Agisme en entreprise : il faut réagir, par Etienne Hubert

En France, plus que dans beaucoup de pays européens, l’âge est le premier critère de discrimination à l’embauche, les seniors étant particulièrement touchés. En effet, si d’après une étude INSEE datant de juillet 2017 seuls 6,9% des actifs de 50-69 ans en France sont au chômage, ils ne sont que 12,9% à retrouver un emploi dans les trois mois, ce qui confirme qu’ils sont les principales victimes du chômage de longue durée.





Les jeunes en début de carrière sont également touchés, quoique dans une moindre proportion. Selon la même étude INSEE, 24,6% des actifs de moins de 25 ans sont au chômage, mais ils sont 25,8% à retrouver un emploi le trimestre suivant, sans doute parce qu’ils sont prêts à plus de sacrifices pour trouver un job.
 
Confirmant cet état de fait, l’âge est le motif de discrimination le plus redouté par les salariés. Selon une enquête TNS Sofres datant d’octobre 2016, 36% des femmes salariées interrogées, et 37% des hommes citent ce motif en priorité.
 
Cette situation est paradoxale, car lorsqu’ils sont recrutés, les salariés en fin de carrière ont de nombreux atouts à faire valoir, parmi lesquels l’expérience, l’expertise, l’autonomie comme la capacité de recul, d’analyse et de prise de risque figurent en bonne place. Les jeunes quant à eux ont pour eux le dynamisme, la soif d’apprendre et l’ouverture aux nouvelles technologies.
 
Le sous-emploi des seniors, comme des jeunes de moins de 25 ans, représente pour les entreprises un gaspillage considérable de talents et d’énergie. Les pouvoirs publics, via diverses mesures et plans d’action, s’emploient à le réduire, mais les entreprises peuvent aussi largement y contribuer en adaptant en interne leurs politiques et leurs processus.
 
Comme le révèle la récente étude Digital Work Report 2018 menée à l’initiative de Wrike, les seniors se montrent d’ailleurs beaucoup plus ouverts qu’on pourrait le penser à l’introduction de nouveaux processus de travail dans leur entreprise. Dans la tranche d’âge des 55-64 ans, 56% d’entre eux se montrent peu ou pas anxieux du tout à cette perspective, à comparer à 36% pour la tranche des 25-34 ans, et 37% pour la tranche des 35-44 ans.
 
Les seniors au travail : l’exception française
En effet, a contrario de leurs collègues européens, les quinquagénaires français ne s’épanouissent pas au travail. D’après un sondage Edenred Ipsos, réalisé en 2015, ils ne sont que 39% à se déclarer souvent heureux au bureau. Une majorité de ces salariés ne se sentent donc pas satisfaits de leur sort.
 
Parmi les principaux griefs qu’ils citent à l’encontre de leur entreprise, trois se dégagent tout particulièrement :
- Peu de considération de la part de leur hiérarchie (46% seulement s’estiment reconnus à leur juste valeur par leurs supérieurs).
- Pas assez de formation continue (60% jugent que leur employeur n’en fait pas assez pour renouveler ou consolider leurs compétences. De même, ils sont 40% à déclarer que les offres de formation ne sont pas suffisantes).
- Un horizon bouché et des talents boudés (79% affirment ne pas être satisfaits des opportunités d’évolution de carrière à leur disposition).
 
Un plan d’action à plusieurs composantes
Pour remédier à cette situation, une série de mesures peuvent rapidement être mises en place.
• Modifier les descriptions de poste pour les emplois à pourvoir : supprimer les références à un âge ou une expérience précise, de type « entre 8 et 10 années d’expérience » ou « diplômé d’études supérieures depuis 2 ou 3 ans. » De même, éviter les termes tels que digital native, adaptabilité ou énergique, qui tendent à favoriser une classe d’âge plus jeune.
• Favoriser la diversité des profils : mettre en place des politiques internes visant à respecter des équilibres au sein des équipes entre hommes et femmes et entre différentes classes d’âge. La diversité des profils est essentielle dans les entreprises car elle favorise la créativité et l’ouverture d’esprit, et donc la performance.
• Sensibiliser le personnel sur la discrimination fondée sur l’âge : mettre en place des programmes de sensibilisation, en particulier en direction des cadres, et des politiques internes encourageant l’empathie et l’écoute des employés plus âgés comme des plus jeunes.
• Adapter les politiques de formation : au-delà de la formation obligatoire à la technologie et aux outils de travail pour tous les nouveaux embauchés, mettre en place de programmes de remise à niveau périodique en matière de bonnes pratiques et de conseils d’utilisation sur les nouveaux outils.
• Généraliser des plans d’action d’accompagnement ou de conduite du changement : l’introduction de nouvelles technologies et de nouveaux process est inefficace s’ils ne sont pas acceptés et compris par l’ensemble des employés, et en particulier par les jeunes et les seniors. Mettre en place des plans systématiques d’accompagnement ou de conduite du changement, insufflés par le management, est donc essentiel pour garantir un fort taux d’adoption de toutes les catégories de salariés.
• Etablir de nouveaux plans de carrière pour les seniors : créer de nouvelles perspectives pour les employés seniors dont la carrière se trouve dans une impasse, au besoin en repensant l’organigramme de l’organisation. Ceci afin qu’ils puissent continuer à progresser et à évoluer professionnellement.
 
L'adoption des nouvelles technologies –en particulier celles autorisant le travail collaboratif– s’accélère en France depuis quelques années dans le monde professionnel. Cette transformation digitale grandissante, qui implique un changement souvent profond des processus de travail, doit être gérée de façon planifiée et réfléchie en interne par les entreprises et leur management.
 
A cet égard, la mise en œuvre de plans de conduite du changement impliquant l’ensemble des organisations est devenue essentielle pour garantir l’adhésion des salariés aux nouveaux processus, et une exploitation optimale des nouveaux outils. Ces plans ne pourront être pleinement efficaces que si les salariés jeunes et seniors sont étroitement impliqués, et y apportent leur contribution.
 
Par Etienne Hubert, Account Manager de la société Wrike (éditeur d’une plate-forme logicielle de gestion de projets et de travail collaboratif en mode cloud).

Article publié le 20/02/2018 à 03:24 | Lu 6421 fois