Asthme et environnement : l'impact du changement climatique déjà sensible, par le Pr. Chantal Raherison-Semjen

« L’asthme est vraiment une maladie environnementale, donc impactée par les changements climatiques. L’European respiratory society a d’ailleurs publié une prise de position sur le sujet » indique en préambule le professeur Chantal Raherison-Semjen du Service des Maladies Respiratoires ; Pole Cardio-Thoracique CHU de Bordeaux – Chercheur Inserm.





Un réchauffement, et des polluants

La réalité des changements climatiques recouvre notamment une évolution « vers un monde plus chaud, avec des vagues de chaleur plus importantes » selon l’Organisation internationale des Nations Unies. Or les études européennes déjà disponibles sont formelles : toute vague de chaleur se solde par une augmentation à la fois des hospitalisations pour problèmes respiratoires (asthme compris), et de la mortalité chez les personnes de plus de 75 ans.
 
« La chaleur a probablement un effet direct sur la muqueuse des bronches et via des mécanismes de régulation cardiovasculaire, explique Chantal Raherison-Semjen. Il s’y ajoute un effet indirect, par le biais des polluants atmosphériques dont la concentration augmente en cas de fortes chaleurs. C’est le cas de l’ozone. Chez le sujet sain, non asthmatique, il provoque une réaction inflammatoire au niveau des yeux et du nez. Chez la personne allergique, il joue le rôle d’un cofacteur, qui augmente la sensibilisation aux allergènes. En saison pollinique, un pic de pollution à l’ozone entraine ainsi une augmentation des crises d’asthme et de leur sévérité chez les asthmatiques allergiques aux pollens ».
 
A ces effets d’une exposition de courte durée à une forte concentration d’ozone, s’ajoutent ceux d’une exposition chronique à des concentrations plus faibles. « A terme, être exposé au long cours à des niveaux moyens d’ozone, inférieurs au seuil réglementaire, a des effets sur la santé, signale Chantal Raherison-Semjen. Nous l’avons montré dans l’étude française des six villes d’ISAAC II, qui a mis en évidence l’effet de l’ozone en particulier, et celui de la pollution atmosphérique en général, sur la santé respiratoire d’enfants âgés de 9 à 11 ans. A tout âge, vivre dans une ville polluée peut aggraver un asthme préexistant. La pollution pourrait aussi favoriser l’apparition d’un asthme. Pour devenir asthmatique il faut, certes, une prédisposition génétique, mais la maladie ne se serait peut-être pas manifestée sans pollution ».
 
De l’eau, des moisissures et des pollens

Les changements climatiques ont aussi pour conséquence une augmentation des précipitations, et des inondations. « Elles entrainent des déplacements de population et des conditions de vie précaire, rappelle Chantal Raherison-Semjen. Cette situation engendre un sur-risque d’infections respiratoires, ainsi qu’une exposition majorée aux moisissures. Des chercheurs l’ont démontré aux Etats-Unis, après l’ouragan Katrina d’août 2005. Lorsque les sinistrés sont revenus chez eux, il s’est produit une augmentation des hospitalisations pour infections broncho-pulmonaires et pour asthme grave, en lien notamment avec les très fortes concentrations de moisissures dans les logements qui avaient été inondés ».
 
Autres allergènes très souvent en cause dans l’asthme, les pollens sont tout aussi impactés par les changements climatiques. « Leur émission peut être affectée à la fois par la température et par l’humidité, tandis les vents favorisent leur dispersion, précise Chantal Raherison-Semjen. Il est probable que les changements climatiques actuels modifient à la fois la durée de la saison pollinique et son intensité. Dans certains pays, cette saison est déjà un peu plus longue. De plus, on pense que les pollens sont devenus plus allergisants. De hautes températures et des atmosphères chargées en dioxyde de carbone augmentent en effet à la fois la concentration des allergènes dans l’air et l’allergénicité. Les asthmatiques sont en première ligne. Les personnes qui souffrent d’une rhinite allergique, soit 35% de la population générale, également ! ».
 
Les changements climatiques augmentent enfin le risque de feux de forêt, qui génèrent à leur tour des pics de polluants atmosphériques. « De nombreuses études, notamment américaines, ont montré que les niveaux de pollution, en particules fines notamment, dépassaient alors les seuils autorisés, souligne encore Chantal Raherison-Semjen. Dès lors, un feu de grande envergure peut avoir des effets très importants sur la santé ». Quid des petites flambées dans la cheminée, qui ont fait l’actualité francilienne en décembre dernier ? « La combustion de la biomasse en général, dont le bois fait partie, constitue une source de pollution majeure dans le monde, aux particules fines notamment. Elle concerne principalement, mais pas seulement, les pays en voie de développement. L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs lancé une alerte en 2014, dont le slogan était : être exposé à la biomasse tue autant que fumer… En termes de chiffres, et à l’échelle de la planète, c’est une réalité ! ».

Article publié le 27/01/2015 à 09:36 | Lu 3234 fois