Les seniors et la mobilité (partie 1)

Le Laboratoire de la Mobilité inclusive -qui rassemble des grands acteurs publics et privés pour analyser les difficultés quotidiennes rencontrées par les publics les plus fragiles- a mené une étude autour de la mobilité des aînés et propose en parallèle, des solutions innovantes et adaptées à leurs besoins. Dans cette première partie, cet organisme étudie « les pratiques de mobilité des seniors ». Détails.


Les seniors d’aujourd’hui  se déplacent moins que le reste  de la population…
L’arrêt des déplacements domicile-travail, la baisse du revenu et une diminution progressive des facultés physiques expliquent que, de plus de quatre déplacements par jour à 55 ans, on passe à moins de trois après 75 ans. 
 
Par ailleurs 30% des plus de 65 ans ne sortent pas de chez eux un jour donné (Enquête Nationale Transports Déplacements 2008). Les seniors consacrent moins de temps aux déplacements quotidiens : moins de 30 minutes après 85 ans contre 90 minutes à 40 ans. Leurs distances parcourues diminuent également : 17 km par jour pour les 65-74 ans, 8 km pour les plus de 75 ans (ENTD 2008).
 
… mais ils se déplacent  plus qu’avant
Les déplacements des seniors sur un jour donné sont plus nombreux qu’auparavant. La part de personnes immobiles a de fait, diminué entre 1994 et 2008 (ENTD).
 
Les seniors sont aussi plus motorisés qu’avant…
78% des plus de 65 ans possédaient le permis de conduire en 2008, un chiffre en augmentation, particulièrement chez les femmes. La voiture, dont l’usage augmente également, est devenue la première solution de déplacement pour les seniors.
 
...mais recourent  de plus en plus à la « voiture  en tant que passager »
La pratique de l’automobile en tant que passager se développe, particulièrement chez les personnes de plus de 6o ans les plus modestes, et de manière générale avec l’âge.
 
Les gênes à la mobilité  augmentent avec l’âge et chez les seniors les plus modestes Si ce phénomène est indépendant du lieu de vie, de l’urbain dense au rural profond, l’âge et le niveau de vie influent nettement. Si seulement 4% des 60-64 ans déclarent des gênes à la conduite, 8% des 65-74 ans et 19% des plus de 75 ans sont dans ce cas. Des gênes également corrélées au niveau de vie et au territoire. 
 
Les seniors  utilisent peu les transports  publics…
Les transports publics représentent 5,1% de pratique modale chez les 65 ans et plus contre 8,3% pour l’ensemble de la population (ENTD). Le bus est le mode le plus utilisé, à 70%. Bien que 88% des réseaux urbains proposent une tarification sociale spécifique aux seniors, celle-ci ne représente que 3,7% des titres effectivement utilisés (GART-UTP). Motorisés, plus aisés, habitués au confort de leur voiture et au phénomène de périurbanisation, les seniors d’aujourd’hui ont la possibilité et les moyens financiers de se passer du bus. Avant de prendre le bus, il peut aussi être nécessaire d’apprendre à l’utiliser : se munir d’un titre de transport ; choisir le meilleur itinéraire ; savoir où se trouve l’arrêt le plus proche ; se repérer sur le plan mais aussi dans la rue ; connaître les horaires de passage ; ne pas laisser passer son arrêt… Une véritable « mission de survie ».
 
... et encore moins le vélo...
Ainsi, 40% des plus de 50 ans n’ayant pas recours au vélo pour se déplacer l’expliquent par une forme physique insuffisante, un taux qui augmente avec l’âge : 26% entre 50 et 64 ans, 46% entre 65 et 74 ans et 62% après 75 ans (Club des Villes Cyclables). Une donnée paradoxale, le vélo étant un moyen très adapté pour maintenir un bon état de santé !
 
