L’hypnose chez le dentiste

A l’occasion de la présentation du Congrès 2014 de l’Association dentaire française (ADF), qui se tiendra du 25 au 29 novembre 2014 sur le thème « La bouche, l’expression de notre santé », revenons sur l’utilisation de l’hypnose chez le dentiste. Pratique de plus en plus courante…


Souvent liée à la magie, à la sorcellerie ou à la religion, ce n’est qu’au XVIIIème siècle que l’hypnose va commencer à devenir objet d’étude scientifique. Elle acquiert alors le statut de « thérapie » et connaît un essor important dans les milieux médicaux.
 
« L’hypnose est un état de fonctionnement psychologique par lequel un patient, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargie » explique aujourd’hui Antoine Bioy, professeur de psychopathologie et psychologie médicale à l’Institut français d’Hypnose (IFH).
 
L’hypnose désigne donc une pratique qui déclenche un état mental particulier, appelé « dissociation hypnotique » ou « transe ».
 
Au XXIème siècle, l’hypnose est désormais l’un des phénomènes de conscience parmi les plus étudiés, et plusieurs milliers de publications scientifiques attestent de son efficacité dans le champ notamment de la prise en charge de la douleur aiguë et de l’anxiété. Aujourd’hui, c’est le grand public qu’il reste à convaincre.
 
« Nous sommes encore confrontés aujourd’hui au discours du « moi j’y crois / moi j’y crois pas », « moi ça marche sur moi / moi ça marche pas » » précise Julie Morvan, psychologue hypnothérapeute à l’IFH. « Il faut que le public ait conscience que ce n’est pas une méthode loufoque » dit-elle.

L’hypnose chez le dentiste
Le secteur dentaire est très intéressé par l’hypnose, qui peut être un complément efficace pour contrer les effets du stress, de la peur et de la douleur au cabinet dentaire et, par ce biais, améliorer la relation de confiance entre patient et praticien.
 
Cette technique permet d’obtenir un effet antalgique avec une efficacité aussi puissante que certains morphiniques. La morphine étant un antidouleur de palier 3 dans le domaine médical, la pratique de l’hypnose, comme substitut au cabinet dentaire, apparait en effet très intéressante.
 
Les pouvoirs de la suggestion hypnotique

L’hypnose utilise la suggestion pour modifier l’état de conscience du patient. En médecine, elle est employée pour simuler une anesthésie de la mâchoire ou une sensation d’analgésie, ce qui permet de percevoir autrement sa réalité et d’aller vers plus de confort.
 
Exemple de travail de suggestion par l’hypnose :

« Et tandis que ce corps ici laisse les choses se faire, vous commencez à vous endormir… une tête confortablement lourde, une mâchoire tombante… Vous allez d’abord ressentir cette confortable sensation d’anesthésie et de protection se diffuser dans la mâchoire… progressivement… pour s’étendre peut être… exactement jusqu’où cela est utile pour vous…Et plus le corps ici se détend, plus votre esprit se sent libre de partir vers un espace de détente, de liberté, de bien être… Et vous vous laissez tranquillement bercer par ma voix … ou tout autre chose… juste le plaisir de se laisser bercer … alors que l’esprit vagabonde vers un ailleurs très agréable… »
 
Quotidiennement, on peut être sujet à différents états de veille comme la distraction et la contemplation. L’hypnose thérapeutique permet de retrouver ces phénomènes « pré-hypnotiques » et les amplifie afin que l’imaginaire créatif devienne la réalité des patients qui participent à ce travail. L’intérêt de l’hypnose au cabinet dentaire.
 
Avec le temps et l’expérience, il s’est avéré qu’une hypnose bien menée et bien accueillie par le patient pouvait l’aider tout au long d’une intervention médicale. C’est pourquoi, dans un cabinet dentaire, l’hypnose est utilisée pour différents champs d’application :

- prévenir et soulager les douleurs provoquées par les soins,
- prendre en charge et abaisser l’anxiété souvent associée aux soins ou à la chirurgie,
- palier aux phobies des soins (enfants, adultes),
- réduire les médicaments pendant et/ou après les interventions (anesthésiants, antalgiques),
- remplacer des produits anesthésiants en cas d’intolérance du patient (avec ou sans association du MEOPA = Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote à visée anxiolyse).
 
