4ème Journée de la Santé de la Femme : Médecine et chirurgie esthétique… Mythe et réalité

La Beauté est un axe devenu incontournable dans la plupart des spécialités médicales. C’est pourquoi cette année, l’Association Française des Femmes Médecins (AFFM) a décidé d’organiser la 4ème Journée de la Santé de la Femme sur le thème « Médecine et Chirurgie Esthétique : Mythe et Réalité ». La parole a été donnée à de nombreux intervenants pour aborder différents sujets en relation avec ces spécialités : chirurgie du nez, du visage, peelings, injections, cosmétiques, esthétique de la silhouette… L’image de la femme et son rapport à la Beauté au sens large seront également abordés pour dresser un état des lieux de notre société actuelle et des attentes de chacune et chacun face au temps qui passe.


Image de la Beauté aujourd’hui. Aspects psychologiques, par le Docteur Michèle Lachowsky, gynécologue et psychosomaticienne

Vieillir, vous avez dit vieillir ? Intolérable dans notre société du paraître. Donc cachez ces rides et autres avilissants stigmates de l’âge que je ne saurais voir, soyez minces et bronzés, et ce par tous les moyens et à tout prix. Sinon, vous risquez de perdre votre visa, pour les pays de l’amour comme pour ceux du travail.

Les femmes ont toujours été plus touchées par le regard de cette société dont le « jeunisme » est un des maîtres-mots. D’où leurs grands ennemis, le poids et « des ans l’irréparable outrage ». Et pourtant, la société n’a-t-elle pas toujours préféré les hommes de poids aux femmes légères ?

Mais de fait les hommes, aujourd’hui atteints par ces diktats, répondent de plus en plus à ces mêmes injonctions, ou plutôt au même impératif social. « Hommes et femmes sont à égalité devant les grandes peurs du siècle, » selon l’ethnologue Elisabeth Azoulay, citée par le Nouvel Observateur. « Poids et vieillissement les préoccupent tout autant. Nous vivons dans une société de l’apparence, de la rapidité et de la jeunesse qui favorise le bidouillage des images et par extension celui du corps ».

De l’institut de beauté à la clinique, en passant par la salle de sport et les injections, toutes et tous rêvent d’échapper à Chronos en effaçant le temps… et donc d’être aimés. Cela ne va-t-il pas de pair dans l’imagerie collective, de pair avec le « Tout, tout de suite » que clame et réclame notre époque ?

« Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable » écrivait déjà Romain Gary.

Que veut dire « Etre Belle » aujourd’hui ? par le Docteur Jean-Claude Hagège, spécialiste en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique

Alors que la Médecine et la Chirurgie Esthétique sont en plein essor, nous assistons quelquefois à des résultats qui nous effrayent et qui devraient freiner tout engouement vers ces spécialités ; situation en apparence paradoxale. Que se passe t-il ? Pourquoi ces résultats, ces visages figés et inexpressifs, ces seins… ces bouches… démesurés ? S’agit-il de faute chirurgicale ou bien les médecins et les chirurgiens esthétiques sont-ils complices d’une véritable dictature de la Beauté ?

Je pense qu’il n’y a ni faute chirurgicale ni complicité à une quelconque mascarade de la Beauté. Car en observant de plus près ces patientes opérées, on est surpris de constater que ces femmes sont satisfaites de ces résultats et leurs médecins sont souvent fiers de leurs prouesses chirurgicales. Force est de conclure que nous nous trouvons aujourd’hui devant deux concepts de la Beauté bien différents.

Dans le premier concept, hérité probablement de la fin du 20ème siècle, la Beauté a une image mythique, définie par des constantes purement physiques, et de plus, par un physique conforme à certaines normes (grandes stars…). Ces mensurations qui déterminaient la Beauté sont aujourd’hui poussées dans leur extrême. Peut être, croit-on y voir attirance ou sensualité ?

Le deuxième concept, plus récent, définit la Beauté autrement. La Beauté est singulière, propre à chaque visage. Elle est dans l’affirmation d’une personnalité. Le recours à la Médecine et à la Chirurgie Esthétique ne se conçoit que pour « retirer ce qui gêne », dans le maintien des expressions d’un visage.

Effectivement en ce début du 21ème siècle, nous vivons une mutation profonde de la Beauté; nous voyons apparaître une nouvelle demande de Beauté dans le cabinet de consultations. Ces femmes ne sont ni dépressives, ni en perte de repaires. Elles ne cherchent aucunement à dissimuler un complexe. Elles ont une activité professionnelle, souvent à haute responsabilité, on les retrouve même dans les milieux politiques. A l’opposé de la première demande mythique de la Beauté, ces femmes ne recherchent pas une Beauté conforme à certaines normes ou à un visage connu. Elles ne cherchent pas non plus à avoir 20 ou 30 ans de moins. Il est temps d’arrêter d’enfermer ces femmes dans certains jugements stéréotypés.

Ces femmes qui constituent une demande croissante, veulent retirer dans leur visage « un air fatigué » dû à un relâchement de l’ovale ou du cou, ou encore un air « de n’avoir-pas-bien dormi », dû à des paupières lourdes ; ces visages, qu’elles observent surtout le matin dans leur miroir, ne leur correspond plus.

Cette demande est ce que j’ai appelé, la demande de S.M.I.G-Beauté, c’est à dire le Seuil Minimum Individuel Garanti de Beauté, la plus belle apparence à laquelle toute personne peut prétendre en gardant ses propres expressions. Il est essentiel de voir dans cette demande qu’il n’existe aucune dictature de Beauté mais simplement un désir de restitution d’un physique conforme « à son intérieur », à ce que l’on est intérieurement. Il est essentiel de savoir qu’aujourd’hui nous pouvons répondre techniquement à cette demande. C’est-à-dire utiliser une technique adaptée à chaque visage et ceci dépend entièrement du chirurgien.

Dans la réalité de cette demande il existe un message sous-jacent. La vraie Beauté, celle qui séduit, aujourd’hui provient d’un autre ordre, elle est d’une autre dimension. Elle s’exprime par un visage qui bouge, dans ses sourires, ses regards, dans l’affirmation d’une personnalité authentique et libérée.

L’avenir de la Beauté physique ne peut que buter sur sa propre perfection; images recomposées, photos retouchées nous en montrent la limite. La limite est la réalisation de clones parfaits. Je pense que cette nouvelle image de la Beauté, expressive et émotionnelle, nécessitera un changement de discours de la Société, et surtout des hommes par rapport à l’image de la Beauté. Mais elle nécessite aussi de la part des Médecins et des Chirurgiens Esthétiques une certaine humilité par rapport à ce pouvoir considérable et quelquefois dangereux dont ils sont investis par leur profession. Humilité veut dire répondre à une demande et rien de plus, et oublier ses propres définitions morphologiques de la Beauté.

Certes, il existera encore et pendant quelques années une demande de Beauté d’ordre purement physique et même dans ses excès. Doit-on y répondre ? C’est un problème propre à chaque praticien.

La nouvelle Beauté est un travail de chacun. Nous devons tous ensemble essayer de redonner une dimension humaine à la Beauté.

Publié le 14/12/2011 à 09:00 | Lu 4165 fois