… mais ils marchent
La marche représentait en 2008, 39,7% de part chez les plus de 75 ans contre 22,3% pour l’ensemble de la population (ENTD 2008). Complément de parcours pour rejoindre le bus, la marche est aussi le « dernier mode disponible » lorsque l’autonomie, notamment motorisée, diminue. La qualité de l’espace public conditionne bien sûr les possibilités du maintien à domicile le plus tardif possible. Les injonctions en faveur du bien vieillir insistent sur la pertinence de la marche à pied pratiquée de façon régulière (30 min par jour).
 
Des motifs et modalités de déplacements spécifiques
Les achats représentent environ 40% des motifs de déplacements chez les jeunes retraités et 45% après 75 ans (CERTU). La proportion d’achats sur les marchés, dans les commerces de proximité et les moyennes surfaces augmente avec l’âge, le besoin de proximité et de lien social, démontrant l’importance de l’offre commerciale et de services de proximité. Les seniors se déplacent majoritairement aux heures creuses, à contretemps des flux majeurs. Une proportion qui va augmenter simultanément avec le vieillissement de la population, jusqu’à remettre en question la prépondérance des déplacements aux heures de pointe.
 
Le renoncement à la mobilité, un phénomène ciblé
Les premiers motifs de déplacements auxquels les seniors renoncent sont : s’occuper d’une personne dépendante (11%), les loisirs/bénévolat (7%) et s’occuper des petits enfants (5%). Ceux qui renoncent le plus à leurs déplacements ont en majorité plus de 80 ans, vivent seuls, ont des revenus modestes et sont plutôt des femmes.
 
Une anticipation variée de la mobilité de demain
Demain, lorsque les capacités de mobilité diminueront, les seniors privilégieront (enquête Laboratoire de la Mobilité inclusive 2014) :
· Les transports en commun : 32%
·  La réduction des déplacements : 31%
·  L’utilisation des moyens à distance : achats dématérialisés, télémédecine,  livraisons… : 30%
·  Le recours à un proche (famille, amis) : 29% – ou à un tiers (bénévole, professionnel) : 17% – pour être accompagné(e).
 
Les propositions alternatives les moins citées sont le covoiturage (5,5%) et le recours à un véhicule personnel adapté (9%). En tout, 21% des répondants, majoritairement des jeunes seniors, n’ont jamais réfléchi à cette question. Pour anticiper leur moindre mobilité de demain, les seniors plébiscitent le maintien d’une activité physique quotidienne adaptée (76%). Un quart anticipe un autre aménagement de leur domicile et 20% un déménagement. Enfin, 20% n’ont jamais réfléchi à l’évolution de leur mobilité (jeunes seniors).
 
Les seniors, une population à risque ?
Une large majorité (91%) des déplacements des seniors sont réalisés en voiture ou à pied. L’opinion publique perçoit les seniors comme un important facteur de risque sur la route. Pourtant, ils ne sont pas impliqués dans davantage d’accidents que les autres usagers de la route : représentant 24,4% de la population (INSEE), ils ne totalisent « que » 13% des victimes d’accidents corporels (ONISR). En revanche, ils connaissent le plus fort taux de décès (24%), en particulier en raison de leur vulnérabilité physique. Enfin, les automobilistes de plus de 75 ans sont plus souvent présumés responsables de l’accident.
 
« Quand mon mari est décédé en 2012,  j’ai revendu le véhicule, je me suis dit à 82 ans il vaut mieux arrêter de conduire. Je serais plus embêtée de faire un accident pour les autres plutôt que d’avoir  un accident moi-même. »
 
L’accidentologie liée à la marche est un enjeu majeur : 54% des piétons tués en France sont des seniors (70% en zone urbaine). Si 13% des décès dans la population générale concernent les piétons, cette part monte à 22% chez les jeunes seniors et à plus de 40% pour les plus de 75 ans !
 
« Un jour, il y a 5 ans, j’ai traversé  sans regarder et un taxi a freiné à fond…  je me demande toujours pourquoi  je n’ai pas regardé ! »

Publié le 18/11/2015 à 07:11 | Lu 3940 fois