My old lady : viager en héritage (film)

Le tout premier film d’Israel Horovitz sortira sur les écrans français le 6 mai prochain. Son titre ? My old lady, avec Kevin Kline, Kristin Scott-Thomas et Maggie Smith. L’histoire ? Celle d’un Américain –à Paris- qui hérite d’un bien dans la capitale française mais qu’il ne peut vendre puisque ce dernier a été mis en viager par l’actuelle locataire…


Le viager est une vente particulière de biens mobiliers ou immobiliers, qui consiste à payer tout ou partie du prix en une rente viagère au profit du vendeur. Cette rente est généralement payée mensuellement ou trimestriellement, selon la volonté des parties... Une pratique bien française que Mathias, un Américain quinquagénaire ne connait pas…
 
Séparé et sans un sou, il arrive en France pour vendre ce splendide hôtel particulier du Marais qu’il a hérité de son père… Premier problème : le lieu est habité par une vieille dame et sa fille. Mathilde et Chloé. Second problème : la nonagénaire a mis son bien immobilier en viager ! Non seulement Mathias ne peut plus vendre, mais en plus, il va devoir payer une rente !
 
Avant d’être un film, My Old Lady s’est imposée sur les planches à New York en octobre 2002, avec Siân Phillips dans le rôle de Mathilde, Peter Friedman dans celui de Mathias et Jan Maxwell dans celui de Chloé. Couronnée de succès, la pièce s’est ensuite envolée vers de nombreux pays, dont l’Allemagne et la Russie. Et bien-sûr en France, sous le titre Très chère Mathilde, avec Line Renaud.
 
A travers ce film, le réalisateur Israël Horovitz (75 ans ; dont c’est le premier film) a voulu se concentrer sur la problématique du viager. Une pratique bien française. C’est pour lui un accord ubuesque, misant sur la disparition d’une personne, un pari sur la mort. Le récit repose ainsi principalement sur cette étrange coutume qui peut soudainement transformer un gros héritage en véritable calvaire. Un sujet déjà abordé en 1972 par Pierre Tchernia dans le film Le viager avec Michel Serrault et Michel Galabru. 


​Entretien avec le réalisateur

Qu’est-ce qui vous a amené à tourner votre premier film ?

A l’approche de mes soixante-quinze ans, j’ai commencé à réfléchir et à me dire : « Ok, mon temps est limité, je n’ai plus quinze ans devant moi, que faire avec le temps qu’il me reste ? J’ai mis en scène tellement de pièces de théâtre et j’ai adoré chaque jour passé à le faire. J’ai envie de faire quelque chose de différent maintenant. Quelque chose d’excitant et de terrifiant à la fois ».
 
Bien sûr je n’avais aucune envie de faire de la chute libre ou quelque chose du même genre et je me suis dit que ce que je voulais vraiment c’était réaliser un film. Ma première tentative sur cette voie c’était il y a longtemps, j’étais très jeune, j’avais écrit le scénario de Des Fraises et du Sang, qui a gagné le Prix du Jury à Cannes. Par la suite on m’a proposé d’écrire et de réaliser un film avec Jacqueline Bisset. J’ai écrit le scénario, commencé le casting, puis je me suis rendu compte que ça allait me prendre deux ans. En deux ans je peux écrire au moins deux pièces de théâtre. J’ai donc laissé tomber.
 
Lorsque j’ai pensé réaliser un film, j’ai choisi deux de mes pièces. Il y avait à ce moment-là un concours de scénario organisé par la Writers’ Guild, sorte de SACD américaine, en collaboration avec la Commission du Film Ile-de-France sur les liens culturels entre la France et les Etats-Unis. Dès les premières lignes, My Old Lady semblait s’imposer. J’ai également considéré une autre pièce, que je n’ai pas encore produite à Paris intitulée The Secret of Madam Bonnard’s Bath,  sur le peintre Pierre Bonnard, sa femme Marthe et son modèle Renée Monchaty. J’ai soumis les deux scénarios.
 
