Maladies parodontales, obésité et maladies cardiovasculaires : une intime association

Les maladies parodontales sont des maladies infectieuses dues à la présence de bactéries logées entre la gencive et la dent. Elles entraînent une destruction du parodonte composé des tissus de soutien de l’organe dentaire : gencive, cément, ligament et os alvéolaire. Sous-estimées, elles sont potentiellement associées à la santé générale. En France, un adulte sur deux est ou sera concerné.


D’après un entretien avec le docteur Philippe Bouchard, président scientifique du Congrès ADF 2013

Il existe trois grands types de maladies parodontales :

La gingivite associée à la plaque dentaire

Forme la plus commune des gingivites, c’est une inflammation réversible de la gencive due à l’accumulation de plaque bactérienne. Elle touche l’enfant, l’adolescent et l’adulte. La gingivite se caractérise par un infiltrat inflammatoire situé sous la gencive.

Elle se manifeste par des saignements de la gencive et une augmentation plus ou moins importante de son volume. Cette gingivite peut être facilement traitée en éliminant mécaniquement la plaque dentaire à l’aide d’une brosse à dent. Si cette plaque bactérienne n’est pas retirée par un brossage suffisant, elle précipite, au contact de la salive, et entraîne la formation de tartre que seul un chirurgien-dentiste peut éliminer lors d’un détartrage.

La parodontite chronique

C’est la plus forme la plus fréquente des parodontites. A l’inverse de la gingivite, la parodontite chronique détériore les tissus de soutien profonds de la dent, à savoir le ligament parodontal, qui retient l’organe dentaire à l’os alvéolaire qui l’entoure, et l’os alvéolaire lui-même. Ce type de maladie atteint exceptionnellement l’enfant et rarement l’adulte avant 35 ans.

Un infiltrat inflammatoire augmente en volume, aboutissant à la formation d’une « poche parodontale » entre la gencive et la dent. Le diagnostic clinique repose sur la détection de ces poches parodontales et sur la mesure de leur sévérité. La destruction osseuse est alors irréversible. On observe parfois des signes de suppuration entre la gencive et la dent (microabcès), de mobilité et/ou de migration de cette dernière. La parodontite chronique aboutit, en l’absence de traitement, à la perte de la dent non soutenue par son tissu osseux.

La parodontite agressive

Celle-ci se distingue de la parodontite chronique par sa sévérité et sa rapidité d’évolution. Elle provoque des pertes osseuses essentiellement au niveau des molaires et des incisives. Elle concerne majoritairement l’enfant et l’adulte jeune avant 35 ans et sa prévalence est peu élevée. Le traitement des parodontites consiste à nettoyer les poches parodontales et à prescrire des antiseptiques. Les antibiotiques sont le plus souvent indiqués en cas de parodontite agressive, exceptionnellement prescrits en cas de parodontite chronique. Les cas complexes peuvent nécessiter un complément thérapeutique incluant l’orthodontie et la mise en place de prothèses dentaires.

En dehors de la consommation de cigarettes et des diabètes, qui constituent les principaux facteurs de risque, l’âge, des pathogènes spécifiques, la précarité, le sexe (masculin) et le stress ont une incidence certaine sur les parodontites. De récentes études indiquent une relation étroite entre les parodontites et des indicateurs métaboliques tels que l’IMC, l’obésité abdominale, la résistance à l’insuline, le taux d’HbA1C.

Maladies parodontales, obésité et maladies cardiovasculaires : une intime association

Ces dix dernières années, un nombre croissant d’études épidémiologiques ont étudié l’association entre les maladies parodontales, parodontites chroniques en particulier, et différentes affections telles que les maladies cardiovasculaires, les diabètes, les affections pulmonaires, le risque d’accouchement prématuré, les cancers et l’obésité.

