Le grand âge mérite une politique altruiste et résiliente par Cyrille Darrigade

Confinements, pandémie isolement, glissement psychologique, maltraitance… Rien n’a été épargné aux personnes âgées dans notre pays en moins de 24 mois. Le bilan psychologique et traumatique des suites de la COVID-19 est à la mesure de ce qu’ils ont pu vivre, qu’ils appartiennent au troisième ou au quatrième âge. De même, leurs proches, enfants ou petits-enfants, interdits d’embrassades, de visites ou de mots d’adieu n’en sortent pas indemnes.





Comme a pu le dénoncer Marie de Hennezel, psychologue,  dans son ouvrage « l’adieu interdit », il n’est plus possible de revivre une telle situation.
 
Mais il en va ainsi : il faut toujours qu’un fait exceptionnel surgisse et que les pouvoirs publics se heurtent au mur de l’incompréhension de l’opinion publique pour que l’on sorte des égoïsmes caricaturaux du chacun pour soi.
 
La question du bien-vieillir en France n’a fait que connaître son apogée avec la COVID. Souvenons-nous de la canicule de 2003. Il a fallu un été meurtrier pour se rendre compte à quel point nos aînés se trouvaient dans diverses formes de précarité : logement inadapté, solitude affective, absence de prévention…
 
La liste est longue des constats qui ont conduit à leur consacrer une journée dite « de solidarité » de la part des actifs pour compenser une déshérence quasi-totale de l’Etat en ce domaine.
 
Cette fois, avec la COVID-19, nos anciens ont été claquemurés dans les EHPAD, au nom de la dangerosité du virus. Arrivées dans leur dernière trajectoire de vie, ces personnes ont dû subir des situations souvent inhumaines.
 
Pourquoi ? Parce que celles atteintes par la maladie n’ont pu être accompagnées par leurs proches qui eux-mêmes ont eu des difficultés à faire leur deuil. Un moment fondamental où « l’adieu », l’accompagnement, les derniers instants ont autant d’importance que la vie entière passée aux côtés de ceux que nous aimons.
 
Voilà une épreuve réellement traumatique pour ceux qui restent et qui développe le sentiment coupable de n’avoir pas été là lorsqu’il le fallait.
 
Une autre stratégie de l'existence
Comment en tirer des enseignements pour rebondir ? Loin de remettre en cause toutes les mesures de protection face à l’inconnu ni le travail des soignants dans les maisons de retraite, il faut aussi se souvenir qu’un adulte entré dans le 3ème ou le 4ème âge reste une personne humaine à part entière.
 
Son attachement à la vie et aux autres ne s’éteint pas parce qu’il a vieilli. Au contraire, il est sculpté par une culture et une histoire, il a besoin d’être entouré, stimulé et pris en charge pour veiller à son autonomie et à son indépendance le plus longtemps possible.
 
On le voit très souvent, un environnement actif, une sécurisation affective et une bienveillance empathique vont faire disparaître ou prévenir de nombreux troubles qui conduisent au décrochage, au glissement ou à l’apparition de maladies psychologiques ou neurologiques liées au grand âge.
 
La vieillesse n’est donc pas un “naufrage”, mais plutôt le changement d’une stratégie de l’existence comme le démontre Boris Cyrulnik, neuropsychiatre dans ses travaux.
 
Surtout si les seniors bénéficient des outils nécessaires pour s'épanouir, éviter la rumination de sorte voire, à reprendre le développement de leur existence notamment par la résilience en accordant une place importante à la culture, l’éthologie, la psychologie et l’histoire.
 
Ce qui change pour eux, est tout simplement la représentation du temps, car la mort est plus palpable au cours de cette partie de l’existence, alors qu’elle était un artifice voire quelque chose d’imaginaire durant la jeunesse.
 
Les plans nationaux se succèdent pour que la société s’adapte au vieillissement. Mais, plus que les intentions, il faut en faire un impératif national, développant la culture de l’autonomie et de l’éducation à la santé dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
 
Bien sûr, beaucoup est déjà fait pour repérer et prévenir les facteurs de fragilité médicale, personnelle. Des mesures tentent de traiter les inégalités sociales et territoriales. Les professionnels de santé se forment à la perte d’autonomie.
 
C’est pourquoi, si nous voulons mieux vieillir en France, il faut mettre en place la société du “care”. Elle nous permettra de sortir du “désert de sens” qui oppose les générations entre elles et qui conduit bien souvent à ce que la vie active nous amène à nous désintéresser progressivement de ceux qui l’ont quitté et qui ne sont pas moins inutiles à notre société !
 
La société du “care”
En plus de prendre soin de nos aînés, il faut aussi soutenir l’enfance dès les 1.000 premiers jours, par une politique centrée autour de l’enfant, de son développement harmonieux qui garantit simultanément aux parents un quotidien apaisé.
 
Pourquoi durant les 1.000 jours d’existence ? Parce qu’ils constituent une période sensible pour l’enfant, pour son développement et sa sécurisation et contiennent les prémices de la santé et du bien-être de l’individu tout au long de sa vie.
 
Précisément, sa construction psychique, affective, cognitive et sociale. Cet accompagnement perdurera toute la vie et la vieillesse n’en sera que plus facile.
 
Cette crise nous a montré combien l’Homme seul n’existe pas et que nous avons besoin des autres pour être vivants. C’est pourquoi, la société du Care est indispensable car elle se fonde sur le "prendre soin" où l’on comprend que nos interdépendances sont des forces.
 
Cynthia Fleury, psychiatre, exposait récemment cette vision humaniste de la vulnérabilité, inséparable de la puissance régénératrice des individus. Elle a mené une réflexion où les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun.
 
Cette société du “prendre soin” nous rendra donc plus humains et évitera les drames vécus par nos aînés en modifiant notre culture du grand âge.  Si nous réussissons, nous aurons alors soigné les blessures et les fautes de notre pays, pour reprendre un développement collectif et altruiste.
 
C’est que l’on appelle aussi la résilience ou la psychologie positive.
 
* Psychopraticien certifié  IPHM. Praticien en Analyse Transactionnelle de l’Ecole Française d’Analyse Transactionnelle et en Programmation Neuro-Linguistique.

Article publié le 25/02/2022 à 01:00 | Lu 5715 fois