Transmission de patrimoine : attention aux conflits post-donation

À la tête d’un patrimoine confortable, vous envisagez de transmettre de votre vivant une partie de vos biens à vos proches. En effet, au regard de la situation économique actuelle, vous souhaitez apporter de l’aide à vos enfants ou petits-enfants en leur permettant d’acquérir un bien immobilier ou en finançant leurs études supérieures.


Outre l’aspect altruiste de la donation, cette opération vous permettra d’anticiper la transmission de votre patrimoine dans des conditions fiscales favorables par le bénéfice d’abattements. Malgré ses avantages certains, la donation peut se transformer à long terme en un « cadeau empoisonné » générateur de conflits entre héritiers.
 
La réserve héréditaire : une sérieuse limite à la liberté de donner :

Prévue à l’article 912 du Code civil, la réserve héréditaire est la fraction du patrimoine du défunt revenant obligatoirement aux héritiers réservataires (les descendants ou à défaut le conjoint survivant). Cette réserve a une double vocation : maintenir l’égalité entre les héritiers et protéger la famille contre des tiers qui auraient bénéficié de libéralités excessives.
 
Il est donc impossible de déshériter l’un de ses enfants sauf dans des hypothèses strictement encadrées par le législateur (par exemple en cas d’indignité).
 
Néanmoins, vous pouvez librement disposer de votre quotité disponible, qui est calculée en fonction du nombre d’héritiers réservataires. La quotité disponible représentera la moitié de votre patrimoine en présence d’un enfant, un tiers en présence de deux enfants, et le quart en présence de trois enfants ou plus.
 
Afin d’éluder tout conflit entre héritiers, il convient de s’assurer qu’en cas de donation, la réserve héréditaire de chacun des héritiers ne sera pas entamée. L’égalité est donc l’âme des partages. 

 

Le respect du principe de « l’égalité successorale » par l’application des règles de rapport et de réduction : 

Lorsque vous avez décidé de gratifier seulement l’un de vos enfants (en cas de handicap ou pour soutenir un projet d’avenir), le terme de donation est simplement retenu.
 
Afin de prévenir les litiges entre héritiers, le législateur prévoit que les donations (directes ou indirectes comme les dons manuels) sont rapportables sauf si le donateur en a expressément disposé autrement.
 
Le Code civil distingue à cet égard la donation dite « en avancement d’hoirie » et la donation dite « hors part successorale » (ou donation préciputaire).
 
La donation « en avancement d’hoirie » est régie par la règle de rapport. Cela signifie que l’héritier bénéficiaire devra restituer à la succession la valeur du ou des biens reçus. Cette exigence légale a pour vocation d’éviter que la donation empiète sur la réserve des autres héritiers.
 
Il convient par ailleurs de préciser que pour conserver la donation, celle-ci sera imputée en priorité sur la part de réserve de l’héritier, l’excédent étant quant à lui imputé sur la quotité disponible. Si celle-ci demeure insuffisante, une action en réduction pourra être engagée. Dans ce cas, les libéralités sont réduites dans l’ordre chronologique inverse : en commençant par la plus récente qui peut être complètement annulée et faire l’objet d’un remboursement total aux héritiers réservataires ainsi lésés.
 
En outre, il convient de souligner que le bien est rapporté à la succession avec sa valeur à la date du partage. S’agissant des donations de sommes d’argent, elles feront l'objet d'un rapport égal à leur montant, sauf si elles ont servi à acquérir un bien. Dans cette hypothèse, ce sera la valeur dudit bien qui devra être rapportée.

La donation hors part successorale est quant à elle dispensée de rapport. Celle-ci est à cet égard particulièrement avantageuse pour favoriser l’un de vos enfants. Assurément, une telle donation s’apparente à une donation faite à un tiers. Néanmoins, il convient de préciser que pour procéder au calcul de la quotité disponible, il est nécessaire de rapporter fictivement la valeur des biens donnés à la succession. Cette valeur s’entend au jour du partage dans l’état dans lesquels les biens étaient au jour de la donation.          
 
Les successions constituent un sujet sensible. En effet, les donations sont le moteur de nombreuses querelles familiales : prêt à un enfant qui n’a jamais été remboursé, don consenti à un membre de la famille qui provoque la jalousie des autres, l’arrivée d’un nouveau conjoint ayant des enfants d’un premier lit. Il en résulte que dans le cadre d’une action en réduction, les héritiers réservataires auront tout intérêt à solliciter l’aide d’un avocat expérimenté en droit des successions, notamment devant le Tribunal de Grande Instance où la représentation par un avocat est obligatoire.
 
Il parait toutefois opportun de préciser que le recours au procès n’est pas automatique, l’avocat sera tout à fait habilité à mener une procédure amiable.  

Transmission de patrimoine : attention aux conflits post-donation
Line Joas, juriste, sous la Direction de Maître Jacques KAPLAN, Avocat

Avocats Picovschi

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Publié le 06/07/2015 à 02:00 | Lu 7544 fois