Emploi des seniors : les propositions de la CGPME

Alors que le gouvernement a présenté en fin de semaine dernière les mesures visant à améliorer l’emploi des seniors en France, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) vient de dévoiler quelques propositions qui visent « à faire évoluer la situation actuelle en privilégiant l’incitation, sans céder à la facilité de la sanction porteuse de nombreux effets pervers ». Détails.


« La question de l’emploi des seniors, c’est-à-dire les personnes âgées de plus de 55 ans – nous préférons quant à nous parler de salariés d’expérience –, est en France un problème global à caractère culturel. Les périodes de fort chômage ont amené les entreprises, aidées en cela par des dispositifs publics de préretraite ou de dispenses de recherche d’emploi, à privilégier les plus jeunes au détriment des seniors » indique en préambule la communiqué de la CGPME.

Et de préciser : « beaucoup de salariés se sont progressivement emparés de l’idée selon laquelle le maintien dans l’emploi au-delà de 55 ans est exceptionnel. La notion même de retraite a ainsi pris une connotation différente dès lors qu’elle s’appuyait non plus sur une incapacité physique à exercer un emploi, mais sur une période intermédiaire entre l’activité professionnelle et la vieillesse ».

Au final, nombre de responsables d’entreprises et de salariés ont donc fini par être persuadés que les salariés d’un certain âge n’avaient plus leur place ou une place limitée dans le monde de l’entreprise.

Cette idée fausse a abouti à une situation extrêmement dommageable en France. Alors que dans les années 1970, le taux d’emploi des plus de 55 ans était de 54 %, ce taux d’emploi des 55-64 ans, selon les dernières statistiques connues, est de l’ordre de 38 %, soit un chiffre inférieur d’environ 5 points à la moyenne européenne, qui, elle, est de l’ordre de 43 %.

Par ailleurs, la démographie et l’allongement de la durée de la vie conduisent aujourd’hui à remettre en cause un modèle inacceptable tant au plan social qu’économique au regard, en particulier, de l’équilibre financier des régimes d’assurance vieillesse.

« Pour autant, remarque encore la CGPME, cette situation n’est pas, à notre sens, irréversible si notre pays prend un certain nombre de mesures qui doivent favoriser aussi bien le maintien dans l’emploi des seniors que leur retour dans l’emploi et s’adresser aussi bien aux salariés qu’aux employeurs. Il convient cependant de garder en mémoire l’épisode malheureux de la « contribution Delalande », type même de la fausse bonne idée, qui s’est retournée contre ceux-là mêmes qu’elle était censée protéger. De même, tout mécanisme de quota de seniors et de sanctions sous forme, par exemple, de cotisation retraite additionnelle aurait aussi un effet dévastateur auprès des responsables de PME et doit être prohibé ».

Les propositions de la CGPME

A / Les dispositifs destinés à favoriser le maintien dans l’emploi des seniors :

I/ Suppression des mesures qui vont à l’encontre du maintien dans l’emploi des seniors
Il est paradoxal de maintenir des mesures qui vont à l’encontre du maintien dans l’emploi des seniors.

1.1 Supprimer le dispositif de départ anticipé pour carrières longues
Le dispositif de départ anticipé pour carrières longues (départ à partir de 56 ans à condition d’avoir 42 ans de cotisation), qui a bénéficié à plus de 500 000 personnes depuis 2004 et qui a joué sans doute, en son temps, un rôle nécessaire, va à l’encontre des dispositions que l’on souhaite mettre en place et devrait être supprimé.

1.2 Remettre à plat les dispositions limitant l’âge d’activité
Les mécanismes de « mises à la retraite d’office » avant 65 ans qui subsistent et surtout ceux de « limites d’âge » qui perdurent dans la fonction publique et dans les entreprises à statut (comme par exemple la limite d’âge du personnel navigant commercial qui est de 55 ans pour les hôtesses et stewards et de 60 ans pour les pilotes…) créent une iniquité dont la logique nous échappe bien souvent. Il est donc impératif de réexaminer chacune des situations et d’envisager la mise en oeuvre de politiques des âges beaucoup plus souples, dans une optique de prolongation de l’activité. Les règles de limite d’âge, synonyme de départ brutal, doivent disparaître.

1.3 Interdire les restrictions d’accès à l’emploi liées à l’âge
Un grand nombre de concours permettant d’accéder à terme à des emplois dans la fonction publique sont conditionnés à un âge limite. Ainsi, par exemple, le troisième concours d’accès à l’ENA est fermé (sauf conditions particulières) aux candidats âgés de plus de 40 ans. Ce type de discrimination n’a pas lieu d’être.

