Nutrition, vieillissement et os… : ostéoporose

Lors de la 48ème Journée annuelle de nutrition et de diététiques (JAND) qui s'est tenue le 25 janvier dernier au Cnit de Paris-la-Défense, les scientifiques ont passé en revue les facteurs nutritionnels qui retardent la sénescence et facilitent un vieillissement réussi tout en permettant de rester le plus longtemps possible actif et pertinent. Dans ce contexte, le professeur Véronique Coxam rappelle que la perte osseuse qui caractérise l’ostéoporose des femmes après la ménopause relève de la carence hormonale mais que les phénomènes inflammatoires et le stress oxydatif jouent aussi un rôle. Apports suffisants en calcium et en vitamine D sont essentiels à la prévention nutritionnelle, vitamines C et E, polyphénols, rapport oméga 6/oméga 3 bas pourraient être des adjuvants.





Par Véronique Coxam, directeur de recherche INRA Unité de Nutrition Humaine, UMR 1019 INRA, Clermont Ferrand

L’ostéoporose est une maladie chronique résultant d’une réduction du contenu minéral de l’os et d’une altération de la microarchitecture osseuse liée à l’âge. Elle engendre une fragilisation du squelette particulièrement invalidante. Son apparition accélère considérablement l’entrée en dépendance du sujet vieillissant.

La prévention nutritionnelle de l’ostéoporose repose sur des règles simples d’équilibre et de diversification alimentaire. La consommation régulière de produits laitiers riches en calcium et de vitamine D doit en effet être associée à celle de nutriments ostéoprotecteurs apportés par les autres classes d’aliments.

L’étiologie de l’ostéoporose
Le principal facteur inducteur de la perte osseuse liée à l’âge est la modification de l’imprégnation hormonale de l’organisme engendrée par l’arrêt du fonctionnement des ovaires lors de la ménopause. Les hormones sexuelles participent en effet au maintien de l’équilibre entre la formation et la résorption de l’os.

Le développement de phénomènes inflammatoires chroniques et la diminution de la capacité de l’organisme à lutter contre le stress oxydatif sont deux autres processus associés au vieillissement qui participent à l’ostéoporose. Dans certaines situations physiologiques, l’installation d’une acidose (acidification du milieu extracellulaire), liée à l’âge et/ou induite par l’alimentation, contribue également à la perte osseuse. .../...

Prévenir la perte osseuse
Les recommandations nutritionnelles visant à prévenir l’ostéoporose s’articulent selon deux grands axes : (i) fournir une quantité adéquate d’éléments constitutifs de l’os tels que les protéines et le calcium, et (ii) apporter des nutriments et des micronutriments qui contribuent à protéger la masse osseuse.

Fournir des éléments constitutifs en quantité adéquate
- Les protéines sont fondamentales au tissu osseux. Elles assurent un rôle structural en formant la matrice sur laquelle se déposent des cristaux de phosphate de calcium. Elles interviennent également dans différents processus de reconnaissance et/ou d’interaction avec d’autres molécules, en particulier avec celles impliquées dans la régulation du dépôt minéral.

S’il est difficile de déterminer précisément le niveau d’apport protéique optimal pour conserver une masse osseuse satisfaisante, il est clair que les carences comme les excès sont délétères. Un excès protéique peut en effet entraîner une fuite du calcium. Or, le calcium est l’élément déterminant de la qualité du squelette car il lui confère ses propriétés de rigidité. Si une supplémentation calcique n’est pas forcément un gage de majoration du capital osseux, toute carence s’avère extrêmement délétère.

L’optimisation du statut calcique doit être assurée par la couverture des besoins définis par les apports nutritionnels conseillés. Elle doit aussi permettre d’assurer à une meilleure gestion des pertes résultant d’un éventuel déséquilibre alimentaire. Le lait et les produits laitiers sont les principaux pourvoyeurs en calcium, mais les eaux de boissons, les fruits, les légumes et les céréales peuvent également contribuer aux apports.

Toute calcithérapie doit être associée à une prescription de vitamine D, une molécule absolument nécessaire au transport du calcium jusqu’aux cellules de l’os. Les aliments riches en vitamine D sont les poissons gras et les huiles de poissons. Chez le sujet âgé, le bénéfice d’un tel régime est bien démontré.

Fournir des nutriments protecteurs
- Des microconstituants dotés de propriétés oestrogéniques tels que les phytooestrogènes pourraient prévenir la perte osseuse. Ces molécules sont trouvées en quantité dans le soja. Des études observationnelles conduites chez les femmes asiatiques ménopausées ont confirmé leur effet protecteur. Néanmoins, l’extrapolation de ces données à la situation occidentale reste difficile. En outre, il est indispensable de démontrer leur impact sur le risque fracturaire et de vérifier leur innocuité.
- Les micronutriments aux propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires ont un intérêt certain. Il a été montré qu’une consommation importante de vitamine C (>67 mg/jour) et de vitamine E (>6,2 mg/ jour) est associée à une réduction significative du risque de fracture. La vitamine C agirait en stimulant la formation osseuse. La vitamine E inhiberait les processus inflammatoires délétères impliqués dans la genèse de l’ostéoporose et piègerait les radicaux libres. Les vitamines B possèdent elles aussi un potentiel ostéoprotecteur.
- Les polyphénols sont connus pour prévenir diverses pathologies associées au stress oxydatif. Leur impact sur le métabolisme osseux n’a pas été beaucoup étudié, mais quelques données obtenues chez l’animal suggèrent qu’ils auraient un effet ostéoprotecteur.
- Les lipides peuvent aussi jouer un rôle dans la physiologie osseuse. Il a été observé qu’un ratio acides gras oméga 6/oméga 3 élevé contribue à une déminéralisation de la hanche, chez la femme comme chez l’homme.
- Enfin, parmi les nutriments protecteurs, il ne faut pas oublier la vitamine K. Elle est indispensable au bon fonctionnement de l’ostéocalcine, une protéine du tissu osseux impliquée dans les processus de minéralisation.

La prise en charge nutritionnelle de l’ostéoporose ne doit pas se limiter à des recommandations concernant la consommation de produits laitiers. Même l’intérêt de certains nutriments dans la prévention de la perte osseuse n’est pas encore entièrement démontré, la prévention nutritionnelle de l’ostéoporose doit prendre en compte l’alimentation dans sa globalité pour être efficace. Par ailleurs, il est fondamental d’appliquer l’ensemble de ces recommandations tout au long de la vie puisque l’acquisition d’une masse osseuse maximale avant l’âge de 30 ans est aussi critique à la qualité du squelette du sujet âgé que la maîtrise du processus de perte osseuse liée au vieillissement.

JAND : l'une des plus importantes réunions francophones de nutrition

Fondée en 1960 par les Professeurs Henri Bour et Maurice Dérot, alors Chefs de Service à l'Hôtel-Dieu et organisée en collaboration avec l'Institut Benjamin Delessert, la Journée Annuelle de Nutrition et de Diététique est l'une des plus importantes réunions francophones de Nutrition. Elle rassemble chaque année plus de 1000 participants : diététiciens et médecins (pour plus de la moitié) mais également des cadres de l'industrie alimentaire, des étudiants et des journalistes, parce que la Nutrition est devenue une préoccupation légitime et un centre d'intérêt majeur, bien au-delà du cercle des spécialistes.

Article publié le 15/02/2008 à 06:20 | Lu 12847 fois