Financement des retraites : et si on passait par un référendum ? chronique de Serge Guérin

Depuis combien de temps parle-t-on d’augmenter le taux d’emploi des seniors ? En dépit des réformes Balladur et Fillon et des multiples plans mis en œuvre en particulier sous l’autorité de Gérard Larcher, à peine 38 % des plus de 55 ans sont en activité alors que l’objectif est d’atteindre au moins 50 %. L’échec est là. La menace pèse sur les seniors comme sur les juniors.


Les salariés veulent en majorité partir tôt à la retraite car le stress au travail est lourd et l’inquiétude pour l’avenir est forte.

Les entreprises, de leur côté, pensent toujours l’emploi des seniors comme une simple variable d’ajustement en fonction de la conjoncture. Aucune vision, aucun projet ! Elles n’embauchent des seniors qu’en dernière extrémité, contraintes et forcées. Sans parler de ces plans sociaux qui financent à prix d’or le départ de quinquas expérimentés.

Chaque année, plusieurs centaines de millions d’euros servent à financer le recul au détriment de la construction de l’avenir, de la croissance et de l’emploi de tous. Quel gâchis ! Et si les entreprises utilisaient ces sommes pour développer de nouveaux services ou pour défricher de nouveaux marchés avec les salariés en question ? On se prend à rêver aux activités créées permettant l’amélioration de la vie de tous et l’augmentation des emplois des juniors comme des seniors.

Il y a peu de sociétés qui comme la CNAV, Areva, Groupe CMI ou Grand Optical sont à l’offensive sur le sujet. Les entreprises du BTP ou de la restauration, faisant face à de lourds problèmes de recrutement, se tournent aussi vers les seniors. Mais la plupart du temps, c’est morne plaine.

Ne rien faire est la pire des choses et ouvre droit sur une opposition « perdant-perdant » n’offrant qu’un choix dramatique : augmenter les cotisations de ceux qui travaillent ou réduire les revenus de ceux qui ont travaillé. Dans le premier cas on décourage et l’on prend le risque de la révolte, dans le second ont paupérise et on casse la dynamique de la consommation et on prend aussi le risque de la révolte.

Les efforts ne peuvent être demandés que si chacun a l’impression que la communauté dans son ensemble est engagée. Il faut un électrochoc fondé sur un vaste débat public et un compromis social offensif. Dans le respect de l’équité.

Pour marquer la rupture et modifier structurellement les habitudes, le passage par le référendum ne serait-il pas nécessaire ? Après tout, il est assez logique de proposer aux Français de déterminer directement le mode de financement de la retraite car celui-ci conditionne pour une bonne part le futur de notre « vivre ensemble ».

Le principal intérêt d’un referendum tient au débat public sur les enjeux de l’accès à la retraite qu’il permettrait d’initier. Il proposerait de façon claire de porter à 65 ans l’âge légal de la retraite (c’est-à-dire dans la fourchette basse de la moyenne européenne), en « échange » de l’affirmation du libre choix de pouvoir partir avant –avec une retraite réduite en proportion-, de la prise en compte des différences de pénibilité et d’espérance de vie, d’un droit effectif à la formation et à la mobilité professionnelle à tout âge et de l’augmentation de la CSG, en particulier sur les revenus du capital par soucis d’équité.

Le referendum offre l’occasion de discuter et de poser sur la place publique des enjeux qui dépassent le financement de la retraite et qui concernent le rapport au travail, le sens de la croissance et l’essence d’une politique démographique et familiale qui prenne en compte la diversité des modes de vie.

Dans une société de faible consensus et où les syndicats sont très faibles, le referendum autorise l’ensemble de la population à se prononcer. Car la question des retraites concerne la société dans sa totalité : ceux qui ont travaillé, ceux qui travaillent et ceux qui travailleront.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon
Serge Guérin

Publié le 22/09/2008 à 10:29 | Lu 5477 fois