II/ Mesures permettant de mieux prendre en compte l’âge des salariés

2.1 Prévenir les atteintes physiques liées à l’âge et au poste de travail occupé
Les actions de prévention « renforcées » pour les postes à contraintes physiques fortes et les adaptations de postes doivent être fortement développées. Ces actions pourraient être notamment financées par un système analogue, sur le principe mais moins complexe quant à sa mise en oeuvre, à celui des « ristournes trajet » sur les cotisations dues par les employeurs au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, octroyées par les services prévention des CRAM aux entreprises qui ont mis en place des mesures particulières de prévention du risque routier.

2.2 Relancer les contrats de prévention
De même, le système des conventions d’objectifs (permettant aux entreprises de signer des contrats de prévention avec les CRAM et d’obtenir des avances pour financer des aménagements améliorant les conditions de travail) est l’instrument le plus adapté aux PME pour mettre en oeuvre une véritable politique de prévention. Il est donc nécessaire de relancer ce dispositif incitatif, notamment à travers une formule de convention d’objectif simplifiée.

2.3 Etendre et favoriser le tutorat
Pour les seniors qui continuent à être insérés dans le monde du travail, il conviendrait de favoriser la reconnaissance intellectuelle et morale de leurs compétences, en faisant en sorte de les associer plus systématiquement au dispositif de transmission de leurs savoirs, notamment par le biais du tutorat.

Il serait judicieux de prévoir un dispositif incitatif supplémentaire « couplant » l’embauche d’un jeune avec le maintien dans l’emploi d’un « senior » qui serait son tuteur. Il serait même possible d’aller au-delà en mettant en place un système incitatif combinant le tutorat par un senior et l’accueil en formation de jeunes stagiaires handicapés. A cet égard, il faudrait permettre aux entreprises de 20 salariés et plus, aux fins de contribuer à l’atteinte de leur obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés, d’employer des jeunes handicapés jusqu’à 4 % de leur effectif (au lieu de 2 % actuellement), à condition qu’ils soient pris en charge et formés par des tuteurs seniors.

Le tutorat est en effet désormais considéré comme l’un des piliers majeurs de la politique d’insertion professionnelle. Cependant, le rôle désormais élargi que l’on veut faire jouer aux tuteurs, y compris pour les salariés seniors tuteurs, nécessite une organisation et des moyens à la hauteur de l’ambition affichée.

Pour cela il apparaît nécessaire d’améliorer les conditions de financement de cette fonction tutorale. Dans cette optique, la CGPME demande que soit rendue possible l’imputation, sur la contribution de 0,50 % destinée à la professionnalisation, de l’indemnisation tutorale mais aussi de la formation nécessaire à l’exercice de la fonction. Elle souhaite, par ailleurs, qu’un refinancement auprès du Fonds Unique de Péréquation (FUP) soit rendu possible pour ce type de dépense.

2.4 Optimiser le système de l’entretien professionnel
Mieux utiliser, au profit des salariés d’expérience que sont les salariés seniors, le système de l’entretien professionnel; il doit être réalisé au minimum tous les deux ans pour conforter et éventuellement resituer la position et les activités du salarié senior dans l’entreprise. De plus, il serait souhaitable d’introduire, pour ce type de personnel, une liaison plus nette entre ce système d’entretien professionnel et le mécanisme du bilan de compétences. Dans cette optique, la priorité de prise en charge des bilans de compétences par les FONGECIF doit être pleinement appliquée.

III/ Mesures visant à prolonger la durée de l’activité
Il convient par ailleurs de favoriser ou de mettre en place des mesures qui visent à prolonger la durée de l’activité et qui favorisent ainsi le maintien dans l’emploi des seniors.

3.1 Renforcer la surcote
Le dispositif de surcote (majoration de la retraite pour les personnes ayant les annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein mais qui poursuivent leur activité au-delà de l’âge légal), qui n’a eu, pour l’instant, qu’un succès limité –les personnes ayant opté pour la surcote représentent seulement un peu plus de 5 % des nouveaux retraités– devrait faire l’objet d’un accroissement de l’incitation financière.

Dans cette optique, nous proposons d’envisager un dispositif de surcote de 5% par année travaillée supplémentaire au-delà de l’âge légal et de la durée nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein, et ce, sans limitation de durée.

3.2 Autoriser sans restriction le cumul emploi-retraite
La réglementation du cumul emploi-retraite doit être assouplie. En particulier, le délai de carence de six mois prévu pour tout salarié qui, après avoir liquidé sa retraite, veut retravailler avec le même employeur doit être supprimé. La reprise d’activité des retraités devrait être autorisée sans restriction (plafond et délai) dès lors que l’assuré a cotisé la durée nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein ou atteint l’âge de 65 ans.

3.3 Instituer une retraite à temps partiel adaptée aux PME
Le dispositif existant actuellement permet à des salariés ayant 60 ans et 150 trimestres de cotisation de demander la liquidation d’une fraction de leur retraite tout en travaillant à temps partiel. Le montant de la retraite définitive est recalculé lorsque l’assuré cesse définitivement toute activité. Ce mécanisme s’applique aux salariés liquidant une pension provisoire entre le 1er Juillet 2006 et le 31 Décembre 2008.

