Québec : la propriétaire d'une maison de retraite condamnée pour abus de confiance

La propriétaire d'une maison de retraite a été condamnée par le Tribunal des droits de la personne à payer des dommages à la succession d'une personne âgée qu'elle avait exploitée… La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait entrepris la poursuite au nom de la succession de la victime, décédée en cours d'enquête.


« Cette décision est importante, car elle met en lumière une forme d'exploitation qui peut passer inaperçue : le fait de s'approprier de l'argent d'un résident sous forme de don. Il est en effet interdit pour les personnes responsables ou employées d'une résidence pour personnes âgées d'accepter des dons des résidents. Le message envoyé à cet effet est clair : on ne peut profiter de la vulnérabilité d'une personne âgée pour son bénéfice personnel » a déclaré à cette occasion le président de la Commission, Gaétan Cousineau.
 
Le jugement, rendu le 18 juillet dernier, rapporte que la famille de la victime avait alerté la Commission concernant le comportement de la propriétaire de la résidence, où la victime avait séjourné pendant près de trois ans. Ils avaient découvert, entre autres, que la victime lui faisait des chèques en blanc parce que la propriétaire avait mentionné avoir des problèmes financiers.
 
La victime, qui souffrait d'Alzheimer léger, a vécu à la résidence en question entre 2007 et 2010. Elle est décédée en juillet 2011 à l'âge de 87 ans. Le jugement rapporte qu'entre juillet et décembre 2009, la propriétaire a encaissé des chèques du compte de la victime pour une somme d’environ 12.000 dollars canadiens. La propriétaire a reconnu, dans une déclaration, avoir encaissé les chèques parce que la victime aurait voulu l'aider.
 
Selon le témoignage de l'enquêteur de la Commission, qui a rencontré la victime à deux reprises, lorsqu'elle voyait la propriétaire arriver, la victime lui demandait spontanément : « Combien tu veux ? »
 
La résidence était accréditée au moment où la victime y demeurait et les responsables des résidences privées accréditées sont informés qu'ils ne peuvent accepter des dons de la part des résidents. En effet, l'article 1817 du Code civil du Québec interdit de tels dons, sauf s'il s'agit du conjoint ou d'un proche parent.
 
L'article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne protège les personnes âgées contre toute forme d'exploitation. L'exploitation doit impliquer qu'une personne en position de force profite d'une personne plus vulnérable et donc qu'il y a un déséquilibre entre les parties.
 
Le Tribunal a estimé que la propriétaire était en position de force par rapport à la victime qui vivait dans sa résidence depuis deux ans. Celle-ci aurait voulu l'aider pour que la résidence ne ferme pas ses portes, ce qui l'aurait forcée à déménager. Le Tribunal a donc conclu que la propriétaire a abusé de sa position de force à l'égard de la victime pour obtenir de l'argent, ce qui constitue de l'exploitation au sens de la Charte. De plus, la propriétaire a porté atteinte à la dignité de la victime de façon discriminatoire en raison de son âge et de son état de santé.
 
Le Tribunal a accordé à la succession de la victime des dommages matériels, moraux et punitifs. Les dommages matériels correspondent à la somme que la propriétaire avait prise de la victime. Les dommages moraux ont été accordés en guise de réparation du préjudice moral subi par la victime. De plus, compte tenu du comportement hautement répréhensible de la propriétaire, qui connaissait l'état de vulnérabilité de son résident et qui savait qu'elle ne pouvait accepter de l'argent de sa part, le Tribunal l'a condamnée à verser des dommages punitifs à la succession. Le montant total des dommages s'élève à 15.000 dollars canadiens env.

Publié le 31/07/2013 à 09:21 | Lu 835 fois