Age et vision : un nouveau rôle pour la rétine

A quoi le déclin visuel des personnes âgées est-il dû ? Une équipe de l’Institut de la vision* vient de mettre au jour un mécanisme important et jusqu’ici peu exploré, mettant en cause des photorécepteurs qui tapissent la rétine.


La vision décline avec l’âge, mais comment expliquer ce déclin ? Plusieurs facteurs sont en général évoqués, et confirmés par l’expérience. D’une part une altération des qualités optiques de l’œil, avec par exemple l’opacification du cristallin (cataracte) ou une moindre ouverture de la pupille, diminuent la quantité de lumière arrivant sur la rétine.
 
D’autre part, l'efficacité du processus neural qui transforme cette lumière en perception, c’est-à-dire en image formée dans le cerveau, diminue au cours du vieillissement. « Nous nous sommes intéressés à l’étape intermédiaire : la capacité d’absorption des photons par les cellules photoréceptrices de la rétine, des cellules nommées cônes. Ce niveau a rarement été exploré », explique Rémy Allard*.
 
En d'autres termes, les chercheurs ont voulu savoir quelle est la proportion de photons arrivant physiquement sur ces cellules qui est convertie en signal nerveux.
 
Pour cela, l’équipe a demandé à deux groupes de vingt sujets, les uns jeunes (26,5 ans en moyenne), les autres âgés (75,9 ans en moyenne) mais possédant toujours une bonne acuité visuelle, de passer des tests de perception des contrastes lumineux. Il s’agissait de discerner une forme simple, en l’occurrence une série de barres horizontales ou verticales, sur un fond uni ou brouillé par des taches parasites.
 
Les épreuves étaient conçues de manière à pouvoir séparer l’impact respectif des quatre étapes du traitement de la lumière : d’abord l’efficacité optique de l’œil, puis l’absorption des photons par les cônes, ensuite le "bruit" – ou signal parasite – émis par les neurones du nerf optique, et enfin le traitement par le cerveau.
 
Sans surprise, les sujets âgés se sont montrés moins sensibles aux contrastes que les jeunes, dans toutes les conditions d’éclairement et quelles que soient les caractéristiques du motif à reconnaître (nombre et espacement des barres).
 
Les chercheurs retrouvent aussi des différences connues, comme par exemple un bruit neural un peu plus important chez les volontaires âgés. « Ce n’est pas une nouveauté : on sait que les neurones ont une activité spontanée supérieure avec l’âge », rappelle Rémy Allard. Les performances optiques de l’œil n’ont en revanche pas eu d’incidence significative, ce qui n’est guère étonnant puisque les sujets étaient sélectionnés pour leur bonne acuité visuelle.
 
La surprise vient de l’étape intermédiaire : c’est au niveau de la rétine que se situe le problème principal ! Les cônes des sujets âgés absorbent en effet quatre fois moins de photons que ceux des plus jeunes, à éclairement égal et sans que les qualités optiques de l’œil soient en cause. Comment expliquer cette moindre efficacité ?
 
« La question de la perte de cônes avec l’âge reste débattue, mais nulle part il n’est décrit une perte suffisamment importante pour expliquer une telle baisse de l’absorption des photons. Nous pensons donc qu’ils deviennent moins efficaces avec l’âge », soutient Rémy Allard.
 
Différents facteurs peuvent entrer en lice pour expliquer cette perte d’efficacité. L’équipe parisienne avance toutefois une hypothèse : « Les cônes pourraient être moins bien alignés du fait de la perte des bâtonnets, ces cellules plus grosses qui les soutiennent ».

Les chercheurs testent actuellement cette hypothèse, en collaboration avec Michel Paques du Centre hospitalier national ophtalmologique des Quinze-Vingts. « Nous avons trouvé quelque chose d’intéressant. Il faudra toutefois trouver la cause de cette perte d’absorption avant de penser à des voies thérapeutiques » prévient Rémy Allard.
 
Les travaux ont été réalisés dans le cadre de la chaire de recherche SilverSight, dirigée par Angelo Arleo et soutenue par l’ANR, qui s’inscrit dans le partenariat académico-industriel Institut de la Vision (Inserm, CNRS, Sorbonne Université)/Essilor International.
 
*unité 968 Inserm/CNRS/UPMC, Institut de la vision, équipe Vieillissement visuel et action, Paris

Source

Publié le 08/04/2019 à 11:03 | Lu 4142 fois