Qui manque d’antioxydants et comment le savoir ?

Dans le cadre de la 49ème Journée annuelle de la nutrition et de diététique (JAND), qui s’est tenue le 30 janvier 2009 au Cnit de Paris-la-Défense, le professeur Anne-Marie Roussel de l’Inserm s’intéresse à la mesure du stress oxydant de manière à en évaluer les besoins réels. Explications.





L’augmentation du stress oxydant contribue au développement de nombreuses maladies du vieillissement telles les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, l'athérosclérose, les maladies dégénératives, les pathologies de l’œil et le déclin du système immunitaire.

Dans l’état actuel des connaissances, une alimentation apportant en quantité optimale les antioxydants peut être considérée comme favorable à la santé en diminuant le risque de développer l'une de ces pathologies. Reste cependant à estimer, à l'échelle individuelle, le risque de stress oxydant et à évaluer les besoins réels en antioxydants.

Antioxydants alimentaires et prévention nutritionnelle
Parmi les antioxydants d’origine alimentaire figurent principalement certains oligoéléments (zinc, sélénium, manganèse) constituant des défenses enzymatiques antioxydantes, les polyphénols, les vitamines E et C, les caroténoïdes et les composés alliacés.

Ceux-ci ont un effet antioxydant direct sur les constituants cellulaires ou circulants. D’autres composants de l’alimentation, tels les vitamines du groupe B, le chrome (Cr) et le magnésium (Mg), peuvent agir comme des antioxydants mais de manière indirecte en limitant l’homocystéinémie(1) (vitamine B9), en améliorant la sensibilité à l’insuline (Cr) ou en combattant l’inflammation (Mg).

Pour certains de ces micronutriments, des apports nutritionnels conseillés ont été déterminés. Des apports optimaux ont été d'autre part proposés pour une meilleure efficacité biologique, sur la base d’études cliniques.

Causes des déficits en antioxydants
Dans la population générale, plusieurs groupes à risque de déficits en antioxydants ont été identifiés. Les principales causes de déficits connues sont des apports bas en antioxydants d’origine alimentaire, une biodisponibilité diminuée, des situations où les besoins en antioxydants sont accrus pour faire face à l’augmentation du stress oxydant (surpoids, insulinorésistance, âge, tabagisme, diabète, maladies cardiovasculaires, maladies dégénératives, cancers, pathologies oxydatives de l’œil).

● Apports bas en antioxydants alimentaires
La pauvreté des apports en micronutriments antioxydants semble principalement liée à une insuffisance globale des apports en fruits, légumes, céréales complètes et à une baisse de la densité nutritionnelle des repas consommés. Ainsi, la baisse de la consommation de fruits et légumes conduit à une diminution significative des taux circulants de vitamines E, C et caroténoïdes. Le déficit biologique en vitamine C et en caroténoïdes, chez les fumeurs, est dû à la fois à leurs comportements alimentaires et à une production accrue de radicaux libres qui les exposent à un risque de cancers et de maladies cardiovasculaires.

● Age
Le stress oxydant augmente dès la ménopause. Par ailleurs, l’institutionnalisation entraîne des déficits profonds d’apports et de statuts, en particulier en zinc, sélénium, vitamine C et folates.

● Hyperglycémie et insulinorésistance
Les états d’hyperglycémie et d’insulinorésistance, présents dans le syndrome métabolique(2) et l’obésité, s’accompagnent d’un stress oxydant élevé. Les taux sanguins de zinc, d'alpha tocophérol, de vitamine C et de caroténoïdes sont abaissés chez les sujets en surpoids.

● Pathologies oxydatives
Dans certaines pathologies oxydatives comme le diabète, le cancer ou les maladies neurodégénératives, le risque de déficits est accru, avec une augmentation des besoins en antioxydants.

Mesurer le stress oxydant pour évaluer les besoins réels
L’engouement pour les bilans biologiques de stress oxydant est grand car ceux-ci entretiennent l’espoir d’un contrôle biologique du stress oxydant et de sa conséquence, le vieillissement.

Sur un plan pratique, le stress oxydant peut être mesuré à partir de l’analyse du statut en antioxydants et celle des marqueurs de stress oxydant. Cependant, ces bilans de stress oxydant sont complexes et les résultats difficiles d’interprétation en l’absence de normes physiologiques. A l’échelle individuelle, ils sont peu exploitables pour informer sur le besoin réel en antioxydants. Leur interprétation peut ainsi conduire à une utilisation mal maîtrisée de la supplémentation en antioxydants, qui n’est pas sans danger.

Une autre approche plus simple, facilement mise en œuvre en médecine ambulatoire et moins onéreuse pour le patient, peut être utile pour estimer le risque de stress oxydant et le besoin accru en antioxydants.

Cette estimation s’appuie sur :
-les facteurs de risque individuels : présence de pathologies oxydatives, antécédents familiaux de diabète, d’hypertension, de maladies cardiovasculaires, de pathologies oculaires oxydatives et/ou appartenance à un groupe à risque de déficit en antioxydants (âge, surpoids, etc.) ;
-l’interrogatoire alimentaire : consommation insuffisante de fruits, légumes et céréales complètes, consommation excessive d’alcool, de lipides et de sucres d’absorption rapide, erreurs alimentaires ;
-l’examen clinique : IMC, tour de taille, hypertension ;
-le bilan biologique de base : une augmentation de la glycémie et de l’insulinémie, des triglycérides élevés sont des indicateurs d’un état de stress oxydant mal contrôlé (plusieurs études ont montré que l’élévation progressive de la glycémie constitue un marqueur précoce de risque oxydant).

(1) L'augmentation de l'homocystéine - un acide aminé soufré - dans le plasma sanguin résulte le plus souvent d'une carence en vitamine B12 ou en vitamine B9.
(2) Ensemble de perturbations métaboliques (hauts taux d’insuline et de cholestérol, hypertension, excès de poids) qui prédisposent fortement au développement et à la progression de l'athérosclérose.


*Intervention du Professeur Anne-Marie Roussel
LBFA/INSERM 884
Université Joseph Fourier, Grenoble


Pour aller plus loin, lire aussi :
Pour mieux comprendre la notion de radicaux libres, intervention du professeur Xavier Leverve

Article publié le 16/02/2009 à 12:17 | Lu 13195 fois