Une éducation libertine de Jean-Baptiste del Amo : les clystères de Paris

C’est au sens propre que Jean-Baptiste Del Mano, pour son premier roman (vu la réussite de celui-ci on attend impatiemment les suivants), plonge dans le Paris de 1760. Nous voici dès les premiers mots de la première page du premier chapitre dans « Paris, nombril crasseux et puant de la France ».





Quelques pages plus loin nous sommes dans les eaux de la Seine fangeuse où flottent maints débris plus ou moins repoussants dont quelques morceaux de cadavres et parfois une tête de nourrisson.

Gaspard nous accompagne. Ce fils de paysan vient d’arriver de Quimper et son premier travail est d’arracher au fleuve des billes de bois flotté. C’est lui qui nous entraine ensuite dans quelque bâtisse sordide où il loge dans la chambre d’un pendu.

Cette vie qu’il veut fuir l’amène à franchir la Seine et à se faire l’apprenti d’un perruquier. Sa chambre située dans la cave, périodiquement inondée, puant la moisissure et les égouts est déjà occupée par toute une famille de rats.

Parmi la clientèle, le comte de V. Il à la réputation d’un libertin. Son charme attire irrésistiblement le jeune breton. Il entreprend de faire son éducation. Il l’entraîne dans les bouges crasseux, lui fait visiter la morgue de la prison du Grand Chatelet. Jusqu’à l’écœurement de l’élève. Du lecteur aussi.
Une éducation libertine

Est-ce là qu’il faut trouver la force de ce livre, dans cette description minutieuse de l’abject. Elle est nécessaire, elle est indispensable pour qui veut pénétrer l’esthétisme de la philosophie libertine. Il faut faire l’expérience de ce qui est le plus odieux dans l’homme pour sentir à quel point « en tout temps, à toute époque, notre race se rend inapte à réaliser sa déliquescence, au sursaut de conscience ».

Belle leçon, dangereuse aussi pour le jeune Gaspard dont l’« esprit est assez vierge encore pour croire que l’infamie existe ailleurs que dans le quotidien ».

Une éducation libertine
Jean-Baptiste del Amo
Editions Gallimard
431 pages
19 euros

Article publié le 29/12/2008 à 11:20 | Lu 7304 fois