Handicap : les candidats à l’élection présidentielle répondent aux questions de l’ADMR (partie 4)

À l’occasion de l’élection présidentielle, et alors que les Français réaffirment enquête après enquête, leur attachement au maintien à domicile, l’ADMR*, premier réseau associatif français de services à la personne, a interrogé les candidats à l’élection présidentielle 2012 sur les grandes questions que se posent ce réseau et qui concernent l'ensemble du secteur de l'aide à domicile.


Handicap

Question de l’ADMR : si la loi « Handicap » du 11 février 2005 a réaffirmé le principe d’accessibilité pour tous, quel que soit le handicap, et instauré le droit à compensation, les politiques du handicap en France n’ont pas permis, depuis, de concrétiser les espoirs que ce texte avait fait naître.

La prestation de compensation du handicap (PCH) est une réelle avancée mais demeure trop restrictive dans ses conditions d’accès et présente des plafonds trop bas pour permettre de sécuriser les personnes en situation de handicap.

Une insuffisance qui constitue également un obstacle à la création d’emplois que pourrait générer le développement de l’aide à domicile pour les personnes en situation de handicap.

Quelles décisions et quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour renforcer la politique en faveur des personnes en situation de handicap ?


Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)

Douze millions de personnes souffrent d’un handicap. […] Au lieu d’accroître les aides, l’État diminue de plus en plus les fonds publics. […]

Des ressources scandaleuses : 1,3 million de handicapés “vivent”, si on peut dire, avec le minimum invalidité ou une allocation adulte handicapé (AAH). Huit cent mille touchent cette AAH qui se monte à 743,62 euros.

Les associations de handicapés demandent un « revenu minimum d’existence » d’un montant égal à un SMIC brut. Je soutiens leur demande. […]

Appliquer la loi de 1987 ! La situation de neuf cent mille handicapés capables de travailler est difficile. Ils sont près de un sur cinq au chômage (19,3% en juin 2011), soit le double de la moyenne nationale officielle. […]

Il existe bien depuis 1987 une loi censée contraindre les patrons d’entreprise d’embaucher au moins 6% de salariés handicapés dans les entreprises de plus de vingt salariés. Mais cette obligation n’est respectée ni dans le secteur public, qui n’emploie que 4% de handicapés, ni dans le privé, où le taux n’atteint que 2,4%. […]

Il faut mettre un coup d’arrêt au désengagement financier de l’État. Il s’est peu à peu désengagé du financement de l’APA, au nom de la décentralisation, et sa participation est passée de 43% en 2002 à 28,5% en 2010. Ce sont les Départements qui ont dû prendre la relève sans obtenir la compensation financière équivalente.

La loi de 2005 fait obligation aux écoles d’inscrire les enfants handicapés. Si leur nombre a augmenté de 60 % depuis 2004, douze mille d’entre eux n’ont toujours pas trouvé de solution. En effet, faute de moyens de transport, de bâtiments accessibles et du manque d’auxiliaires de vie scolaire (AVS), ils ne peuvent pas être accueillis. […]

Depuis 2011, le gouvernement ne finance plus que 390 000 contrats aidés –340 000 dans le secteur associatif et public et 50 000 dans le secteur privé – contre 520 000 auparavant. En 2012, il n’y en aura plus que 270 000 dans le public et, en 2013, 200 000 seulement.

L’urgence est donc d’embaucher du personnel à l’Éducation nationale, en particulier des auxiliaires de vie scolaire. La mise en conformité des bâtiments publics devrait être effective d’ici à 2015. Mais le bilan d’étape en 2010 a montré que seulement 15% étaient aux normes. Encore une fois, les moyens d’application de cette loi ne sont pas donnés, ce qui la rend en bonne partie inefficiente. Il faut donc un budget nécessaire à sa réalisation pour tout le secteur public.

François Bayrou (MoDem)

Une politique du handicap est nécessairement transversale. On sait dans quelle direction il faut aller, concilier le besoin de soins, la compensation du handicap, des ressources dignes, le logement, l’accessibilité des équipements publics et des lieux de vie, l’accompagnement adapté et les activités, sans parler évidemment de la protection juridique. Le soutien à l’accompagnement humain est pour moi essentiel. Il permet de faire plus sans cependant dépenser des sommes inaccessibles.

Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)

La mise en œuvre concrète des principes posés par la loi du 11 février 2005 suppose encore un grand nombre d’améliorations, non seulement sur le plan de la PCH, mais aussi dans tous les domaines de la vie civile ordinaire : retard dans la mise en accessibilité des bâtiments et transports publics, insuffisance des contraintes imposées aux employeurs publics et privés pour l’emploi des personnes handicapées, nombre dérisoire de places en classes d’adaptation pour les enfants et d’auxiliaires de vie scolaire, et, enfin, grande misère de notre pays en matière de structures d’accueil pour les enfants présentant des troubles du comportement.

L’année 2012 a été déclarée année de l’autisme, acceptons-en l’augure, mais, malgré la création de 4100 places dans les établissements spécialisés, un grand nombre de familles sont obligées d’exiler leurs enfants dans des pays voisins.

Enfin, la création des MDPH à la suite de la loi de 2005 et leur gestion par les Départements n’est manifestement pas un succès : lenteur de l’instruction des dossiers et de l’attribution des titres de transport et de déplacement, complexité dans le renouvellement des cartes…

Je considère, pour ma part, qu’une société s’honore de développer des actions prioritaires en faveur des catégories de la population les plus fragiles : les handicapés et les personnes âgées. Même en période d’austérité, ce sont deux domaines de l’action publique qui ne doivent jamais être sacrifiés sur l’autel des économies budgétaires.

François Hollande (Parti Socialiste)

La prestation de compensation du handicap (PCH) a représenté une avancée pour les personnes en situation de handicap. Mais elle doit mieux prendre en compte les difficultés que font remonter les acteurs de terrain, notamment les associations. Il faut travailler ensemble.

Pour que l’égalité de traitement soit assurée, il faut d’abord que nous connaissions mieux les pratiques d’attribution dans chaque département. C’est le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui doit renforcer son action de coordination.

Au-delà de la PCH, je souhaite qu’une politique plus forte se mette en place en direction des personnes en situation de handicap. L’accès à la formation et à l’emploi sera pour moi une priorité, dès l’école. L’accessibilité des lieux publics est un enjeu majeur : la loi de 2005 a marqué une avancée, mais nous sommes loin du compte encore.

Eva Joly (Ecologie, Les Verts)

Notre société doit garantir aux personnes en situation de handicap les conditions de l’exercice plein et entier de la citoyenneté, par l’application de la loi “Handicap” de 2005, par l’application de la Convention internationale des droits des personnes handicapées et par une série de mesures que je souhaite mettre en œuvre, parmi lesquelles :
- donner les moyens aux personnes en situation de handicap de s’intégrer dans la société par l’augmentation de 50% des minima sociaux durant le quinquennat.
- garantir un plein accès des élèves handicapés à l’école, en augmentant significativement le nombre d’AVS, en les intégrant à l’Éducation nationale et en leur garantissant une professionnalisation. Augmenter la capacité d’accueil et le maillage des territoires par de petites structures spécialisées pour les enfants ne pouvant être accueillis en milieu scolaire ordinaire ;
- améliorer l’insertion professionnelle par le renforcement des moyens de l’AGEFIPH et du FIPHFP, l’octroi du droit à un revenu minimum, un nouveau statut des travailleurs des ESAT et un soutien des collectivités aux structures accueillant des travailleurs handicapés ;
- assurer une réelle compensation du handicap en améliorant le fonctionnement des MDPH, en soutenant les services d’aide à domicile et la formation du personnel. Un service public à l’attention des sourds et malentendants doit être créé, et le matériel médical et paramédical pris en charge ;
- permettre un égal accès aux soins en augmentant le seuil d’accès à la CMU complémentaire (en revenant sur les franchises médicales) et en rattrapant le retard d’adaptation des structures hospitalières et médicales.

Marine Le Pen (Front National)

La loi du 11 février 2005, ses décrets d’application et les avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées fournissent les cadres nécessaires au développement d’une politique du handicap qui permette à tous de vivre dignement. Or, le CNCPH lui-même a pointé des difficultés et des retards dus pour l’essentiel à une trop grande frilosité des pouvoirs publics à cause du fait que la France est enfermée dans des contraintes économiques et financières imposées par l’Union européenne. C’est parce que je prétends redonner du souffle à l’économie française que je pourrai ensuite satisfaire les besoins légitimes exprimés par les handicapés, à travers leurs associations représentatives.