Un an après, je reçois un appel m’annonçant que j’avais gagné le Premier Prix. A la question de savoir pour lequel des deux scénarios, ils répondirent : « Nous aimons les deux. À vous de choisir ». J’ai pensé qu’il serait très difficile d’obtenir les droits pour les œuvres de Pierre Bonnard et j’ai choisi My Old Lady. J’en ai parlé à ma fille et elle m’a dit que c’était génial. Je suis immédiatement allé voir Kevin Kline qui était mon choix initial pour le rôle de Mathias… Je lui ai dit que j’allais faire un film et que je voulais lui donner le scénario. Il m’a dit qu’il adorerait le lire. Sur le moment j’ai pensé qu’il était juste poli et qu’il ne le lirait jamais. Plus tard Kevin m’a avoué qu’il avait pensé la même chose c’est-à-dire que je ne lui enverrai jamais ce scénario, que c’était juste une politesse.
 
Dès que je suis rentré à New York, j’ai remis le scénario à ma femme pour qu’elle le porte à Kevin. Quand il l’a lu, Kevin m’a appelé : « C’est un très bon rôle pour moi, j’aimerais vraiment le faire ». Ce qui était fantastique, car Kevin a un surnom à New York : « Kevin Decline », il dit toujours non ! J’étais vraiment heureux. Puis Rachael, ma fille, m’a demandé si Kevin savait que je réaliserai le film, car après tout j’avais soixante-quatorze ans et je n’avais jamais fait de film avant. Et Kevin m’a finalement dit : « Excellent, je me demande d’ailleurs pourquoi tu as mis autant de temps avant de le faire ! ».
 
Kevin a été un vrai partenaire pour moi durant tout le film, un grand ami. Puis j’ai envoyé le scénario à Maggie Smith, ma Mathilde idéale. Je regarde beaucoup la série Downton Abbey, j’adore. Une semaine après son agent me répondait qu’elle voulait le faire. J’ai pris l’avion pour Londres. Maggie Smith m’a dit au cours de notre déjeuner : « J’ai plusieurs propositions de films mais j’ai choisi le vôtre, savez-vous pourquoi ?  Parce que je ne meurs pas à la fin ». Aujourd’hui le film existe. L’aventure a été merveilleuse.

 
Le viager, c’est une opération étrange, comme le déclare d’ailleurs le personnage de Kevin Kline, pourquoi l’avoir choisi comme point de départ ?

Cela remonte au tout début, quand j’ai écrit la pièce. Je voulais écrire cette lettre d’amour à la France où je lui disais merci, merci de m’avoir donné cette vie française. Et je voulais que la pièce soit véritablement vue à travers les yeux d’un Américain. Donc quand j’ai découvert le système du viager, je me suis dit : « Mais c’est totalement fou de jouer, de parier sur la mort de quelqu’un ! »
 
Pour un Américain, c’est quelque chose d’impensable. Mais plus je passais de temps en France plus je comprenais. Quand une personne est âgée, qu’elle a besoin d’argent et qu’elle n’a pas envie d’aller en maison de retraite, elle peut alors garder sa maison. J’ai réalisé que c’était vraiment un bon système. Et comme je le dis dans le film, s’ils meurent rapidement, c’est que c’était votre destin d’avoir leur maison et si, au contraire, ils vivent longtemps, c’est alors votre destin de les aider à vivre. J’ai pensé que c’était bien de faire découvrir le système du viager à un Américain, car c’est quelque chose de très français, qu’un Américain ne comprendrait pas.

 
Dans le film, le personnage de Kevin Kline qualifie son histoire familiale de « tristesse hystérique ». Avez-vous recherché volontairement à aller vers une atmosphère douce-amère ?

Je pense que c’est une atmosphère qui s’applique à tout ce que j’écris. Quand je suis arrivé la première fois en France avec mes pièces, je me souviens que les gens me disaient : « Je ne comprends pas, c’est une comédie ou un drame ? » et je répondais : « Mais c’est les deux, c’est comme la vie ». Nous avons tous une vie à la fois comique et tragique. Donc j’essaie toujours de jouer avec les deux. Je trouve que la comédie est un moyen merveilleux d’accrocher le public. C’est toujours très important pour moi de mêler à une histoire assez sérieuse, des ressorts comiques, pour que le public puisse se retrouver dans le rire. Je pense que le film est assez drôle, puis lentement mais sûrement vous y trouvez quelque chose de très sérieux pour enfin se dérider à nouveau.

Publié le 28/04/2015 à 07:57 | Lu 1967 fois





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