thème « Aimer encore » pour sa journée 2009 de « La parole aux résidents », j’ai eu le grand bonheur d’intervenir sur ce beau thème devant plus de 350 personnes âgées de 85 à 99 ans.


Aimer encore, aimer à tout âge. S’interroger sur cette question, c’est prendre le risque de déranger les certitudes, de casser les vielles idées.

Les médias tendent à ne renvoyer qu’une image : celle qui valorise les corps jeunes, sportifs, bronzés… L’amour est une épreuve, une compétition, un tournoi. D’ailleurs, les médias nous abreuvent de chiffres et de normes concernant les choses de l’amour et de la sexualité.

Au nom de quoi les plus âgés d’entre nous ne devraient pas avoir le droit d’aimer encore, le droit à l’émotion amoureuse, le droit au plaisir, le droit au désir ? Les vieux ne sont pas des citoyens de seconde zone : ils disposent du droit de vote comme du droit d’aimer !

Mais la querelle des anciens et des modernes se joue, ici, à front renversé. Une sorte de bataille d’Hernani à l’envers où ce sont les plus jeunes qui se montrent choqués par le fait que des vieux puissent aimer, puissent s’aimer.

Edgar Morin disait qu’il avait tout les âges en lui. De la même façon, nous pourrions dire que nous avons tous les amours en nous. Plus la vie est longue, plus la possibilité d’amours diverses s’accroît. Pour autant, les uns auront rencontré l’amour de leur vie fort tôt, amours dont d’autres n’auront fait la rencontre que fort tard. Ou jamais. Ou pas encore. D’autres aussi, auront rencontré plusieurs fois cet amour de leur vie, ou bien auront vécu plusieurs vies… Les uns vivent avec des regrets et d’autres des remords. Certains aiment se souvenir et d’autres évitent.

Sans doute que les chemins de l’amour et du souvenir que laisse l’amour sont multiples, divers et paradoxaux. Il existe mille et une façon d’aimer comme il existe mille et une façons de vivre son âge, de vivre sa vie.

On n’aime pas nécessairement de la même façon tout au long d’une vie. On n’aime pas de la même façon chaque personne que l’on aime ou que l’on a aimé. Aimer d’amour, c’est bien sur désirer. Mais le désir s’exprime de différentes façons qui ne nécessitent pas toutes une sexualité « sportive ». On l’a dit plus haut, quelque soit l’âge, la sexualité n’est pas non plus une norme unique. Chaque femme, chaque homme cherche son équilibre et son bonheur sans que cela soit obligatoirement associé à une forme spécifique de sexualité.

A tout âge, il est des personnes qui vivent une sexualité débordante et d’autres une sexualité calme, voire inexistante. Pour autant, bien malin celui qui pourrait établir une hiérarchie du bonheur, une corrélation entre la densité du sentiment amoureux et la forme de son expression. La sensualité passe aussi par le regard qui s’échange, les mains qui se cherchent, les peaux qui s’électrisent, les âmes qui forment un arc sensible….

Pour aimer l’Autre, il faut d’abord s’aimer soi. Avoir plaisir à aimer, aimer aimer en quelque sorte. Alors Aimer encore ? Non Aimer toujours !

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Aimer encore, aimer à tout âge : chronique de Serge Guérin

Publié le 01/06/2009 à 10:08 | Lu 2862 fois