Vieillir "chez soi" quand on vit avec la maladie d'Alzheimer

Le Collectif Alzheimer Ensemble a choisi, pour sa 4eme rencontre territoriale qui a eu lieu à Dax (Landes) le 14 décembre dernier, de consacrer cette évènement aux solutions alternatives d’habitat pour les personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer. A cette occasion, ont été dévoilés les résultats d’une nouvelle étude* indiquant le souhait des Français de plus de 50 ans de vouloir vieillir « chez eux » dans leur très grande majorité.


Habitat inclusif, virage domiciliaire, habitat alternatif… En réponse aux enjeux de la transition démographique, les travaux et rapports dédiés aux nouveaux « chez soi » dans le cadre du vieillissement et de la perte d’autonomie foisonnent, mais ils ne concernent étonnamment que très peu les personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer.
 
Pourtant, après 75 ans, deux-tiers des personnes vivant en institution et une sur six vivant à domicile présentent des troubles cognitifs.
 
« Mais est-ce le meilleur choix quand on est atteint de troubles cognitifs ? Lorsque la maladie devient trop lourde à gérer pour les proches, la seule alternative au domicile est-elle l’EHPAD ? Quels types d’habitat peuvent permettre aux personnes malades et à leurs proches aidants de mieux vivre au quotidien ? » interroge Hélène Jacquemont, présidente de la Fondation Médéric Alzheimer.
 
Vieillir en EHPAD ou à domicile : une dichotomie bien connue des Français
Ainsi, 80% des Français âgés de plus de 50 ans envisagent pouvoir se retrouver un jour en perte d’autonomie selon le récent sondage Ifop/Fondation Médéric Alzheimer. Plus d’un tiers même s’en inquiète (36%), plus encore les femmes (43%) ou les personnes en situation de handicap (45%).
 
Interrogés sur leurs attentes en termes d’habitat pour leurs « vieux jours », ces sondés de plus de 50 ans plébiscitent leur domicile à 82% (sans trop de surprise, tous les sondages disent la même chose depuis quinze ans) mais tout en sachant raisonnablement qu’il ne serait pas nécessairement adapté à leur état de santé en vieillissant (48%).
 
Cette crainte est d’autant plus répandue parmi les ruraux, les locataires et les personnes en situation de handicap ou atteintes d’une maladie chronique.
 
Dans la perspective de leur avancée en âge, les seniors envisagent de déménager dans un logement : équipé dans la perspective d’une perte d’autonomie (59%) ; adapté, par exemple, avec une chambre de plain-pied (56%) ; plus près de leurs proches (51%) et moins isolé (43%).
 
Concernant Alzheimer en particulier, les Français interrogés sont partagés concernant le type de logement le plus adapté. Pour plus du tiers -35%-, le domicile avec l’assistance d’une aide est privilégié versus l’EHPAD à 30%. Mais ces résultats s’inversent dès lors que les répondants ont un proche malade d’Alzheimer.
 
L’habitat inclusif : une alternative méconnue mais jugée intéressante par les Français
Une troisième voie semble acceptée autour de l’habitat inclusif, alternative à l’EHPAD et au domicile, bien que celle-ci soit encore mal identifiée. Les Français de plus de 50 ans sont seulement 28% à avoir déjà entendu parler de l’habitat inclusif et 6% à savoir précisément de quoi il s’agit.
 
Mais dès lors qu’on leur présente les caractéristiques de ces hébergements, ils sont plus nombreux à les plébisciter et les estiment intéressants : 80% pensent que c’est une bonne solution pour une personne vivant avec Alzheimer.
 
Les seniors estiment d’ailleurs très largement (91%) que les pouvoirs publics doivent encourager le développement de solutions d’hébergement alternatives aux EHPAD et au maintien à domicile.
 
« Un important travail d’information des publics doit être réalisé pour que ces solutions alternatives soient mieux connues et plébiscitées. De surcroît, l’offre proposée doit l’être à un prix acceptable, car cette enquête nous apprend par ailleurs que le coût de l’hébergement est le premier critère de choix d’un établissement en cas de départ du domicile », précise Christine Tabuenca, directrice générale de la Fondation Médéric Alzheimer.
 
