Les soixante-huitards sont-ils une génération généreuse ?

Quarante ans après 68, la Fondation de France –née une année plus tard- s’interroge sur la génération 68 plutôt idéaliste à l’époque et ses relations avec la générosité. Quarante ans plus tard, quelles sont les causes qui mobilisent aujourd’hui ces Français de 55/65 ans ? Quelles sont celles qu’ils estiment prioritaires pour l’avenir ? Quels types d’actions privilégient-t-ils ? En un mot, cette génération, qui est désormais celle des papy-boomers, a-t-elle tenu ses promesses, ses engagements ? Une enquête* de la TNS Sofres pour le compte de la Fondation de France. Détails.


« Soyez réaliste, demandez l’impossible ! » scandait-on sur les barricades en mai 68. Un an plus tard, lorsqu’est née la Fondation de France, ces slogans résonnaient encore aux oreilles... Fondateurs, salariés et bénévoles bâtissaient alors les fondements de ce qui allait devenir la première des fondations dédiée à la générosité publique.

Comme le souligne Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France, « quarante ans plus tard, la Fondation a tenu ses promesses : elle abrite aujourd’hui 610 fondations et propose aux donateurs une diversité de programmes éprouvés dans tous les domaines de l’intérêt général. Qu’en est-il de cette génération pour laquelle la défense des droits de l’homme était une priorité et « Peace and Love » bientôt un mot d’ordre ? »

Et d’ajouter « quelles sont les causes qui les mobilisent aujourd’hui, quelles sont celles qu’ils estiment prioritaires pour l’avenir, quels types d’actions privilégient-t-ils ? En un mot, cette génération, qui est désormais celle des papy-boomers, a-t-elle tenu ses promesses, ses engagements ? »

« Pour nous, la grande leçon de cette étude réside en un constat qui nous réjouit : le développement de l’offre de la Fondation de France au cours de ces quarante années apparaît dans sa diversité, comme une réponse juste et appropriée aux préoccupations généreuses de cette génération » affirme encore M. Charhon.

Une génération généreuse ?
Marquée par un fait de société mondial dont elle a été pour partie actrice, la génération 68 a, par la suite, donné naissance à la « générosité de masse » : premières médiatisations de causes internationales, installation de nouvelles formes de dons.

Aujourd’hui, la génération 68 est âgée de 55 à 65 ans. A cet âge, où la situation familiale et financière est la plus propice au don, elle occupe une place clé pour la générosité en France. En même temps, elle traîne une réputation d’égoïsme qui lui colle à la peau, réminiscence des « golden boys » et des « executive women » des années 80. « Désirer la réalité, c’est bien ! Réaliser ses désirs c’est mieux. » Pourtant, cette génération se vit comme généreuse … Et elle l’est !

Une majorité (58%) des 55-65 ans sont des donateurs, soit un taux de dix points plus élevé que l’ensemble de la population française de 18 ans et plus** : ils sont plus généreux que les générations qui suivent et moins que celles qui les précèdent, confirmant ainsi la règle qui veut que la générosité augmente avec l’âge… Et avec le statut social et financier : 72,6% des CSP+ de cette génération sont donateurs, contre 58% dans la population toutes générations confondues.

Petit bémol à ce constat, si elle donne plus, cette génération donne à un rythme moins fréquent que l’ensemble de la population. Selon Francis Charhon, « cette génération est stratégique pour le don. Elle a su rejoindre le train général de la générosité en faisant valoir ses particularités, tout comme la Fondation de France a su s’ériger sur les fondements mêmes de cette génération. » .../...

Hier et aujourd’hui, les causes qui les mobilisent
Cette génération, tant éprise de libertés individuelles, a été marquée par son engagement politique et social. Au nom de ce combat, elle contestait alors le don privé, dénoncé comme une stratégie des catégories dominantes pour contenir la lutte des classes. Quarante ans plus tard, elle n’a pas trahi l’idéal de ses vingt ans, mais elle oublié sa critique sociale du don et a rejoint une analyse contemporaine de la société : les soixante-huitards n’ont pas traversé impunément l’ère du chômage de masse, de la précarité et des dislocations familiales.

« Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend » : aussi loin que remontent leurs souvenirs, les droits de l’homme, et plus largement le « social », sont les causes qui les sensibilisaient le plus en 1968. Aujourd’hui, la défense des droits de l’individu et l’aide internationale restent des domaines qui préoccupent surtout les catégories socio-professionnelles les plus aisées, comme si le « message de Mai 68 » ne pouvait être bien soutenu que par ceux qui en ont les moyens. Ces derniers portent aussi un intérêt marqué à la recherche scientifique et à l’environnement.

Mais d’autres causes ont pris le pas : 71% des papy-boomers sont sensibles aux causes sociales. L’aide aux personnes âgées, handicapées ou aux personnes atteintes de longues maladies témoigne de leur inquiétude pour leur avenir tandis que la protection de la nature, totalement absente de la sensibilité de leurs vingt ans, gagne du terrain et est citée par 40% d’entre eux.

Que reste-t-il de nos vingt ans ?
Le baby-boomer, éduqué avec une rigueur toute traditionnelle, a fêté ses vingt ans en jetant aux orties les institutions et leur cortège de morale, de charité, de compassion… Je participe. Tu participes. Il participe. Nous participons. Vous participez. Ils profitent.

Aujourd’hui en matière de générosité, cet esprit demeure mais se teinte de motivations contemporaines. La génération 68 fonde sa générosité sur ce qu’elle voit, plutôt que sur ce qu’elle ressent, sur un idéal de justice sociale plus que sur un ressenti émotionnel :
- Les choix personnels (36% aident sans intermédiaire, achètent un produit-partage…) luttent au corps à corps avec les choix plus traditionnels concrétisés par des organismes caritatifs reconnus (42%).
- La sensibilité à une cause est majoritairement (43%) dictée par le constat de la détresse, loin devant l’injonction morale (21%).
- La motivation à donner relève bien davantage de la justice sociale que de la compassion.

Et demain ?
Du concret, du participatif et des solutions à long terme ! Voilà vers quoi tendent les 55-65 ans dans leurs projets généreux. Ils sont 87% à refuser l’assistanat et à exiger que les personnes aidées s’investissent en participant activement à l’élaboration du projet. Ce qui les motive ? Avant tout les projets de petites dimensions, adaptés aux besoins de certaines populations (52%) et l’engagement dans une action pérenne dont les effets leur survivront (67%).

Les soixante-huitards sont-ils une génération généreuse ?

*L’étude a été réalisée par TNS Sofres du 22 au 26 février 2006 en interviews réalisées en face à face auprès de 336 personnes représentatives de la population française âgée de 55 à 65 ans, soit 51% de femme et à 49% d’hommes, 17% avec un niveau de revenu de moins de 1200 euros, 29% dont les revenus sont compris entre 1200 euros et 2300 euros et 29% dont les revenus sont supérieurs à 2.300 euros.
** Baromètre de la générosité de la Fondation de France - 2007

La Fondation de France, acteur majeur de la philanthropie

Créée en 1969, la Fondation de France est le trait d’union entre les donateurs et fondateurs et les personnes en difficulté. Les dons reçus lui permettent d’agir pour que ces personnes vivent mieux, grâce à des solutions concrètes les mieux adaptées.

A travers ses programmes, la Fondation de France met la personne au centre de ses actions en favorisant sa dignité, son autonomie, sa responsabilité et en lui donnant les moyens d’être acteur de sa vie. Indépendante et privée, la Fondation de France ne reçoit aucune subvention publique et ne peut distribuer ses prix, bourses et subventions que grâce à la générosité de ses donateurs.

Depuis 39 ans, cet organisme a soutenu 57 000 associations ; financé 100.000 projets ; hébergé 800 fondations sous son égide. En 2007, elle a redistribué 67 millions d’euros ; attribué 6.600 subventions, prix et bourses ; géré 910 millions d’actifs ; accompagné la création de 57 fondations d’entreprises placées sous son égide.

Aujourd’hui la Fondation de France abrite 40 % des fondations créées en France, ce qui en fait un acteur majeur de la philanthropie dans l’Hexagone.

Publié le 29/04/2008 à 10:25 | Lu 12087 fois