Le médecin généraliste face aux pathologies liées au vieillissement : interview Pr. Bernard Mazières

Dans le cadre du Medec, qui s'annonce comme le « plus grand congrès de médecins généralistes en France » et qui se tiendra au Palais de Congrès (Paris) les 18, 19 et 20 mars prochains, différents thèmes médicaux seront abordés. Parmi eux, les problèmes de santé posés par le vieillissement des populations « occidentales ». En attendant l'ouverture de ce grand rendez-vous, le Pr. Bernard Mazières, chef de service rhumatologie au CHU de Toulouse a accepté de partager son approche de rhumatologue sur le sujet : « le médecin généraliste face aux pathologies liées au vieillissement ».





Les Français vivent plus longtemps. En tant que rhumatologue, quelles sont les maladies les plus fréquentes et liées à ce vieillissement de la population que vous observez ?
L’augmentation de la durée de vie s’accompagne d’une augmentation des maladies ostéoarticulaires. L’ostéoporose est numéro un en pathologie osseuse et l’arthrose numéro un en pathologie articulaire.

Quelle est la prévalence des maladies articulaires en France ?
Nous ne disposons pas aujourd’hui de données fiables sur les arthroses en France. Il existe bien deux études épidémiologiques en population générale réalisées dans les années 80 aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, mais elles sont obsolètes et ne pouvaient être extrapolées à la France.

Une grande étude est lancée dans notre pays sur les coxarthroses et les gonarthroses. Elle comprend deux phases : une étude de prévalence au sein de la population française puis la constitution d’une cohorte de 3.000 patients atteints de coxarthrose ou de gonarthrose qui seront suivis. Ce travail est réalisé sous l’égide de l’Inserm et de la Société française de rhumatologie (SFR). Les données qui pourront être collectées nous permettront de mieux cerner la répartition des arthroses au sein de la population et leur évolution.

Malgré cette absence de données fiables, a-t-on une idée de l’importance de ces maladies articulaires ?
On retient souvent trois chiffres repères : 0,3%, 3% et 30%. 0,3% pour les polyarthrites rhumatoïdes et pour les spondylarthropathies, 3% pour la goutte et 30% pour les arthroses. La prévalence de ces maladies ne va sûrement pas baisser. La Cnamts, pour sa part, avance un coût de 1,6 milliard d’euros par an pour la prise en charge de ces malades arthrosiques.

Comment les malades atteints d’arthrose sont-ils pris en charge ?
Il existe deux grands moyens thérapeutiques :
- pharmacologiques à base d’antalgiques, d’anti-inflammatoires, de traitements locaux, etc.
- non pharmacologiques en travaillant sur le développement de l’activité physique et sur une baisse du poids quand il y a un excès.

La prise en charge des patients atteints d’arthrose s’inscrit dans le long cours. Et qui dit long cours, dit intervenants multiples : médecin généraliste, rhumatologue, kinésithérapeute, orthopédiste, etc. Les conseils d’un diététicien est souvent nécessaire, de même qu’un soutien psychologique. On peut relever que le taux de dépression est plus élevé au sein de cette population qu’au sein du reste de la population, sans doute en raison de la chronicité et des douleurs ressenties par les malades.

Y a-t-il des progrès thérapeutiques récents dans le domaine de l’arthrose ?
Il n’y a pas de nouveaux traitements, mais plusieurs enquêtes montrent que l’on pourrait faire mieux avec ce que nous avons. Il s’agirait tout simplement d’appliquer avec plus de rigueur les recommandations européennes.

Qu’en est-il dans les cas plus spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ? Ces maladies augmentent-elles avec l’âge ?
Au cours des dix dernières années, grâce aux anti-TNF et aux autres traitements biologiques, des résultats fantastiques ont été obtenus chez les patients atteints de ces deux maladies. Tout du moins pour 70% d’entre eux, certains échecs ou effets secondaires demeurant. Ces médicaments ont énormément apporté sur le plan de la qualité de vie, ils ont également diminué le travail des chirurgiens.

En terme de santé publique, on commence à pouvoir mesurer les résultats. Contrairement à l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde - pour laquelle on observe des pics de fréquence à 30 ans et à 50 ans - et la spondylarthrite n’augmentent pas avec le vieillissement de la population.

L’ostéoporose est-elle mieux appréhendée au niveau national ?
Cette maladie osseuse touche 30 % des femmes après la ménopause et 10% des hommes de plus de 50 ans. Le remboursement partiel de l’ostéodensitométrie a permis d’améliorer la prise en charge. Une fois identifié le risque ostéoporotique, on dispose aujourd’hui de toute une palette de médicaments pour freiner son évolution.

Cependant, compte tenu de la durée de la prise en charge qui est longue (de 20 à 30 ans), la nécessité de changer ou non le traitement au cours des années fait débat. Cela renvoie à une autre question : celle de l’observance. L’ostéoporose est une maladie silencieuse sans signes apparents. Sur 100 personnes traitées, il n’y en aurait que 10 qui poursuivent correctement leur traitement au bout d’un an. Nous sommes clairement dans un contexte différent de celui de l’hypertension où le risque est plus fortement perçu par le malade et où les traitements sont mieux suivis.

Quelle est la place du médecin généraliste, notamment dans l’éducation thérapeutique des patients ?
On insiste beaucoup sur l’éducation thérapeutique du malade. Cela nécessite du temps, ce dont manque le médecin généraliste. Le moyen d’y pallier est de voir le patient à intervalles réguliers et de contribuer à son éducation par petites touches. On peut cependant penser que cette éducation thérapeutique fera de plus en plus intervenir des groupes spécialisés multidisciplinaires, que ce soit au sein des hôpitaux, de groupes privés ou des établissements thermaux. La Société française de rhumatologie a entamé une réflexion sur ce sujet et vient de créer une section « éducation thérapeutique de patients ». Dans tous les cas, le médecin a un rôle essentiel dans la détection du risque de la maladie, l’orientation du patient et son suivi thérapeutique.

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Article publié le 13/03/2008 à 12:33 | Lu 7950 fois