L’hypnose : une technique pour tous

L’hypnose est une méthode souple et adaptable. Elle peut aussi bien prendre la forme de séance formelle, préparée à des fins précises, que des formes plus conversationnelles (informelles), afin d’accompagner au mieux le patient. Toutes les personnes sont hypnotisables (de façon directe ou indirecte), si le travail de suggestions est bien adapté à chacun. Ainsi, les résultats ne dépendent pas du sexe du sujet, de celui du praticien ou d’une personnalité particulière. Mais ils sont variables selon les âges de la vie (un enfant est plus facilement hypnotisable qu’un adulte. Il entre dans la proposition hypnotique comme dans le jeu et en accueillent les bénéfices aisément).

Les différentes techniques hypnotiques

L’hypnose en elle-même n’est pas une technique, c’est un ensemble de suggestions permettant au patient de se détendre. Le rôle du praticien est donc de définir quels types de suggestions seront les mieux adaptées à son patient et quel moment sera le plus opportun pour les employer. Tout d’abord, il accompagne le patient dans son cheminement jusqu’à l’état d’hypnose, la dissociation : être là et ailleurs, dans le présent et dans un souvenir, en train d’observer une douleur et sa respiration,… en étant à la fois spectateur et acteur. Le principe de dissociation produit analgésie, détente et mobilise les ressources du patient (l’attention, les souvenirs, les savoir-faire acquis etc.).
 
A ce moment, le praticien peut utiliser différentes suggestions pour que le patient associe soulagement et bien-être :

- des suggestions directes d’analgésie (analgésie par engourdissement, par le froid…)
« Et tout en écoutant ma voix vous laissez tout doucement la peau se refroidir, devenir progressivement de plus en plus froide ; sensation de froid qui pénètre tout doucement dans la peau… à l’intérieur de la bouche … qui se refroidit de plus en plus , la bouche qui devient de plus en plus froide … superficiellement d’abord puis de plus en plus profondément, et tout doucement cette bouche est comme engourdie par le froid, comme lorsqu’on a les doigts gelés, le nez ou le visage gelé par ces belles journées d’hiver... »

- des suggestions de distanciation (éloigner la douleur ou l’inconfort, souvent associées à des suggestions motrices simples comme la lévitation de la main …) « Et je vous propose de laisser votre imagination prendre les commandes… tout en observant attentivement les sensations dans cette main. Imaginez qu’il y a une ficelle attachée autour de votre poignet…et qu’un gros ballon brillant, rempli d’hélium est  attaché à l’autre côté de la ficelle... Un ballon qui flotte tout seul…plein de ballons… qui flottent…si légèrement … Ces ballons qui emportent cette main qui devient de plus en plus légère… comme une plume… Et tandis que cette main fait l’expérience de l’apesanteur, de la légèreté… alors votre esprit peut sûrement s’échapper et s’envoler au gré de cette légèreté vers l’espace de bien-être dont vous m’avez parlé tout à l’heure… ce champ de coquelicot peut être… »

- des suggestions allant à l’encontre de la douleur (techniques de relaxation, souvenir de confort, de bien-être, lieu de sécurité)
Je vous invite maintenant à retrouver un lieu dans lequel vous êtes bien, en sécurité. Je n’ai pas besoin de le connaître… la seule chose importante est que vous le connaissiez, l’identifiez, ressentiez bien sa valeur rassurante, protectrice, agréable… vous profitez de cet endroit presque comme si c’était la première fois que vous en profitez de cette façon-là … peut-être des odeurs, des parfums subtils, légers… et plus vous respirez, plus vous sentez ce bien-être … plus vous reconnaissez ce sentiment de sécurité harmonieuse… »

- des suggestions de distraction (techniques de confusion, surprise, saturation)
Et c’est surprenant de réaliser comme certaines choses nous font penser à autres choses… Et pendant que je m’affaire à faire ce que j’ai à faire, votre esprit se demande sûrement si ce bruit se rapproche plus de celui d’une tondeuse à cheveux ou d’un rasoir électrique ?... et puisque nous parlons de jardin et de fraise, je me demande s’il vous est déjà arrivé de goûter des fraises des bois ?... leur couleur particulière, leur goût sans pareil, leur petite forme singulière…»
 
Enfin, l’hypnose prend sa source dans la relation de confiance qui lie le patient au praticien. Le praticien qui procède à l’hypnose doit adopter des attitudes telles que l’empathie, l’écoute et la capacité d’adaptabilité à l’Autre.

Publié le 26/06/2014 à 05:00 | Lu 3025 fois