La crise actuelle est aussi une crise morale, chronique de Serge Guérin

Vivons-nous une crise classique dont le capitalisme a le secret ou sommes-nous à un tournant de l’histoire qui marque le basculement entre deux types d’économie-monde (de l’Europe vers l’Asie et les pays émergents) ?





Sans doute il y a-t-il un peu des deux. On y reviendra. Cette crise est certainement, une crise traditionnelle de régulation.

Le capitalisme a toujours fonctionné par un système de cycle, avec des phases de croissance forte qui entraînent une surchauffe et des comportements de moins en moins rationnels (ou du moins une rationalité qui est à l’avantage de moins en moins de monde).

Cette surchauffe arrive à produire une explosion et une perte totale de confiance.

Dans le cas présent, le système financier a fini par prendre totalement le pas sur le réel entraînant un découplage profond entre l’économie du risque et de la recherche des attentes du marché qui fonde le capitalisme (et lui donne sa légitimité et son efficacité) et une économie de l’endettement et de la spéculation où les détenteurs du capital (qui ne produisent rien) détournaient la richesse à leur seul profit à travers des politiques de court terme marquées par la religion de la rentabilité à outrance.

Mais la crise actuelle est aussi une crise morale, où ceux qui payent les pots cassés ne sont en rien responsables de la situation, alors que les initiateurs de la chute du système continuent à refuser toute remise en cause.

L’épisode des bonus, qui scandalise Barack Obama et qui a conduit Sarkozy à taper du point sur la table, montre le cynisme et l’aveuglement de petites castes, qui tels les généraux de 1914, envoyaient du haut de leur incompétence et de leur morgue, leurs hommes au feu et à une mort rendue certaine par leur incompétence et leur mépris.

Ce sont les mêmes qui n’avaient pas de mots assez dures contre le système de protection sociale à la française, qui ne rêvaient que de faire disparaître le modèle de retraite par répartition… De ce point de vue, il est assez heureux que la crise soit arrivée fin 2008 et non en 2011, car sait-on ce qu’ils auraient pu encore détruire ?

Sans doute faut-il faire évoluer le modèle français et par exemple, comme je l’ai déjà défendu, passer d’une protection du statut à la protection de la personne, mais cela ne pourra se faire que dans un principe d’équité et de responsabilité.

Vaste programme.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon
La crise actuelle est aussi une crise morale, chronique de Serge Guérin

Article publié le 02/02/2009 à 09:56 | Lu 4473 fois