Il serait souhaitable qu’un nouveau dispositif de ce type, mais réellement adapté aux PME, puisse être élaboré. Pour renouveler la formule, le nouveau dispositif pourrait permettre à tout salarié ayant atteint l’âge légal mais n’ayant pas la totalité de ses trimestres de cotisation de les acquérir progressivement grâce à un allongement de la durée d’activité, tout en commençant à diminuer son temps de travail. Il est précisé qu’une enquête IPSOS-CGPME réalisée en mai 2008 place cette préoccupation au 4ème rang des souhaits des patrons de PME.

B / Les dispositions destinées à favoriser le retour à l’emploi des seniors
Tout comme pour le maintien dans l’emploi, il est aussi nécessaire d’adapter les dispositions existantes qui vont à l’encontre du retour à l’emploi des seniors.

I/ Adapter les dispositions qui vont à l’encontre du retour à l’emploi des seniors

1.1 Supprimer la dispense de recherche d’emploi liée à l’âge
Le système de dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs indemnisés (âgés de 57,5 ans et plus et, sous certaines conditions, d’au moins 55 ans) concerne près de 400.000 personnes. Il est incohérent de prétendre favoriser le retour à l’emploi des seniors tout en conservant ce type de disposition.

1.2 Renforcer l’accompagnement des seniors dans le cadre du nouveau Service Public de l’Emploi
En conséquence de la suppression du système de dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs indemnisés « seniors », un système d’accompagnement spécifique gagnerait à être mis en place pour leur assurer un suivi personnalisé optimal leur permettant de retrouver le plus rapidement possible un emploi : des conseillers seraient spécialement affectés à cette population au sein de la nouvelle « instance nationale provisoire » issue de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. Il est par ailleurs indispensable de mettre en place des mesures actives favorisant le retour à l'emploi des seniors.

II/ Adopter des mécanismes favorisant le retour à l’emploi des seniors.

2.1 Rendre plus attractif le CDD pour le retour à l’emploi des seniors pour l’employeur et la personne bénéficiaire
Le CDD pour le retour à l’emploi des seniors, institué par l’Accord National Interprofessionnel du 13 Octobre 2005, n’a pas véritablement démarré. Il devrait faire l’objet d’une information supplémentaire et plus ciblée, notamment pour les PMI et les entreprises exportatrices.

Il devrait également faire l’objet d’une incitation financière pour l’employeur, au moins dans les entreprises de moins de 250 salariés. Elle pourrait prendre la forme, par exemple, d’une attribution à l’employeur, pour une certaine durée, de l’équivalent des allocations d’assurance chômage qu’aurait touchées le senior embauché en CDD spécifique s’il était resté demandeur d’emploi indemnisé (sur le modèle de l’aide dégressive à l’employeur existant actuellement).

Le salarié bénéficierait, lui, d’une durée d’embauche garantie dans le cadre du CDD seniors pendant une période d’au moins trois ans, période correspondant à l’indemnisation pour les plus de 50 ans dans le régime d’assurance chômage.

2.2 Utiliser les groupements d’employeurs pour favoriser la réinsertion professionnelle des seniors
Un demandeur d’emploi, qui devrait être, dans la majorité des cas, un cadre ou un agent de maîtrise de plus de 55 ans, bénéficierait d’une mission sous contrat de travail à durée déterminée offerte par un groupement d’entreprises pour prospecter les PME de son bassin d’emploi afin de mettre au jour tous les emplois à temps partiel existants ; l’objectif étant de construire des emplois à temps plein fonctionnant selon le mode du temps partagé.

Il existe plus de 200 groupements d’employeurs dans toute la France. Une telle opération pourrait faciliter le reclassement professionnel de plusieurs centaines, voire davantage, de cadres ou d’agents de maîtrise seniors actuellement sans travail. Dans le cadre de la négociation sur l’assurance chômage, il pourrait être prévu une incitation financière à la mise en oeuvre de ce mécanisme, financée par l’UNEDIC.

2.3 Organiser des forums de recrutement spécifiques au cours d’une « semaine de l’emploi des seniors »
Le développement de l’emploi des seniors repose aussi sur un effort de communication amélioré. Dans cette optique, pourrait être organisée une « semaine de l’emploi des seniors ». A l’occasion de cette semaine, notamment, des forums de recrutement destinés à ce type de public pourraient être organisés localement, au moins un par région.

Cette manifestation pourrait, en particulier, être financée par la « nouvelle institution nationale » chargée d’assurer la gestion du réseau unique, issu de la fusion de l’ANPE et des
ASSEDIC et par l’Agence Nationale pour l’Emploi des Cadres (APEC).

Publié le 30/06/2008 à 15:33 | Lu 11316 fois