Anti-âge : produits de comblements et allergies par le Dr Pons-Guiraud

Dans le cadre du 10ème Congrès francophone d’allergologie qui se tient actuellement à Paris sur le thème Allergies et Vie Moderne, le docteur Pons-Guiraud de Paris revient en détail sur les effets indésirables et les allergies avérées dus aux produits anti-âge dits de « comblement ».


Réparer des ans l’irréparable outrage n’est pas une demande bien nouvelle mais l’époque actuelle peut y apporter un semblant de réponse. Le relâchement des tissus et les rides constituent les principaux signes du vieillissement cutané, visibles surtout au niveau du visage. Les techniques de comblement par injection visent à retarder ces effets du vieillissement en remplissant les petites dépressions et les sillons, et à harmoniser les contours du visage.
 
La volumétrie, technique issue de l’augmentation du nombre de produits de comblement et de leurs propriétés permet de restaurer les fontes graisseuses, de corriger l’atrophie et de bloquer la ptose. A la limite, ces techniques peuvent aussi être sollicitées pour corriger voire réparer une anatomie insatisfaisante.
 
Les produits injectables de comblement sont répertoriés comme dispositifs médicaux et ce titre soumis à la réglementation en vigueur : ils sont considérés comme des « instruments, appareils, équipements ou encore logiciels, destinés à être utilisés chez l’homme à des fins notamment de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement, d’atténuation d’une maladie ou d’une blessure ».
 
Cela signifie que ces produits sont certifiés par l’Agence Nationale de la Sécurité du Médicament (habilitée à délivrer le certificat CE), sur la base d’un dossier garantissant la qualité des processus de fabrication et des matériaux employés, mais ne comportant pas d’études cliniques. Cette situation est à l’origine d’un défaut d’évaluation du risque d’effets secondaires à plus ou moins long terme, notamment dans le cas des produits de comblement non biodégradables qui se sont avérés susceptibles de déclencher des réactions inflammatoires classiques ainsi que des effets secondaires retardés à type de granulomes, ne répondant pas ou peu aux traitements. Ils ne sont pour cette raison pratiquement plus utilisés.
 
Les produits injectables dégradables : l’acide hyaluronique est très largement utilisé avec 120 produits différents actuellement commercialisés. A l’état naturel il a l’inconvénient de se dégrader rapidement en quelques jours ce qui nécessite une modification chimique -réticulation- pour prolonger à plusieurs mois sa durée de vie. La réticulation permet d’obtenir des gels plus ou moins visqueux selon l’utilisation recherchée, produit de comblement ou volumateur.
 
L’hydroxyapatite de calcium est moins utilisé quoiqu’intéressant et l’acide polylactique est essentiellement employé pour les fontes graisseuses des joues chez les sidéens traités par antiptrotéases par exemple. Ces produits sont en général bien tolérés, mais ils peuvent toutefois, entrainer des effets secondaires, rares et heureusement réversibles.
 
On sait que toute substance étrangère introduite dans la peau est susceptible d’induire une réaction d’hypersensibilité, immédiate ou retardée. L’acide hyaluronique n’a aucune immunogénicité par lui-même, mais il faut tenir compte de la possible toxicité des produits de réticulation. Les réactions observées sont d’un grand polymorphisme clinique. Les plus fréquentes à type d’hématomes, érythèmes et oedèmes, sont des réactions inflammatoires immédiates, simples et transitoires. Des
angioedèmes aigus ont pu être rapportés, de façon heureusement rarissime.
 
On note également la formation d’infiltrations inflammatoires ou de nodules. Des nodules peuvent apparaître aussi parfois 3 à 4 semaines après l’injection posant le problème d’une éventuelle immunogénicité du produit. L’apparition de nodules de façon tardive -jusqu'à 2 ans- reste encore mal expliquée. Aussi, le problème de l’indication de ces produits se pose chez les malades porteurs de pathologies auto-immunes ou granulomateuses.
 
Ces réactions sont parfois dues à des erreurs d’appréciation, sur-correction, produit injecté dans une zone fragile, défaut d’asepsie qui peut aboutir à la formation d’un biofilm (communauté de bactéries adhérant entre elles, encapsulées dans une matrice résistant aux antibiotiques et colonisant la surface de l’implant).
 
La volumétrie présente les mêmes effets que les produits de comblement, mais amplifiés. La prévention des complications impose la recherche d’antécédents médicaux immunologiques ou infectieux, de traitements immunosuppresseur / immunomodulateurs / anticoagulants, de problèmes de cicatrisation, et des résultats d’éventuelles intervention esthétiques antérieures.
 
L’examen clinique de l’état de la peau complète le bilan clinique pour la prise de décision thérapeutique. Il faut évaluer également le caractère réaliste de la demande et la motivation du patient, de même que son profil psychologique. Il importe aussi que le dermatologue connaisse les limites de ses compétences.
 
Avant toute injection, une information complète y compris avec prise de photos doit être remise au patient avec un consentement éclairé, et un devis détaillé. Enfin, il importe de donner une réponse adaptée à l’attente et de considérer qu’une répétition des séances de comblement peut devenir une addiction aboutissant à une image de soi déroutante, parfois même méconnaissable pour le patient et son entourage.
 
Si toutes ces recommandations sont observées et si toutes les conditions d’un bon résultat sont réunies, ces techniques constituent un réel progrès dans la prise en charge du vieillissement.

Publié le 24/04/2015 à 01:00 | Lu 2073 fois