Encourager de nouvelles formes d’habitat pour les personnes vivant avec Alzheimer
Depuis l’accueil familial jusqu’à l’habitat groupé en passant par les colocations Alzheimer, les formules d’habitat alternatif se diversifient mais restent insuffisamment développées. Il ne s’agit pas de les hiérarchiser par rapport au domicile ou à l’EHPAD, mais bien de montrer qu’il en existe de multiples.
 
« En donnant aux personnes vivant avec Alzheimer et à leurs proches un véritable choix de lieu de vie correspondant à leur projet et à leurs désirs, ces alternatives dessinent la société inclusive à laquelle nous sommes attachés », insiste Hélène Jacquemont.
 
Pour chaque projet de vie, une solution adaptée : bref aperçu de solutions alternatives inspirantes
Le Village Landais Alzheimer, tout d’abord, constitue l’une des dernières avancées majeures en termes d’habitat alternatif et inclusif. Il s’agit d’y « être comme à la maison » - avec des éléments architecturaux utiles facilitant la vie - ou encore les astuces spécifiques à la maladie d’Alzheimer rendant néanmoins le lieu universel, adapté à tous, dans une certaine réversibilité.
 
Les domiciles partagés du Morbihan accueillent quant à eux, depuis plus de 15 ans dans chacune des 49 maisonnées, 8 personnes vivant avec Alzheimer, accompagnées par 7 assistants de vie. La place de la personne est centrale avec une attention portée au besoin individuel et collectif.
 
Elle est suivie « comme à la maison » (médecin, paramédical), 24h/24h. Le caractère inclusif du logement dans la vie de la cité et parallèlement la notion de projet de vie partagé (réciprocité du respect personne/autrui) sont au cœur de la démarche.
 
« Cette Famille » développe et propose un réseau d’accueillants familiaux formés à l'accompagnement des personnes fragiles ou vivant avec la maladie d’Alzheimer. Dans un domicile adapté, ces personnes peuvent rester actrices de leur vie et bénéficier d’un cadre rassurant et sécurisé grâce à la formation spécifique reçue par l’accueillant (prise en soin, communication adaptée, gestion des troubles du comportement…).
 
Les colocations Alzheimer de Hambourg, un nouveau mode d’hébergement destiné aux personnes âgées atteintes de troubles cognitifs. Habitats développés dans des logements avec statut de domicile privé, ces colocations sont gérées par les familles sur le modèle de la responsabilité partagée. Les colocataires sont accompagnés au quotidien par des services d’aide et de soin.
 
Avec le Dispositif Renforcé de Soutien au Domicile (DRAD), la Mutualité Française s’est engagée dans une expérimentation nationale d’alternative réelle à la vie en EHPAD pour la personne de plus de 60 ans en perte d’autonomie et son proche.
 
Partant du bouquet de services proposé en EHPAD, se structure un accompagnement à domicile pour y rester le plus longtemps possible. Ce dispositif repose sur 4 piliers : l’adaptation du logement, l’accès à une expertise médicale renforcée, la coordination des acteurs (infirmiers), la formation des professionnels.
 
Les maisons Ama vitae à Villeneuve d’Ascq du Groupe Orchidées proposent des logements en colocation pour 8 personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ou apparentée. Le mode de vie et d’accompagnement s’inspire de l’approche carpe diem (Québec, Nicole Poirier) qui favorise un regard différent porté par la personne au travers de ses capacités, sans nier la maladie. L’une des spécificités du dispositif repose sur la formation des intervenants polyvalents, directement employés par les habitants (modèle Maison des Sages).
 
*Ifop/Fondation Médéric Alzheimer « Opinions, connaissances et aspirations des seniors concernant les habitats et la perte d’autonomie ».

Publié le 16/12/2021 à 10:28 | Lu 9882 fois