Retraite

Suspension de la réforme des retraites : vote sans surprise


L’Assemblée nationale a voté l’amendement proposant la suspension du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite (article 45 bis), mercredi 12 novembre 2025. Un virage attendu par le gouvernement Lecornu II, qui tente toujours de désamorcer la crise politique majeure en cours. Ce report, qui décale la réforme jusqu’au 1er janvier 2028, permet au pouvoir d’acheter du temps mais il laisse les défis structurels du système de retraites en suspens ; au risque d'aggraver une situation budgétaire déjà fragile, ce qui inquiète de nombreux français au moins autant que nos partenaires.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 12/11/2025

Un report voulu et maîtrisé

L’annonce du 14 octobre 2025 par le Premier ministre était claire : le relèvement de l’âge légal à 64 ans, prévu dans la réforme de 2023, serait suspendu jusqu’à janvier 2028.

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, l’article concerné (45 bis) prévoit de geler la mise en œuvre des mesures sur l’âge et les trimestres de cotisation.

L’enjeu politique était évident : satisfaire les exigences du Parti socialiste sans déclencher de motion de censure, tout en préservant l’équilibre budgétaire et l’agenda gouvernemental.

Le résultat du vote :

POUR CONTRE ABSTENTION
255 146 104

Quelles générations sont concernées ?

Pour les assurés nés en 1964, l’âge légal reste fixé à 62 ans et 9 mois (au lieu de 63 ans prévu initialement).  Le nombre de trimestres à valider passerait de 171 à 170.

Pour les générations suivantes, la suspension modifie légèrement le calendrier de départ :
 
  • les personnes nées en 1965 pourront prendre leur retraite à 63 ans (au lieu de 63 ans et 3 mois prévus), avec 171 trimestres de cotisation.
  • Celles nées entre 1966 et 1968 verront l’âge légal augmenter progressivement : 63 ans et 3 mois pour la génération 1966, 63 ans et 6 mois pour 1967, puis 63 ans et 9 mois pour 1968, avec 172 trimestres requis pour obtenir une pension à taux plein.
  • Au-delà de 1969, l’âge plein de 64 ans pourrait s’appliquer si la suspension s’arrête à la date prévue. Ce découpage crée un calendrier décalé mais clair pour les générations les plus proches.

Impact concret attendu pour les retraités et futurs retraités

Pour les personnes proches de la retraite, ce gel constitue un répit. Il retarde l’application des mesures les plus pénalisantes et offre un horizon plus rassurant. Mais il ne les annule pas : la réforme reste inscrite dans la trajectoire à plus long terme.

En termes financiers, si la suspension allège à court terme la charge pour les assurés, elle ne traite pas le déséquilibre structurel du régime des retraites. Le délai créé laisse intacte la nécessité d’un ajustement des ressources et/ou des dépenses.

Pour les retraités actuels ou ceux à très court terme de départ, peu de changement immédiat. Pour les pré-retraités, l’incertitude persiste : il faudra suivre les textes à venir pour savoir quelle version de la réforme s’appliquera à leur génération.

Ce que cette suspension ne fait pas

Trois limites importantes :
 
  1. Ce n’est pas une abrogation de la réforme : seule sa mise en œuvre est suspendue jusqu'à la prochaine Présidentielle, ce qui laisse la question entière de l’équilibre du système en suspens.
  2. Le report jusqu’en 2028 crée une zone grise pour les générations intermédiaires, incertaines quant aux règles qui s’appliqueront.
  3. Le calendrier de l’application, et donc la traçabilité des effets pour les régimes concernés, demeure dépendant de la situation politique et budgétaire des prochaines années.

La suspension de la réforme des retraites est arrivée sans surprise, mais son importance ne doit pas être sous-estimée : elle rétablit un tempo politique et offre un répit aux générations concernées. Pour autant, elle ne clôt pas le débat sur le financement et l’équité du système de retraite.

Le chemin vers une réforme véritablement consensuelle demeure donc plus que jamais à tracer, dans un contexte politique ou chaque parti tente de sauver les meubles pour éviter une dissolution dont beaucoup de députés et formations ne se remettraient pas.

Un constat qui n'a évidemment pas échappé au Premier ministre Lecornu, comme chacun l'a compris ; pas plus qu'aux observateurs/électeurs que nous sommes...