La trahison de Thomas Spencer de Philippe Besson : la fiancée du Pilate

Le thème de l’amitié virile et indéfectible qui se fracasse sur l’amour pour une femme n’est pas des plus originaux. En revanche, ce qui est remarquable dans le roman de Philippe Besson c’est la force extraordinaire avec lequel il est traité.





La trahison de Thomas Spencer
L’amitié y est décrite, explorée, décryptée avec une précision qui s’allie avec le tact. Fervente, trouble, angoissée, confiante, fusionnelle est la vie de ces deux adolescents, Paul et Thomas, qui sont nés le même jour, le 6 mai 1945, qui est aussi la date de la première bombe atomique larguée sur Hiroshima.

Inséparables, ils s’initient mutuellement, depuis l’âge de cinq ans, à la vie, aux jeux, aux sports, à la découverte de leurs corps, de leur sexualité, aux sentiments, à leur pays (les Etats Unis), à la guerre.

Thomas nous livre ses confidences dans une sorte de journal de l’amitié. Il le fait avec l’élégance de celui qui souffre, qui cherche à alléger ses interrogations ; sans concession mais aussi sans ostentation, avec humilité.

Ce qu’il décrit est proche de la « cristallisation » stendhalienne par laquelle le sentiment s’oriente vers un être dans une idéalisation inépuisable qui se confond avec la vie même.

Lorsque les deux garçons découvrent leurs nudités : « En un éclair, (Paul) mesure ma stupéfaction, mon émotion et mon désarroi. Mon bouleversement. Aussitôt, son sourire s’estompe pour laisser place à une expression très douce, presque compatissante, qui n’est pas de la pitié mais bien le signe d’une affection intense. D’un amour peut-être » dit Thomas, avant d’ajouter plus loin : « j’ai employé tout à l’heure l’expression « de l’amour peut-être », il faut enlever le peut-être ».

Pour intense qu’elle soit, leur relation n’est pas uniquement idyllique. Thomas en relève quelques fissures comme sur les questions politiques : Thomas est démocrate et antiraciste, Paul est républicain et raciste. C’est l’autre versant du récit de Thomas. Il tient la chronique de l’Amérique de Roosevelt jusqu’à Nixon, c'est-à-dire que l’on suit aussi, l’évolution des convulsions sous-jacentes du modèle américain. Faut-il y voir là une allégorie de son sentiment ?

Il est difficile de dire si « La trahison de Thomas Spencer » est le meilleur roman de Philippe Besson -ils sont tous excellents. Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’en le lisant, on traverse un moment pur…

La trahison de Thomas Spencer
Philippe Besson
Editions Julliard
265 pages
19 euros

Article publié le 04/05/2009 à 09:29 | Lu 4504 fois