La dernière leçon : entretien avec Marthe Villalonga (film)

Le dernier film de Pascale Pouzadoux intitulée La dernière leçon, avec Sandrine Bonnaire et Marthe Villalonga sortira sur les écrans français le 4 novembre prochain. Le scenario, tiré du roman de Noëlle Châtelet, relate l’histoire de Madeleine, une nonagénaire, qui a fixé la date et les conditions de sa mort... Entretien avec Marthe Villalonga.





Quelle a été votre réaction quand Pascale Pouzadoux vous a proposé le rôle deb Madeleine ?

Quand on me propose quelque chose, je suis ravie qu’on pense à moi, ça fait plaisir ! Et quand j’ai lu le scénario de Pascale, je me suis dit : « C’est pour moi, je ne veux pas qu’ils prennent quelqu’un d’autre ! » Madeleine est un très beau personnage et La Dernière Leçon est une très belle histoire, avec au centre un sujet d’actualité qui me parle...
 
… mais qui est grave.

Oui, mais pour autant, cette femme n’a rien de triste. Elle a pris une décision, point final. Et rien ne la fera changer d’avis, quoi qu’en pensent les autres. Je me suis attachée à la force de ce personnage. Quand elle parle à sa fille ou ses proches, elle est joyeuse et sereine. Elle n’est pas mourante, ni malheureuse, elle sent juste qu’elle va aller de plus en plus mal et elle ne veut pas partir en diguedille. A plusieurs moments, elle dit qu’elle souffre, qu’elle a trop mal. Elle veut quitter sa vie « en bonne santé ».
 
Elle possède cette force aussi parce qu’elle a vécu sa vie pleinement.

Mais bien sûr ! Cette femme ne se prive de rien en partant. Elle a tout eu dans sa vie riche d’expériences : un métier qu’elle a vécu avec passion, un mari et des enfants qu’elle adore… Elle n’a pas pris sa décision n’importe comment, par dépit ou désespoir.
 
Comment avez-vous dosé le mélange de vitalité et de fatigue qui émane de Madeleine ?

Je crois que ça vient du scénario. Apparemment Madeleine est en bonne santé mais il y a cette fatigue, cette fatigue inhérente à la vieillesse. Par moments, elle souffre parce qu’elle a mal aux reins mais c’est à peine esquissé, elle n’est pas dans la plainte, on doit plutôt le deviner : elle ne va pas bien et puis ça passe, « normalement », comme dans la vie. Je n’ai pas vraiment pensé mon personnage en termes d’âge et de vieillesse. Que Madeleine ait soixante-dix ou cent ans, peu importe pour moi. L’essentiel est qu’elle est en vie et que tant qu’elle vivra, elle ne se laissera pas aller, elle n’aura pas le corps qui tombe. C’est donc avant tout son caractère et sa simplicité qui m’ont guidée.
 
La scène d’accouchement sur le banc de l’hôpital est plutôt rocambolesque…

Madeleine est fatiguée mais il faut qu’elle aide cette femme, qu’elle tienne jusqu’au bout, qu’elle donne la vie pour la dernière fois avant de partir. Elle va perdre la vie, elle donne la vie… Quand elle sort le bébé du ventre de cette femme, elle est heureuse, elle le regarde émerveillée, sachant que cet accouchement est son dernier. Et puis elle se retrouve seule et ses forces s’écroulent. Je crois que cette scène est le moment du film où l’on sent vraiment à quel point elle est épuisée.
 
Comment s’est passé le tournage ?

Pascale et moi ne nous connaissions pas mais le contact a été immédiat, on s’est tout de suite bien entendues. On avait les mêmes sensations sur le personnage, pas besoin de s’expliquer. Pascale m’a sans doute donné des indications de jeu mais je me souviens surtout de notre complicité. Plus globalement, toute l’équipe était épatante. On ne dit pas assez combien c’est important sur un tournage, une équipe calme, posée… Surtout pour ce genre de film. On riait aussi de temps en temps, bien sûr, mais ce climat de sérénité m’a aidée à me concentrer, à entrer dans le personnage.
 
Et la présence de Noëlle Châtelet sur le plateau ?

