EGEE : des retraités en pointe de l’accompagnement des entrepreneurs, chronique de Serge Guérin

Invité pour témoigner des enjeux de la seniorisation de la société aux trente ans de l’association EGEE Rhône-Alpes* à Lyon le 14 juin dernier, j’ai vu la société de l’accompagnement en marche. EGEE Rhône-Alpes pour Entente entre les Générations pour l’Emploi et l’Entreprise, est une association qui regroupe des retraités bénévoles qui ont eu des carrières de direction et de management et souhaitent mettre leurs compétences et leur relationnel à la disposition de créateurs d’entreprise ou de personnes en recherche d’emploi.





Au moins trois initiatives menées par EGEE Rhône-Alpes s’inscrivent dans cette dynamique d’une économie sociale de l’accompagnement, s’appuyant largement sur le mouvement associatif, les initiatives individuelles, les formes d’auto-organisation, d’autogestion et de coopération informelles.

Qu’elles soient, ou non, mises en œuvre par des structures organisées (fondations, associations, entreprises sociales et solidaires...)

A chaque fois des institutions délèguent, en assurant des moyens économiques et humains, à des associations des missions sociales. Elles inventent un Etat providence décentralisé et délégué.

Ainsi Pôle Emploi a-t-il passé une convention avec EGEE Rhône-Alpes pour le suivi des chômeurs de plus de 55 ans. L’organisme public a estimé ne pas savoir accompagner ce public et ne pas disposer en interne des compétences pour bien le faire. Il s’agit aussi, que les accompagnants soient plus en phase, en termes culturels et générationnels, avec les demandeurs.

Pour Pôle Emploi, l’objectif est bien d’assurer un meilleur service et de soutenir mieux des personnes en grande difficulté. Ici, la logique n’est pas de multiplier les moyens mais de s’adapter à une population particulière dans un cadre spécifique.

Les bénévoles d’EGEE accompagnent aussi, des jeunes (pas nécessairement en termes d’âge) créateurs d’entreprise. Tous issus de l’entreprise, les bénévoles accompagnent, conseillent, rassurent, ouvrent des portes aux créateurs.

Ces retraités sont tous ultra-expérimentés, ayant exercé comme cadres dirigeants ou chefs d’entreprise. Signalons d’ailleurs que si seulement 30% des créations d’entreprises dépassent trois ans d’espérance de vie, le taux passe à plus de 80% lorsqu’il y a un réel accompagnement. On notera enfin, que ces retraités ne sont pas avares de leur temps et peuvent se mobiliser sur une amplitude horaires et à des heures où les salariés ne sont pas présents ou que les consultants facturent à des prix sans lien avec les moyens des créateurs.

L’école d’ingénieur en agro Isara Lyon a passé une convention avec EGEE Rhône-Alpes pour que des bénévoles de l’association puisse accompagner les créateurs d’entreprise dans leur préparation comme dans leur envol. Le responsable de l’Incubateur expliquant même que certains créateurs souhaitaient s’associer avec un senior tellement le duo leur paraissait efficace et moteur !

Toujours dans le cadre de l’anniversaire des trente ans d’EGEE, des fonctionnaires de la Jeunesse et des Sports de la région sont venus expliquer pourquoi ils avaient choisis de monter un partenariat avec l’association de bénévoles.

Rappelons que l’une des missions de ce service de l’Etat est de favoriser l’intégration professionnelle et sociale des sportifs de haut niveau. Cet accompagnement doit commencer tôt pour permettre, par exemple, au sportif de suivre, avec des horaires adaptés, une scolarité s’inscrivant dans un projet professionnel et de vie.

Là encore, les services de l’Etat ne s’estimant pas outillés –et ne disposant pas du personnel suffisant- pour effectuer cette mission, ils ont préféré passer convention avec EGEE Rhône-Alpes. En effet, pour parler entreprise, projet professionnel et même projet de vie, l’idée de s’appuyer sur des seniors expérimentés, disposant de réseaux et de références est apparue pertinente. Et une fois encore, la question des moyens, de la disponibilité des personnes mais aussi de la culture doit être interrogée. Pas évident pour des fonctionnaires de Jeunesse et Sports de suivre mille sportifs de haut niveau, de s’adapter à leurs horaires et d’avoir la connaissance et le langage de l’entreprise.

Ces trois exemples montrent que des acteurs issus du monde associatif ou de l’économie sociale peuvent améliorer le service rendu à la population tout en économisant les ressources publiques. Cela montre aussi combien les retraités sont des acteurs essentiels pour le vivre en commun et l’invention d’une société plus solidaire et plus coopérative.

*Elle est en lien avec le réseau EGEE qui couvre l’ensemble du territoire et assure plus de 35 000 missions par an.

Serge Guérin, professeur à l’ESG Management School
Dernier ouvrage : « La nouvelle société des seniors », Michalon 2011

Article publié le 18/06/2012 à 09:20 | Lu 1703 fois