Ostéoporose : interview du Pr Erick Legrand, rhumatologue à Angers

A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Ostéoporose le 20 octobre prochain,l’AMGEN, avec le soutien de l’AFLAR (Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale), lance la campagne « Toisons-nous » qui durera jusqu’au 30 octobre 2015 dans 650 pharmacies partenaires en France. Entretien avec le Pr Erick Legrand, rhumatologue au CHU d’Angers.





Chez quels patients faire un dépistage de l’ostéoporose ?

Deux catégories de patients de plus de 50 ans peuvent particulièrement bénéficier d’une ostéodensitométrie : les patients victimes d'une fracture non traumatique c'est-à-dire survenue après une chute banale de leur hauteur (fracture suspecte d’être d’origine ostéoporotique), et les patients qui présentent un ou plusieurs facteurs de risque cliniques d’ostéoporose sans avoir eu de fracture.
 
Les facteurs de risque les plus importants pour l'ostéoporose sont la ménopause précoce (avant 40 ans), une prise prolongée (> 3 mois) par voie orale d'un traitement contenant des corticoïdes, la maigreur (IMC ≤ 19), des antécédents familiaux (mère ou père) de fracture de l’extrémité supérieure du fémur, le tabagisme actif et de façon générale, toute maladie chronique sérieuse susceptible de provoquer une perte osseuse : maladie neurologique, polyarthrite rhumatoïde, maladie digestive avec dénutrition ou inflammation, cancer hormono-dépendant, en particulier sein et prostate…

 
À partir de ces critères cliniques, le logiciel en ligne FRAX (disponible sur le site du GRIO) permet de calculer le risque absolu de faire une fracture ostéoporotique dans les dix années qui suivent. En accord avec son patient, le médecin (généraliste, rhumatologue, gynécologue, gériatre) peut décider d’une ostéodensitométrie qui permet d'évaluer plus précisément le risque de fracture, en renseignant sur le capital osseux disponible chez le patient.
 
Enfin, n’oublions pas que l’ostéodensitométrie est aussi utile quand elle montre des résultats vraiment normaux chez un patient victime d'une fracture après une chute de sa hauteur, permettant d'éliminer l'ostéoporose et ainsi d'éviter de prescrire un traitement de fond à un patient qui n’en a pas besoin !

 
Comment expliquer le nombre insuffisant d’ostéodensitométries pratiquées en France ?

Il est insuffisant dans la plupart des pays développés. J’y vois trois raisons principales. Pour beaucoup de patients et de médecins, une fracture chez une personne âgée n’est que la conséquence d'une « mauvaise chute »… l'ostéoporose, fragilité acquise et évolutive du tissu osseux, est ignorée.
 
Après un infarctus, tous les médecins mesurent la tension artérielle et le cholestérol, facteurs de risque de nouvel infarctus… Après une fracture sérieuse (fémur, vertèbre, humérus..), la même démarche n'est pas engagée. La mortalité post-infarctus et la mortalité post-fracture sont pourtant très proches chez les sujets âgés de plus de 70 ans.
 
La seconde raison tient à la difficulté apparente d’interprétation des résultats de l'ostéodensitométrie, qui déroutent beaucoup de médecins. Enfin, le retrait du marché de certaines molécules a pu faire douter de l’efficacité, pourtant très importante des traitements de fond de l’ostéoporose et donc de l’intérêt du dépistage. Il faut donc changer les mentalités des patients comme des médecins, apprendre à repérer les fractures non traumatiques et les facteurs de risque majeurs. L'intérêt de la campagne « Toisons-nous », qui explique l’importance et les modalités du dépistage est donc évident.

Article publié le 16/10/2015 à 08:36 | Lu 2740 fois