En tout premier lieu, il convient de revaloriser l’AAH car de nombreux handicapés vivent sous le seuil de pauvreté. Dans mon projet présidentiel, je consacre 11 milliards d’euros supplémentaires dont une grande partie sera consacrée à la revalorisation de l’AAH (+ 33 % sur cinq ans) ; la sévérité des barèmes d’attribution de la PCH aussi bien pour l’aide humaine que pour les aides techniques ou de transport ne s’explique que par des exigences de rigueur budgétaire dont les handicapés font les frais.

C’est par un plan rigoureux de désendettement que je pourrai permettre un transfert de ressources vers une meilleure prise en compte des besoins. Outre l’utilisation des taxes douanières et des taxes sur les revenus financiers, des économies sont possibles notamment par la remise en cause de la multiplicité des centres de décision et la complexification des mécanismes d’évaluation des besoins. Il y a des économies à faire sur le fonctionnement des MDPH, même si nous considérons que le handicap est de mission régalienne et devrait être de la seule responsabilité de l’État. La poursuite systématique des fraudes aux aides sociales par des usurpations d’identité et par la multiplication de fausses « Cartes Vitale » permettra aussi des économies.

La disparition des barrières d’âge (à 60 ans) pour l’attribution de la PCH nous paraît également être une piste intéressante. Toutefois, on estime à plus de 8 milliards d’euros par an une telle mesure que nous ne pourrons satisfaire qu’à la suite de l’assainissement de l’économie française. Il est vrai que tout particulièrement l’aide humaine pourrait être l’occasion de nombreuses créations d’emplois. De même, permettre à des industries françaises enfin protégées de la concurrence déloyale de produire du matériel spécialisé pour les handicapés rendrait service à ceux qui en ont besoin et contribuerait à l’amélioration de l’emploi au niveau national.

Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement Populaire)

La politique en faveur des personnes handicapées a été l’une des priorités de mon quinquennat et je la poursuivrai. L’année 2015 fixée par la loi Handicap de 2005 est notre horizon, notamment pour les normes d’accessibilité des bâtiments publics et privés. J’ai refusé les dérogations sur ces normes, et je garderai ce cap.

Depuis 2007, la dépense publique dans le champ du handicap a connu une croissance particulièrement importante, de près de 25%, malgré la contrainte financière. C’était à mes yeux un secteur prioritaire de l’action publique. Concrètement, je souhaite poursuivre mon action dans plusieurs domaines qui me tiennent à cœur.

D’abord, la scolarisation des enfants en situation de handicap. Le principe selon lequel les enfants handicapés doivent être accueillis dans les mêmes écoles que tous les autres enfants faisait partie de mes engagements de campagne de 2007. Faire grandir ensemble enfants handicapés et enfants sans handicap, c’est un enrichissement incomparable pour tous. Désormais, plus de deux cent mille enfants handicapés sont scolarisés grâce au doublement des moyens financiers qui y sont consacrés. Et près de 90% d’entre eux sont scolarisés à temps plein. Je ne peux que m’engager à maintenir et conforter cette politique.

Ensuite, l’emploi des personnes handicapées. 49 % des entreprises assujetties dépassent aujourd’hui l’objectif de 6 % de personnes handicapées employées et le pourcentage de personnes handicapées dans le secteur public approche les 5%. Le nombre des entreprises n’employant aucun travailleur handicapé a diminué de 93% entre 2008 et 2010. C’est un beau succès, mais je ne m’en contenterai pas. Je consacrerai par ailleurs un effort particulier pour améliorer le niveau de qualification des personnes handicapées, et leur ouvrir un meilleur accès à l’emploi, avec un appui personnalisé de Pôle emploi ou des CAP emploi. Car l’accès à l’emploi est la meilleure façon de garantir une pleine intégration des personnes handicapées à la vie sociale.

Enfin, la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes. L’espérance de vie est désormais globalement supérieure à 60 ans pour l’ensemble des handicaps, en particulier le handicap mental. Cette augmentation de l’espérance de vie des personnes handicapées est une avancée formidable. Elle pose aussi un certain nombre de défis à notre système de prise en charge, aussi bien à domicile qu’en établissement. Je prends l’engagement de prendre en compte la problématique des personnes handicapées vieillissantes, qui n’ont pas encore suffisamment accès à des structures adaptées.

*L’ADMR est un mouvement apolitique et ne prend parti pour aucun programme ni aucun candidat. Les réponses sont données par thème, dans l’ordre alphabétique des noms des candidats.

Publié le 19/04/2012 à 11:01 | Lu 2809 fois



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