Pour les maladies cardiovasculaires

La santé parodontale n’est plus seulement indispensable à la conservation des dents mais elle est nécessaire au maintien de l’état général. Toutes les études actuellement démontrent le lien entre maladies parodontales et maladies cardiovasculaires.

En effet, les maladies parodontales augmentent le risque de survenue d’un accident vasculaire cérébral (Johansson, Johansson et al. 2005) et d’un infarctus du myocarde (Andriankaja, Trevisan et al. 2011) après ajustement sur les facteurs de risque communs à ces deux maladies (tabac, diabète, âge, sexe).

Des études ont également démontré le lien entre maladies parodontales et hypertension artérielle (Tsakos, Sabbah et al. 2010 ; Vidal, Figueredo et al. 2011). Une récente étude réalisée sur plus de 11 000 sujets a d’ailleurs permis de mettre à jour qu’une mauvaise hygiène orale était associée à un risque augmenté de survenue d’une maladie cardiovasculaire (de Oliveira, Watt et al. 2010).

Deux hypothèses biologiques majeures sont actuellement avancées :

- Les maladies parodontales pourraient provoquer une « inflammation » se traduisant par la libération de cytokines (interleukines en particulier), de protéine C-réactive, de dérivés réactifs de l’oxygène favorisant le développement de l’athérosclérose ;

- Les bactéries parodontales, en se greffant localement à une lésion vasculaire, participent à l’athérogenèse.

Le traitement parodontal, en particulier chez le sujet âgé, où des plaques d’athérome cliniquement silencieuses sont présentes, pourrait constituer un nouvel axe participant à la prévention ciblée des accidents cardiovasculaires.

A la lumière de ces connaissances, il y a lieu de s’interroger aujourd’hui sur la mise en place d’actions préventives favorisant l’éducation pour une meilleure hygiène bucco-dentaire et la prise en charge optimale des traitements du parodonte.

Les 3 mesures à prendre pour une prévention efficace des maladies parodontales

- Un brossage méticuleux d’au moins deux minutes matin et soir, complété par l’utilisation du fil dentaire ou de la brossette afin d’éliminer résidus alimentaires, bactéries et tartre.

- Le choix d’une bonne brosse à dents à changer tous les mois.

- Un détartrage, une à deux fois par an au moins, pour éliminer la plaque bactérienne.

Pour l’obésité

On observe une augmentation de la plaque bactérienne chez les sujets obèses comparés aux non-obèses. La parodontite chronique est également associée à l’obésité abdominale et au syndrome métabolique. Les parodontites pourraient, concourir à l’aggravation de l’obésité en augmentant le nombre de dents absentes et en provoquant des troubles de la mastication, participant au déséquilibre alimentaire.

La cavité buccale, porte d’entrée du tube digestif, doit donc être impérativement prise en compte dans le traitement de l’obésité. En effet, les pathologies de la bouche (caries, maladies parodontales, pathologies de la muqueuse buccale, sécheresse buccale…) doivent être particulièrement recherchées et traitées car l’évaluation de la fonction masticatoire et son rétablissement sont nécessaires à la pérennité des résultats des traitements de l’obésité.

L’association entre obésité et carie dentaire est essentiellement liée à la qualité de la nutrition. Chez l’enfant, la relation entre obésité et lésion carieuse est vraisemblable et le risque carieux serait en partie lié à l’âge de survenue de l’obésité. Les caries non traitées peuvent générer des lésions infectieuses des maxillaires se développant le plus souvent à bas bruit. Ces lésions aboutissent, en l’absence de traitement, à la perte des dents et à un déficit de l’os de soutien. Ainsi, l’efficacité masticatoire du patient obèse se trouve diminuée et contribue à l’aggravation de son état.

Généralement, le nombre de dents reste l’indicateur le plus utilisé pour décrire les capacités masticatoires d’un patient et un nombre de dents résiduelles inférieur à 21 est associé à un risque d’obésité trois fois plus important.

Publié le 13/12/2012 à 12:00 | Lu 3420 fois