La perte d'autonomie, un enjeu de société : Tribune libre de l'ADMR

Suite à l’annonce par la ministre de la Santé d’une feuille de route pour les personnes âgées et suite à l’alerte lancée par le Comité consultatif national d’éthique sur les enjeux du vieillissement, le débat sur le financement de la perte d’autonomie est à nouveau sur le devant de la scène. Pour l’ADMR, la question n’est pas que financière : la place des aînés est un réel enjeu de société.


Face au vieillissement inédit de la population dans les prochaines années, la France va faire face à un défi de grande ampleur. Celui d’accompagner ses ainés, sans discrimination et dans le respect de leurs choix de vie.
 
Né dans l’immédiat après-guerre, pour venir en aide aux familles, le réseau ADMR a été le témoin privilégié des évolutions successives de la société et les a accompagnées par la diversification de son activité et un souci constant de renforcer le lien social.
 
Aujourd’hui, le maillage du territoire français par ses 2.700 associations locales, ses 94.000 salariés et 100.000 bénévoles au service de plus de 720.000 clients et patients donnent toute légitimité au réseau ADMR pour prendre la parole sur un sujet sociétal majeur.
 
Des financements pérennes pour le domicile
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé mardi 30 mai de nouvelles mesures pour la prise en charge de la dépendance, et notamment : 360 millions d’euros pour les Ehpad et 100 millions d’euros pour l’aide à domicile.
 
Cette annonce va dans le bons sens. Mais il s’agit, une fois encore, de mesures d’urgences qui n’apportent pas de solution pour un financement pérenne, ambitieux et à la hauteur de l’enjeu. De plus, l’accent est mis sur des mesures d’amélioration de l’accueil dans les institutions, les maisons de retraites. Or les Français, dans leur immense majorité, plébiscitent le maintien à domicile.
 
L’âge ne doit pas être un facteur de discrimination sociale
Quelle société voulons-nous ? Quelles valeurs souhaitons-nous transmettre à nos enfants ? La place de nos aînés et leur accompagnement à domicile constituent, d’un point de vue éthique, un vrai enjeu de société. L’alerte lancée en ce mois de mai 2018 par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pointe les conditions de vie difficiles des personnes âgées et leur manque d’intégration dans la société. Ne pas prendre pleinement en charge nos ainés, ne pas les considérer comme des citoyens acteurs à part entière de la vie collective, serait une indignité grave pour notre société.
 
L’âge et la perte d’autonomie ne doivent pas, ne peuvent pas représenter un facteur de discrimination sociale.
 
Donnons-nous les moyens pour aller vers une société plus inclusive et respectueuse vis-à-vis des personnes âgées.
 
Le défi est également économique. L’aide à domicile souffre d’un sous-financement chronique qui ne permet pas, dans bien des cas, d’apporter le niveau d’accompagnement suffisant aux personnes. Pour les mêmes raisons, financières, notre secteur souffre d’un manque d’attractivité et peine à attirer les bons profils et à recruter massivement.
 
Pourtant, les perspectives démographiques, les attentes fortes des seniors désireux de préserver leur qualité de vie, tout indique que le secteur de l’aide et des soins à domicile est porteur de métiers d’avenir, où l’humain joue un rôle central. Notre société doit se donner les moyens de faire face à cet enjeu avec courage et justice : c’est véritablement la question du vivre ensemble qui se pose !
 
La solidarité nationale au coeur du dispositif
Le mouvement ADMR n’a cessé de cultiver les valeurs de solidarité, de proximité et d’universalité. Des valeurs qui reposent sur un socle d’humanisme. C’est pourquoi l’ADMR milite pour le maintien d’une politique publique du domicile au sein de notre modèle de protection sociale et pour la mise en oeuvre d’une réforme du financement du secteur s’appuyant principalement sur la solidarité nationale.
 
Parce qu’une société digne de ce nom se fonde sur un pacte entre les générations, l’instauration d’une entraide entre ses différentes composantes. Poser cette affirmation, ce n’est pas revendiquer que l’État subvienne, seul, à tous les besoins. Mais la solidarité doit rester le principe de l’accompagnement des séniors, un principe juste et nécessaire.
 
Le débat public : une nécessité
La loi d’adaptation de la société au vieillissement, entrée en vigueur en janvier 2016, a certes donné la priorité à l’aide à domicile pour l’avenir, mais elle n’a pas déterminé le modèle économique à mettre en place pour être en mesure, demain, d’accompagner tous les seniors en perte d’autonomie, sur l’ensemble des territoires, selon leurs choix et leurs besoins.
 
Le constat qui est fait aujourd’hui par les salariés et les bénévoles, issu la société civile, aujourd’hui, et que la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) induite par la loi d’adaptation de la société au vieillissement n’a pas permis de réduire l’écart très important (parfois jusqu’à 30 %) du montant de l’APA d’un département à l’autre. Ces disparités sont contraires aux principes d’universalité et d’égalité de traitement que défend l’ADMR.
 
Nous ne pouvons donc que saluer le retour du questionnement sur le modèle économique à mettre en place pour assurer de manière égalitaire et pérenne le financement de la perte d’autonomie dans l’ensemble des départements. L’ADMR tiendra toute sa place dans la réflexion que la Ministre appelle de ses voeux pour « anticiper et répondre au défi du vieillissement et de la perte d’autonomie ». Le débat est constructif, gageons qu’il ne restera pas improductif.

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Publié le 07/06/2018 à 11:59 | Lu 5725 fois