Quand on s’est rencontrées avec Noëlle avant le tournage, lors d’un déjeuner avec Pascale et Sandrine, on a bavardé, parlé bien sûr de sa mère mais encore une fois, c’est l’histoire racontée par le scénario qui m’a guidée avant tout – j’ai d’ailleurs préféré lire le livre de Noëlle Châtelet après le tournage. Pour moi, sa présence n’a pas beaucoup compté car j’étais dans ma bulle avec Sandrine et Pascale. C’était ça l’important à ce moment-là : Pascale, Sandrine et mon personnage qui prend cette décision importante. Rien d’autre.
 
Sa grande complicité avec sa mère aide Diane à accepter sa décision.

Au début, Diane est dans le refus parce qu’elle a mal au cœur. Elle voudrait garder sa mère un peu plus longtemps, profiter de sa présence. Mais elle comprend sa décision et surtout, elle connaît bien sa mère. Elle sait qu’elle peut lui parler mais elle sait aussi que rien ne la fera changer d’avis, elle ira jusqu’au bout ! Malgré leurs différends, Madeleine et Diane sont en osmose et cette complicité, je l’avais moi-même avec Sandrine Bonnaire dans la façon de  réagir, de jouer. Je l’ai considérée d’emblée comme ma fille, une fille charmante, qui adore sa mère. J’avais rencontrée Sandrine sur le tournage des Innocents de Téchiné. On s’était juste croisées mais cela m’avait suffi pour me rendre compte que ça fonctionnait entre nous, qu’il y avait une familiarité.
 
La relation entre Madeleine et sa fille est aussi très charnelle.

Bien sûr, c’est charnel, là encore grâce à Sandrine, que j’avais naturellement envie de prendre dans les bras. Dans la vraie vie, je suis quelqu’un qui n’embrasse pas, je n’aime pas ça. Mais en tant qu’actrice, dans l’intimité du film, c’est autre chose… La scène dans la baignoire est très belle parce qu’elle est charnelle mais en même temps pleine de pudeur. J’avais d’ailleurs prévenu Pascale : « A poil dans la salle de bain, je ne m’y mets pas. Je te le dis tout de suite ! » Pascale m’a rassurée, ce n’est pas ce qu’elle me demandait. En général, je ne regarde pas les rushs mais cette scène-là, j’ai quand même eu besoin d’aller voir comment elle avait été filmée… A un moment, on voit l’amorce du sein mais ça ne m’a pas gênée. Et puis dès l’instant où je fais confiance au metteur en scène, il peut faire ce qu’il veut.
 
C’est rare qu’on vous propose des rôles dramatiques…

Oui, et ça m’a beaucoup touchée que Pascale le fasse, moi qui suis avant tout connu pour mes rôles rigolos et populaires – hormis chez Téchiné. Par moment, j’avais d’ailleurs l’impression de me retrouver sur l’un de ses tournages. Ca fait du bien d’être aussi un peu prise au sérieux !
 
Vous apportez néanmoins beaucoup de malice à Madeleine…

Mon personnage est intéressant justement parce qu’il a des facettes très différentes. A certains moments, Madeleine rit, elle est contente, comme une enfant. Et à d’autres, elle est plus dure, notamment quand elle doit imposer son choix. Cette femme a souffert, elle a connu la guerre. Ce n’est pas une mémé juste gentille, elle est traversée par des sentiments et des états divers. Au final, je l’ai peut-être ramenée à moi beaucoup plus que je ne le pensais. Dans la vie, j’ai la même intransigeance qu’elle : je n’aime pas qu’on discute les décisions importantes que j’ai prises !
 
Avec ce film, vous mettez votre popularité au service d’une cause encore tabou…

Je n’ai pas du tout réfléchi en ces termes quand j’ai fait le film, je ne me suis pas laissée embrigadée par son sujet ! J’ai avant tout pensé au personnage et au scénario, et au fait que j’allais faire tout mon possible pour contribuer à ce que celui-ci devienne un beau film. Il n’empêche, je veux défendre la cause de Madeleine. Cette femme est formidable, j’ai envie de partir comme elle, sereinement, sans souffrir, quand je l’aurai décidé, sans embêter personne.
 
Propos recueillis par Claire Vassé

Article publié le 09/10/2015 à 01:00 | Lu 2340 fois