Portage de repas à domicile : trois questions à Diane Michaud de chez Xerfi Precepta

La société Xerfi-Precepta vient de publier une étude approfondie sous le titre : « La dynamique du marché du portage de repas à domicile à l’horizon 2023 - Impacts de la crise sanitaire, nouveaux défis et leviers de croissance des acteurs ». Le point en trois questions avec Diane Michaud en charge des études seniors et auteur de cette étude.


La crise du Covid-19 a-t-elle été favorable au marché du portage de repas à domicile ?
La crise sanitaire a mis en évidence le caractère essentiel des services d’aide et d’accompagnement au domicile pour les personnes âgées tels que le portage de repas ou encore l’aide à la toilette.
 
Le portage de repas a été davantage sollicité pendant la période de confinement. De nombreux bénéficiaires ont en effet fait appel à des sociétés de portage de repas pour compenser l’indisponibilité d’une aide extérieure (entourage, aidants informels, sociétés de services à la personne…).
 
C’est ainsi que ce segment a fait figure d’exception dans le secteur des services à la personne, lourdement affecté par le Covid-19. Et ces acteurs devraient même en sortir renforcés. A titre d’exemple, le Groupe La Poste est passé d’environ 6.000 à 11.000 repas par jour entre le début de confinement et la mi-juin.
 
Hormis le contexte sanitaire actuel, le vieillissement de la population et la hausse du nombre de seniors en perte d’autonomie constituent également de puissants moteurs de la demande de livraison de repas à domicile.
 
Dans ce contexte, le marché français du portage de repas à domicile est attractif. Il devrait en effet progresser au rythme d’environ 2% par an d’ici 2023 pour atteindre 540 millions d’euros (contre 500 millions en 2019), selon nos prévisions.
 
Seule ombre au tableau : les pressions tarifaires resteront fortes alors que les collectivités et les associations pratiquent des tarifs très bas pour garantir l’accès à ce service aux personnes précaires. Il reste maintenant aux professionnels à transformer l’essai, c’est-à-dire à fidéliser les nouveaux bénéficiaires pris en charge pendant la crise sanitaire mais aussi à redimensionner leur offre pour s’adapter aux besoins du marché post Covid-19.
 
Quelles sont alors les options stratégiques possibles pour s’adapter aux mutations du marché ?
La densification du maillage territorial est une piste à creuser pour s’adapter aux mutations du marché et trouver des relais de croissance. Les acteurs du portage de repas sont en outre potentiellement menacés par le conditionnement des avantages fiscaux octroyés aux bénéficiaires à la fourniture d’une offre globale de services.
 
Dans ces conditions, ils enrichissent leur offre pour pérenniser leur activité. Le développement de services complémentaires est de fait un bon moyen pour se positionner comme un interlocuteur unique auprès de leurs bénéficiaires.
 
Les opérateurs misent également sur la personnalisation de l’offre pour gagner des parts de marché. Choix des menus (régime sans sel, formule complète ou simple collation, etc.), choix des livraisons et conseils d’un diététicien : les solutions ne manquent donc pas pour séduire et fidéliser les nouveaux adeptes.
 
Les professionnels accordent aussi une attention croissante à la qualité de la relation entretenue avec leurs nouveaux clients et leur entourage. En parallèle, le durcissement de la règlementation appliquée aux emballages plastiques jetables pousse les préparateurs de repas à repenser leur processus de conditionnement.
 
La concurrence est-elle appelée à monter d’un cran ?
Longtemps, l’intensité concurrentielle est restée relativement faible, en particulier dans les zones isolées où les bénéficiaires ont rarement le choix entre plusieurs prestataires. Une situation qui s’explique par la mainmise historique des acteurs publics et privés à but non lucratif sur ce marché et par la forte fragmentation de l’offre.
 
Sans oublier que les contraintes réglementaires freinent l’arrivée de nouveaux entrants. Mais la donne est en train de changer. Les inaugurations d’agences par les réseaux sous enseigne (comme Les Menus Services ou Coviva) ont été nombreuses dans les zones urbaines.
 
En raison de l’homogénéité des offres, les sociétés de portage de repas ont globalement tendance à aligner leurs tarifs sur les aides versées au titre de l’APA pour ne pas faire supporter un reste à charge trop élevé aux seniors.
 
La rivalité va également se renforcer sous l’effet de l’arrivée de nouveaux entrants, attirés par les perspectives du marché. Des acteurs présents en amont ou en aval de la livraison de repas (maintien à domicile, industrie agroalimentaire…) ainsi que d’activités connexes (livraison de repas en entreprise notamment) pourraient s’y positionner.
 
Compte tenu de leur connaissance des régimes adaptés aux personnes âgées et des grandes capacités de leurs cuisines centrales, les acteurs des services à la personne et du secteur médico-social ont de solides atouts à faire valoir.
 
Déjà, des groupes privés issus de la dépendance en établissements comme DomusVi, Orpea, Colisée ou Korian mais aussi des géants de l’hospitalisation privée comme Ramsay Santé ont investi ce marché. Dans ces conditions, les structures de petite envergure pourraient bien faire les frais d’opérations de croissance externe de la part de leurs concurrents et/ou de nouveaux entrants. 

Publié le 03/09/2020 à 10:00 | Lu 5598 fois