Walter Lange : il relance l’une des plus belles marques de montres au monde à l’âge de 65 ans

En 1994, l’Allemand Walter Lange relançait la manufacture horlogère familiale Lange & Söhne à l’âge de 65 ans. Vingt ans plus tard, cette marque qui appartient désormais au groupe Richemont est devenue l’une des plus prestigieuses au monde avec Patek Philippe, Vacheron Constantin ou Breguet. Alors que l’homme vient de fêter ses 90 printemps, il revient sur sa vie d’entrepreneur qui aurait pu être comme beaucoup d’autres, une vie de retraité…





Lorsque Walter Lange relance la marque A. Lange & Söhne en 1994, il transforme à jamais le monde de la haute horlogerie. Alors qu’il vient tout juste de célébrer ses quatre-vingt-dix printemps, revenons plus en détails sur l’itinéraire de cet homme hors du commun qui relança l’entreprise familiale à l’âge où d’autres partent à la retraite.
 
La devise de Walter Lange est simple : ne jamais rester immobile ! Ainsi, au lieu de prendre sa retraite à l’âge de soixante-cinq ans comme la plupart des gens dans les pays industrialisés, il décide de créer  une entreprise. C’est ainsi que le 7 décembre 1990 dans sa ville natale de Glashütte (ex-Allemagne de l’Est) qu'il a dû quitter en 1948 après l'expropriation de sa famille, il fonde la société Lange Uhren GmbH et ramène à la vie l'héritage laissé par ses ancêtres.
 
En effet, cent quarante-cinq ans auparavant jour pour jour, son arrière-grand-père Ferdinand A. Lange avait monté sa propre manufacture de montres et posé les bases de la haute horlogerie en Saxe. Toutefois, après la seconde guerre mondiale, l’entreprise est expropriée et le nom de Lange & Söhne tombe presque dans l’oubli. La chute du mur de Berlin en 1989 et la réunification des deux Allemagne offrent à Walter Lange une occasion de vivre son rêve : créer les meilleures montres du monde en Saxe. A l’âge où la plupart des hommes passent des jours heureux à la retraite, il saisit sa chance. Optimiste et un tantinet idéaliste, il souhaite apporter du travail dans la petite ville de Glashütte et donner aux habitants de sa ville natale un nouvel espoir pour l'avenir.
 
« C'était un risque à prendre confie Walter Lange, mais c’était aussi la seule façon pour moi d'aller bien... Lorsque le mur de Berlin est tombé, j'étais déjà à la retraite. Mais je ne pouvais tout simplement pas laisser passer cette occasion de faire revivre l'héritage de mes ancêtres. Le 7 décembre 1990 est un des jours les plus importants de ma vie. J'ai réinscrit la marque en utilisant l'adresse d'un ancien camarade de classe à l'école primaire à Glashütte. Nous avons dû tout recommencer de zéro ».
 
Ainsi, le 24 octobre 1994, après quatre ans de construction et de développement menés de façon intensive par l'équipe de Walter Lange et de son partenaire d'affaires Günter Blümlein, la première collection Lange de l'ère nouvelle est présentée. Ce premier quatuor de montres dépasse toutes les attentes de deux hommes tout en ressuscitant une véritable légende horlogère. L’art de la haute horlogerie a trouvé un deuxième berceau… en dehors de la Suisse !
 
À 90 ans, Walter Lange peut être fier de l’œuvre de sa vie. Après une longue série de succès horlogers, sa marque s'est établie comme une marque mondiale de luxe dans une soixantaine de pays. La petite équipe initiale a bien grandi et compte aujourd'hui 700 employé-e-s. Les quatre pièces d'horlogerie de la première collection ont donné naissance à cinq familles de montres comprenant plus de 70 références. Mais ce qui donne encore aujourd’hui le plus de satisfaction à Walter Lange, c'est que plus de mille trois cents personnes ont maintenant des emplois chez Lange & Söhne dans sa ville natale… Et dans un monde en crise, la tendance de cette entreprise est à la croissance !

Walter Lange en cinq questions

Votre plus grande force ?

Peut-être mon entêtement. Si j'avais abandonné l'espoir de faire revivre les vieilles traditions, je serais devenu un retraité ordinaire en 1990. Mais, pour moi, à 66 ans, un nouveau chapitre de ma vie a commencé. C'est encore la même chose aujourd'hui : si quelque chose est important pour moi, je le soutiens avec toute mon énergie. Je dis aux gens ce que j'aime –et aussi ce que je n'aime pas, ce qui n'est pas toujours facile avec les personnes concernées. Mais c'est acceptable à mon âge et avec mon expérience, je pense.
 
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes aujourd'hui ?

Chaque génération doit découvrir sa propre voie. Une chose, peut-être : à mon avis, il y a trop d'insatisfaits à ce jour. Tout le monde est stressé. Les conditions étaient totalement différentes quand j'étais jeune. Lorsque nous partions à Dresde, ma mère emballait quelques pommes de terre bouillies pour nos provisions, c'était tout. Ou bien, après la guerre, un repas se composait d'une soupe d'eau avec des pommes de terre râpées, une prétendument Zudelsuppe. Un an plus tard, c'était avec des carottes du jardin. Nous étions satisfaits de ce que nous avions. Je souhaiterais que les jeunes d'aujourd'hui fassent pareil plus souvent.
 
Vous allez avoir 90 ans. Pouvez-vous nous donner votre recette pour une longue vie ?

Le week-end, j'allais souvent dans la campagne. Loin de la ville, je me dégourdissais les jambes, profitais du magnifique paysage et respirais l'air frais. Ça faisait du bien de recharger les batteries de cette façon. Aujourd'hui, j'essaie de faire une promenade au moins une fois par jour. Il y a un autre aspect encore plus important : la pensée positive. Les informations sont dominées par des titres négatifs. C'est déprimant. Nous devons nous concentrer sur les choses agréables de la vie. Les gens comme moi qui ont connu la crise économique de 1929 et la seconde guerre mondiale savent à quel point la vie peut être merveilleuse aujourd'hui. La pensée positive. Cela signifie faire ce que vous voulez vraiment et regarder vers l'avenir avec courage et enthousiasme. Pour moi, ce sont les clés pour une longue vie.
 
Comment allez-vous ces jours-ci ?

Je suis aussi bien qu'une personne de mon âge peut l'être. Bien sûr, j'ai parfois des douleurs, ici et là, mais dans l'ensemble, je suis toujours en bonne forme. Pour cela, je suis très reconnaissant. En fait, une bonne santé est mon seul souhait. Sinon, je suis heureux à tous les égards.
 
Que se passe-t-il dans une journée type de votre vie actuelle ?

Cela dépend. Quand je suis à la maison, les jours ne sont pas très excitants. Je lis, je passe des appels téléphoniques, je passe du temps dans mon jardin. Quand je suis en voyage, mon emploi du temps est déterminé par les événements auxquels je participe, si des interviews ou des dîners sont prévus. À Glashütte, j'aime visiter les ateliers de nos horlogers. Peu importe où je suis, j'essaie toujours de faire une sieste après le déjeuner. C'est relaxant et ça me donne de l'énergie pour la deuxième moitié de la journée.

Article publié le 20/08/2014 à 15:46 | Lu 1477 fois