Fin de partie : fin de vie enfin ! (film)

Le dernier film de Sharon Maymon et Tal Granit, Fin de partie, sortira en salles le 3 juin prochain. L’histoire ? De nos jours à Jérusalem, cinq résidents en maison de retraite ne veulent plus voir souffrir leur ami malade ; ils décident alors de fabriquer une « machine pour mourir en paix » ! Entretien avec les réalisateurs.


Pourquoi avoir abordé le thème de la fin de vie ? Cette histoire est-elle inspirée de votre histoire personnelle ?

L’élément déclencheur a été la mort d’Helga, la grand-mère d’un ex-petit-ami de Sharon. Elle souffrait d’un cancer et était sous antidouleurs les derniers mois de sa vie. Le jour de sa mort, à l’âge de 90 ans, voici ce qu’elle a dit : « Je n’aurais jamais pensé souffrir à ce point avant de mourir ». Sharon était aux côtés des proches d’Helga le jour de sa mort. Pour eux tous, la mort la délivrait de cette souffrance. Mais des ambulanciers ont été appelés avec pour mission de la sauver. Ils ont tout tenté pendant presque une demi-heure. C’est ce moment absurde et douloureux qui nous a donné envie de faire ce film.
 
Mais Fin de partie parle aussi de rupture. Rupture avec ceux qu’on aime et rupture avec soi-même -quand la raison décline. De notre choix à décider comment notre vie se termine. Nos héros sont des personnes âgées, vivant dans une maison de retraite à Jérusalem, des personnes qui ont cessé toute activité. Ce ne sont pas les héros qu’on a l’habitude de voir dans les films.
 
C’est lors de cette phase d’inactivité qu’ils décident de reprendre en main le contrôle de leur destin. Et comme dans toute tragédie où des héros influent sur le cours de leur destin et sur celui de ceux qui les entourent, le prix à payer est lourd. Par ailleurs, ce long-métrage est aussi un film sur l’amour et l’amitié. Nos cinq personnages se réconfortent, se donnent de la force et de l’espoir dans les bons et les mauvais moments. 

Pourquoi avez-vous choisi de le traiter avec humour ?

L’autodérision et l’humour restent nos meilleures armes pour faire face à la mort. Dans nos films, nous faisons en sorte d’aborder des problèmes sociaux contemporains, qui sont souvent sujets à controverse. Ici, notre but était de casser la tension dramatique par l’absurde et la comédie.
 
Cela est aussi passé par le casting où l’on retrouve des icônes de la comédie israélienne dans des rôles dramatiques.

Selon nous, cela rend ce sujet délicat plus accessible pour le public, et avec un peu de chance, de pouvoir les faire à la fois rire et pleurer.
 
Comment avez-vous choisi vos acteurs ?

Il était essentiel que les acteurs viennent de la comédie, cela permet d’apporter le rythme de la comédie même dans les situations les plus dramatiques. Les deux rôles principaux ont été écrits spécialement pour Ze’ev Revach et Levana Finkelshtein, avec qui nous avions déjà travaillé. Ze’ev Revach est le comédien le plus connu en Israël depuis les années 70.

Comment définiriez-vous vos personnages ?

Yehezkel est un héros tragique. C’est comme s’il s’attribuait le rôle de Dieu quand il décide d’aider d’autres pensionnaires à mourir dans la dignité. Mais comme dans toute tragédie, prendre la place de Dieu peut avoir des conséquences qu’il ne mesure pas forcément.
 
Les deux personnages homosexuels, Dr Daniel et Rafi Segal, représentent quant à eux la liberté de pouvoir choisir sa vie et pas seulement le moment de sa mort. Tous nos personnages sont des seniors qui, avec l’âge, se sentent plus libres de franchir les limites et de se battre pour ce qui leur semble juste.
 
Le film est sorti en Israël ? Comment a-t-il été accueilli ? Notamment par les religieux ?

Le film a été vu par 130 000 personnes en Israël, ce qui est un très bon chiffre. Nous avons également eu un très bon accueil critique. Nous sommes convaincus que le film a permis de poser des questions et d’éveiller les consciences sur le droit à mourir dans la dignité. Bien qu’Israël soit un Etat religieux, la plupart de ses habitants sont laïcs.
 
Nous avons été invités à présenter le film à des responsables de maisons de retraites et des médecins. Récemment, nous avons participé à un débat sur la fin de vie organisé par le Ministère de la Santé. La seule inquiétude de la part du public concernait les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer et sur leur capacité et leur droit à demander l’euthanasie.

​La fin de vie en Europe et en Israël

Pays qui autorisent l’euthanasie :
Les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg
 
Pays où l'euthanasie est interdite, mais où "une forme d'aide" à la mort est possible :
La France, le Danemark, l’Italie, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, la Norvège, la Hongrie et la République Tchèque, la Slovaquie
 
Pays où l'euthanasie est strictement interdite :
La Grèce, la Roumanie, la Bosnie, La Croatie, La Pologne, l’Irlande
 
La situation en Israël
En juin 2014, le Comité ministériel sur la législation israélienne avait approuvé un projet de loi en première lecture, autorisant le suicide assisté pour les patients en phase terminale. Ce projet est cependant toujours en attente d'être voté au parlement israélien. Selon les termes du projet de loi, les patients diagnostiqués avec une maladie incurable qui n'auraient plus que six mois maximum à vivre, pourraient mettre fin à leur vie avec une assistance médicale.

Publié le 04/05/2015 à 03:33 | Lu 2303 fois